Dans une lettre ouverte, le mouvement Rise for Climate Luxembourg dénonce le manque de démocratie en matière de décisions climatiques et appelle au boycott de la plateforme climat.
C’était une mesure inclue dans la loi climat votée en décembre 2020 : la mise en place d’une « plateforme pour l’action climat et la transition énergétique », laquelle devait, selon les exigences européennes, rassembler les autorités locales, des organisations de la société civile, des entreprises, des investisseurs ainsi que toute autre partie prenante, et servir un dialogue permanent et multiniveaux.
Moins d’un an après, c’est la douche froide du côté de la société civile, qui dénonce le manque de transparence et de démocratie de cette entité, illustrée par sa composition même. Il est en effet prévu qu’au sein de la plateforme six sièges soient dédiés au gouvernement et aux communes, sept sièges au patronat, et seulement sept autres sièges sont à se disputer entre les ONG, la jeunesse et les syndicats.
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Une composition loin d’être représentative de l’ensemble de la population donc, pourtant concernée dans son entièreté, de fait, par le changement climatique. Population qui se voit complètement écartée du débat par le concept-même, comme l’expliquent les militants de Rise for Climate dans une lettre ouverte rendue publique ce lundi :
« La plateforme climat n’est qu’un élément de communication destiné à cocher la case “consultation de la société civile” dans les rapports envoyés à la Commission Européenne. Le concept actuel de la plateforme climat nous apparaît comme un maintien délibéré de la population dans l’ignorance de l’ampleur des enjeux (…) dans une position de spectateur (…) »
« La participation citoyenne à l’élaboration des lois sur la transformation écologique n’est pas un gadget», poursuit le collectif. «Lorsque les inondations meurtrières auront lieu plusieurs fois par an il ne sera plus temps de faire ce travail, or les scientifiques sont clairs, ce moment viendra d’ici la fin de la décennie. L’urgence nous commande de ne plus accepter les négociations derrière des portes closes et l’exclusion des citoyens d’un débat qui détermine le futur de l’humanité. »
Des assemblées citoyennes
« Comment imprégner les gens des débats et faire remonter des retours importants si personne ne sait que cette plateforme existe ? Parce qu’il n’y a pas de sélection démocratique, pas d’élections, pas de débats. La population ne peut pas s’inscrire dans les décisions à venir », s’insurge Brice Montagne, militant au sein du mouvement Rise for Climate.
Il cite en exemple la taxe carbone, jugée profondément « injuste » : « Elle pèse plus sur les transfrontaliers qui n’ont pas accès au transport gratuit que sur les résidents luxembourgeois qui y ont eux accès. Et cela, alors même que certaines grandes entreprises polluantes ne sont pas du tout exposées à la taxe carbone ! C’est ce type de choses qui ne peut pas être pris en compte si la plateforme climat telle qu’elle est définie dans la loi climat est appliquée ».
Pour le militant écologiste et ses camarades, les décisions concernant le climat sont « trop importantes» et vont «tellement changer la société » qu’on ne peut pas « continuer à prendre des décisions dans le dos des gens. Il n’y aura jamais alors de décisions justes. Les premiers impactés ne seront jamais consultés. »
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La composition n’est en effet que « la partie émergée de l’iceberg », alerte Brice Montagne : « Elle n’a qu’une valeur consultative, aucun pouvoir décisionnel. Le gouvernement peut donc tout à fait décider de s’assoir sur les décisions ! »
Selon lui, pour qu’il y ait véritablement démocratie, le débat doit impliquer « toute la population, pas seulement les 50% qui ont le droit de voter au Luxembourg. » « Nous irions même plus loin : il faudrait intégrer toute la population active, c’est-à-dire inclure aussi les 200 000 travailleurs frontaliers, qui sont touchés par les décisions prises, comme la taxe carbone justement. Voilà ce qui serait une démocratie à la hauteur des enjeux. »
Rise for Climate appelle donc au boycott « complet et définitif » de la plateforme climat – même si le mouvement ne se fait guère d’illusion concernant la position du patronat et de certaines communes ralliées à la majorité gouvernementale – et invite la population à rejoindre les assemblées citoyennes. « Il faut remplacer [la plateforme] par une assemblée citoyenne démocratiquement constituée, profondément ancrée dans tous les quartiers et dans tous les lieux de travail, représentative de la population dans son ensemble, et dont les conclusions seront validées par référendum », estiment les militants.
Tatiana Salvan