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Philippe Schrantz, patron de la police : « Le recrutement est un grand souci »


Philippe Schrantz : «La police aimerait contrôler l’identité des personnes autour du stade mais elle ne peut pas le faire. La police ne peut pas demander à quelqu’un d’ouvrir son sac à dos». (photo Isabella Finzi)

Philippe Schrantz, directeur général de la police grand-ducale, défend la réforme de la grande maison, rendue nécessaire et urgente pour pallier au problème d’effectif, en premier lieu.

C’est la réforme qui fait débat. La réorganisation de la police passe un redéploiement de ses troupes afin de pallier au manque d’effectifs dans certaines unités. Une meilleure répartition des postes et un appel à la polyvalence font partie des grandes idées retenues.

Le Quotidien : Le recrutement de nouveaux policiers est votre principal souci. Le métier n’est-il plus attractif ?

Philippe Schrantz : Cela fait déjà quelques années que nous sommes confrontés à ce problème que je connais bien pour m’être occupé des Ressources humaines auprès de la police grand-ducale avant mon départ pour les CFL. Il s’agit surtout de trouver les bons candidats, de les former et de les intégrer. Jusqu’à présent personne ne songe à recruter 300 policiers en une fois, car ce n’est tout simplement pas possible d’un point de vue matériel.

Nous sommes donc limités par le nombre de bons candidats et par les moyens de la formation à l’intégration. Cette formation demande deux ans de casernement que nous allons réduire à un an pour attirer davantage de jeunes qui ont un bon potentiel mais sont encore hésitants face à ces deux années en caserne. Le recrutement est un grand souci car nous sommes confrontés au départ à la retraite d’importantes promotions, alors que de nouvelles missions nous sont attribuées.

Lesquelles par exemple?

Les radars, par exemple. Ou l’aéroport qui est encore un meilleur exemple, car nous devons satisfaire à des directives européennes et placer l’effectif nécessaire. Il y a les missions internationales, et vu la situation, il nous est demandé de faire participer de plus en plus de policiers aux opérations de contrôles des frontières, et c’est encore du personnel qui n’est plus disponible pour nos tâches journalières. Le recrutement en tant que tel n’est pas la seule solution. Il nous faut d’autres alternatives, d’autres moyens.

Qui passent donc par un redéploiement des troupes…

Oui, entre autres. Il nous faut revoir toutes nos missions pour pouvoir établir si un policier formé pour assurer la sécurité est vraiment nécessaire pour accomplir telle ou telle tâche. Donc on parle beaucoup de restructuration, ce qui fait d’ailleurs débat, pour trouver des synergies et répartir la charge de travail parmi notre personnel d’une manière plus équitable. Nous avons actuellement des unités surchargées et d’autres qui sont beaucoup plus gérables.

Parallèlement, nous réfléchissons à d’autres pistes comme organiser deux recrutements par an. Actuellement nous menons une campagne auprès des jeunes, nous participons à la foire de printemps, nous recevons des visites de classes qui viennent s’informer.

Demeure toujours la difficulté que représente le concours au vu des résultats pas très glorieux. Pas question de baisser le niveau pour autant. Alors quelles solutions envisager?

Le métier de policer devient toujours plus exigeant alors on ne peut en aucun cas alléger le concours de recrutement. Nous songeons au contraire à sélectionner davantage nos candidats vu les compétences demandées aujourd’hui et recruter au niveau du bac, pour une partie du personnel en tout cas, et le problème se pose pour toutes les unités. Nous avons de plus en plus de textes à assimiler et nous sommes, en même temps, de plus en plus juger sur la forme, la qualité des procédures qui deviennent elles aussi toujours plus difficiles.

Le personnel civil est une des solutions au problème. Mais pour quelles tâches et combien d’effectifs civils devriez-vous recruter dans l’idéal?

Pour le recrutement, nous avons une ouverture pour 45 personnels civils sur deux ans, ce qui est déjà appréciable. Nous avons déjà du personnel civil au niveau technique, pour l’informatique, pour l’entretien du charroi, de l’accueil au niveau des bâtiments, pour le secrétariat, la police judiciaire. Faute de personnel civil, nous avons souvent mis des policiers à ces postes. Ils ont reçu une formation qui leur permet de lutter contre la criminalité alors libérons-les des tâches administratives.

Des unités souffrent-elles plus que d’autres du manque d’effectif et lesquelles?

Oui, clairement. Nous avons en fait de grandes différences au niveau de la charge de travail qui peut aller du simple au quadruple en fonction des unités. À l’avenir, nos renforts devront être prioritairement placés dans ces unités-là, mais elles nous ont incités à revoir notre organisation territoriale.

Justement, cette réorganisation pose problème pour certaines communes qui craignent de voir disparaître leur commissariat de proximité. Vous êtes prêts à refaire la tournée des popotes. Comment les convaincre?

Il y a deux choses que j’ai ressenties pendant notre tournée à travers le pays. Premièrement, il y a une inquiétude quant au sentiment de sécurité. Le fait d’avoir une enseigne « police » dans une localité influence sur le sentiment de sécurité apparemment. C’est possible, mais c’est ignorer ce qui se passe derrière. Certains bourgmestres ont des difficultés à croire que l’on parviendra à mettre davantage de patrouilles sur le terrain.

Nous avons déjà deux projets pilotes depuis 2013 qui se sont montrés concluants avec une présence sur le terrain augmentée de 30 %, ce n’est pas rien. Ces chiffres devraient déjà convaincre les bourgmestres et ils auront un impact sur le sentiment de sécurité, bien plus qu’une simple enseigne « police » qui ferme ses portes après 17 h.

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Geneviève Montaigu

Article à lire en intégralité dans votre édition papier du lundi 18 avril.