En date de lundi, 31 communes sur 102 n’avaient pas encore lancé la refonte de leur PAG. Leur urbanisation repose sur des plans de 1937. Après le 1er novembre, elles auront les mains liées pour tout nouveau projet.
Au ministère de l’Intérieur, ils s’étaient préparés à vivre une «véritable ruée» après la rentrée du mois de septembre. Mais force est de constater que depuis la mi-juillet, moment où nous avions fait dans nos colonnes un dernier point, le nombre de communes qui ont lancé ou achevé les démarches pour se doter d’un plan d’aménagement général (PAG) «nouvelle génération» n’a guère évolué.
Au 5 juillet, 65 communes sur 102 étaient en règle. Il y a trois mois, 37 conseils communaux étaient encore à la traîne. Selon le tout dernier comptage du ministère de l’Intérieur, livré hier, ce chiffre a pu être ramené à 31 communes, soit six de moins qu’au début de l’été. Les dernières communes ayant lancé ou finalisé la procédure sont Steinsel, Beaufort, Leudelange, Frisange, Bettendorf, Kiischpelt et Mondercange. «Les procédures restent en cours. Certaines communes ne vont pas réussir à respecter le délai du 1er novembre. Mais toute une série vont procéder avant la fin de l’année au premier vote», indique la ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding, contactée lundi par téléphone.
Certains votes reportés jusqu’à l’été 2020 ?
Le 14 octobre, les services du ministère précisaient dans un communiqué que «selon les informations recueillies auprès des communes, une dizaine d’entre elles ne seraient pas en mesure de respecter la date butoir». À J-10, la ministre de tutelle ne souhaite pas s’avancer sur un chiffre plus précis. Mais Taina Bofferding admet que dans certaines communes concernées «le vote aura lieu au premier semestre 2020». En attendant, ces communes fonctionnent toujours avec un PAG reposant sur des bases légales datant de… 1937.
Le président du Syndicat des villes et communes (Syvicol) ne pense pas que le chiffre de 31 communes qui ne sont pas en règle va baisser d’ici le 1er novembre. Si Émile Eicher dit comprendre la décision de la ministre de ne pas accorder de délai supplémentaire, le député-maire de Clervaux dénonce la lourdeur administrative de la procédure. «Je comprends aussi les communes qui se voient obligées de fournir des éléments supplémentaires. Le problème est que certaines études environnementales ne pourront être effectuées qu’au printemps ou en été 2020. Dès lors, ces communes se trouveront bloquées», déplore-t-il. De plus, souligne Émile Eicher, il ne faut pas sous-estimer le coût d’une refonte du PAG. «Cela peut dépasser le million d’euros, ce qui représente une importante somme pour de nombreuses communes.» La ministre rétorque qu’«il ne faut pas oublier que les communes avaient 15 ans pour lancer la procédure. Le délai, prolongé à maintes reprises, ne va plus bouger. Il est temps d’aller de l’avant.»
«Une situation indigne»
Du même coup, Taina Bofferding rejette la demande de la Chambre immobilière qui, le 10 octobre, avait, par voie de communiqué, appelée à prendre «une mesure d’urgence». Le fait qu’après le 1er novembres des dizaines de communes ne seront plus en mesure de lancer de nouveaux projets de construction sur la base d’un plan d’aménagement particulier fait dire à Jean-Paul Scheuren, le président de la Chambre immobilière, que «cette situation est indigne d’un pays où la question du logement est une priorité». Il dénonce en outre une «complexité extrême de la législation» et le risque de voir les prix immobilier continuer à exploser.
La Chambre immobilière admet toutefois que «seule l’adoption d’un PAG « nouvelle mouture » peut créer le cadre nécessaire pour dynamiser la création de logements». En attendant, «l’absence de PAG est encore pire». Mais un délai supplémentaire ne sera pas accordé. «Il ne faut également pas négliger le fait que le bourgmestre pourra continuer à signer des autorisations de bâtir», précise la ministre de l’Intérieur.
Pour le Syvicol, il est déjà positif que les sanctions financières un moment prévus ne seront pas appliquées. Sur ce, Taina Bofferding souligne qu’«il ne s’agit pas d’embêter les communes. Il est dans leur intérêt de se mettre à jour pour développer un urbanisme moderne.» Dès le premier vote, le blocage sera levé. Et un autre projet phare est étroitement lié aux nouveaux PAG. «Les données vont servir de base pour réformer l’impôt foncier», précise la ministre.
Dans dix jours, le décompte final du nombre de communes qui auront raté leur passage dans les temps au XXIe siècle pourra être effectué.
David Marques
PAG et PAP, définitions
›Le plan d’aménagement général (PAG) est constitué d’une partie graphique et d’une partie écrite qui servent de base au développement d’une commune. Il couvre l’ensemble du territoire qui est divisé en diverses zones (par exemple zone verte, zone rurale, zone spéciale, zone urbaine). Une différence est faite entre zones urbanisées (ou à urbaniser) et zones destinées à rester libres. Le PAG peut connaître des modifications ponctuelles, par exemple pour transformer une zone verte en zone constructible.
›Le plan d’aménagement particulier (PAP) couvre une partie du territoire communal, urbanisée ou destinée à être urbanisée en exécutant le PAG auquel il se rapporte. Toute une série de règles doivent être respectées (entre autres, impact environnemental et dimensions du projet) pour que le PAP soit validé.
Kox : «Il n’y aura pas de blocage total»
Il regrette le retard pris pour le développement des nouveaux PAG. Mais le nouveau ministre du Logement ne redoute pas un impact négatif sur les projets immobiliers.
Si le ministère de l’Intérieur est le premier concerné par la refonte des plans d’aménagement généraux (PAG) des communes, le ministère du Logement observe lui aussi la situation de très près. Contacté hier par nos soins, le ministre Henri Kox, qui vient de remplacer Sam Tanson, affirme ne «pas se faire trop de soucis» au sujet du retard pris par une trentaine de communes. «Il s’agit bien entendu d’une situation malheureuse. Mais la date butoir était annoncée, prévisible et est également compréhensible», poursuit le membre fraîchement intronisé du gouvernement.
Le 10 octobre, la Chambre immobilière s’était montrée très inquiète par rapport au fait qu’un tiers des communes du pays, faute d’avoir la refonte de leur PAG, allaient se retrouver en situation de blocage pour lancer de nouveaux projets de construction. «Il est évident que de nombreuses communes vont avoir besoin d’une rallonge de délai. Il s’agit d’éviter toute situation de blocage des autorisations dans un contexte d’extrême tension au niveau du marché du logement», affirmait Jean-Paul Scheuren, le président de la Chambre immobilière, cité dans un communiqué.
Henri Kox ne partage pas cette vision négative des choses. «Nos efforts doivent désormais être concentrés sur la mobilisation des terrains qui se trouvent déjà dans le périmètre de construction. On compte 1 600 hectares, ce qui correspond à un potentiel de 130 000 à 140 000 logements supplémentaires», avance le ministre du Logement. Dans ce contexte, le remembrement ministériel urbain (mobilisation de parcelles destinées au logement locatif) doit être renforcé. Le Pacte logement 2.0, à conclure entre ministère et communes, est l’autre priorité d’Henri Kox pour ramener plus de dynamisme dans le domaine du logement. «Le potentiel pour avancer est présent. Il nous faut intensifier les procédures et rester aux côtés des communes», souligne le ministre.
Henri Kox est donc décidé à contrer le plus rapidement possible le constat dressé par la Chambre immobilière selon lequel «le nombre de logements construits ces 17 dernières années a toujours été en dessous des besoins de la population à cause des délais de procédures administratives». Selon les deux ministres concernés, les nouveaux PAG doivent constituer une solution et non pas créer de nouveaux obstacles.