Le ministre de la Justice, Félix Braz, a présenté mercredi un projet de loi qui devrait permettre aux personnes transgenres et intersexes de changer d’identité plus facilement. Une initiative que saluent les associations.
C’est seulement un projet de loi qu’a présenté Félix Braz, mais c’est un pas énorme pour les associations et les personnes concernées, celles qui se définissent d’un genre différent de celui assigné à la naissance. Actuellement la procédure est longue et coûteuse pour ces individus. Il s’agit d’une procédure judiciaire de rectification de l’acte de l’état civil qui est actuellement applicable tant aux personnes transgenres qu’intersexes, et se fait en application de l’article 99 du Code civil qui vise la rectification de l’acte de l’état civil.
Les personnes souhaitant modifier la mention du sexe et, de manière accessoire, leur(s) prénom(s) doivent aujourd’hui introduire une requête devant le tribunal d’arrondissement compétent qui statue sur les conclusions du procureur d’État. À défaut d’un cadre législatif spécifique, les conditions et critères pour obtenir la modification de la mention du sexe et du ou des prénoms ont été établis par la jurisprudence.
Ainsi, le juge luxembourgeois se basait traditionnellement sur des certificats médicaux posant le diagnostic de transsexualisme, ainsi que sur des certificats médicaux établissant le caractère irréversible du changement de sexe par des traitements hormonaux et opérations de réassignation sexuelle. Un parcours du combattant très lourd et très lent. Cela fait sept ans que l’ASBL Intersex & Transgender Luxembourg milite pour que l’aspect pathologique du transsexualisme disparaisse. C’est désormais chose faite avec ce projet de loi.
Autodétermination de la personne intéressée
Car même si la jurisprudence avait évolué et n’imposait plus de certificats d’opération à caractère irréversible, les personnes concernées devaient toujours donner des certificats médicaux et passer par la justice pour obtenir un changement d’état civil. Désormais, le projet de loi précise que la modification du sexe à l’état civil sera basée sur l’autodétermination de la personne intéressée, sans requérir des certificats médicaux à l’appui de la demande. Au-delà donc de simplifier les démarches et que cela passe par l’administration au lieu de la justice, il s’agit de dépathologiser le fait de changer de sexe. Pas une maladie, pas une déviance. Le Luxembourg a suivi les recommandations au niveau européen qui vont dans ce sens avec la résolution 2048 (en 2015) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe.
Une victoire pour le Dr Erik Schneider, d’Intersex & Transgender Luxembourg : «Nous sommes ravis, le Luxembourg a beaucoup bougé ces dernières années et le sujet avait fait consensus auprès de tous les partis politiques. Si la loi pouvait passer d’ici à la fin de l’année, ça serait parfait.» L’association salue le fait que le projet de loi reflète le souci de minimiser autant que possible les discriminations : une procédure déclarative garantissant l’autodétermination est prévue, la vie privée est respectée par la notification individuelle de l’arrêté ministériel autorisant la modification de l’état civil, des dispositions sont prises pour protéger les personnes mineures et celles de nationalité étrangère, y compris réfugiées.
Difficile de savoir combien de personnes sont en attente d’une telle mesure, mais la maman d’un adolescent transgenre attend la loi avec impatience : «Nous avons entamé les démarches, mais cela bloque car il est mineur. Avec la nouvelle loi tout pourrait changer pour lui. J’aimerais tellement qu’il ait son nouveau prénom sur son diplôme de fin d’études. Il veut aller à l’étranger pour faire ses études et ne plus avoir à se justifier sur son genre. Il sait ce qu’il veut.» Pour les mineurs, le projet de loi prévoit que les parents ou le tuteur légal soit en mesure de faire la demande, en accord avec le jeune quand il a plus de 12 ans. Une démarche positive et inclusive.
En parallèle, les députées CSV Sylvie Andrich-Duval et Françoise Hetto-Gaasch avaient déposé le 23 février 2016 un avant-projet de loi sur la même thématique. «Nous allions aussi vers la dépathologisation, mais en gardant une procédure judiciaire et un entretien préalable avec un médecin. Ce projet de loi du gouvernement est certainement plus complet puisqu’il englobe également les personnes intersexes. Mais nous avons initié le débat pour faire bouger les choses», explique Sylvie Andrich-Duval.
Audrey Somnard