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Patrick Goldschmidt : «Sortir des bus du centre-ville» de Luxembourg


"D'un point de vue responsable politique de la Ville, je serais ravi, comme tous les élus de la capitale, si tous les bus n'appartenant pas à notre réseau communal pouvaient rester à sa périphérie", confie Patrick Goldschmidt. (photo Alain Rischard)

Patrick Goldschmidt (DP) est l’échevin en charge de la circulation à Luxembourg. À partir d’aujourd’hui, les bus connaissent un nouveau parcours au départ de la gare centrale. La mobilité en questions.

Les bus aussi provoquent des embouteillages dans la capitale et l’objectif de la Ville de Luxembourg est de sortir un maximum de bus RGTR des grands axes et des quartiers où ils stationnent la journée.

À partir de ce lundi, il y a beaucoup de changements au niveau de la circulation des autobus et des arrêts dans la capitale. Comment la Ville prépare-t-elle tous ces changements qui interviennent au gré du chantier du tram ?

Cela se prépare depuis des mois, si ce n’est une année. Quand nous avons décidé de réaliser le tram, nous savions que cela allait engendrer des problèmes de circulation et avoir un impact sur les habitudes des gens qui travaillent et qui vivent dans la capitale. Nous avons une artère principale qui traverse et qui coupe la ville en deux et c’est celle où passe le tram. Voitures, piétons, cyclistes et autobus doivent subir les changements qu’entraîne cet énorme chantier et à chacune de ses avancées, on essaie de sortir des lignes RGTR pour les laisser à la périphérie de la ville.

Ce qui est facile en théorie mais moins évident en pratique. La plupart des lignes RGTR sortiront du tronçon gare pour stationner le long de la rocade de Bonnevoie. Cela ne veut pas dire que toutes les lignes RGTR sortent de l’agglomération. D’un point de vue responsable politique de la Ville, je serais ravi, comme tous les élus de la capitale, si tous les bus n’appartenant pas à notre réseau communal pouvaient rester à sa périphérie, mais c’est une équation difficile. Nous voulons éviter que la situation ne se détériore pour les usagers et qu’ils finissent par reprendre leur voiture si les transports en commun rallongent d’une demi-heure ou plus leur temps de trajet habituel. Je comprends les soucis au niveau national, mais je vois toujours tellement de bus en ville qui engendrent eux-mêmes des embouteillages.

Il y a donc trop de bus ?

Il y en a beaucoup pendant les heures de pointe, mais après il y a les heures creuses et ces bus RGTR ne circulent pas, ils doivent attendre et il faut bien les mettre quelque part. Les nôtres, on arrive à les garer. Puis il y a les bus scolaires qui eux aussi sont en attente toute la journée et ils se garent là où ils peuvent pour attendre les élèves. Cela pose des problèmes dans les quartiers.

Combien d’usagers utilisent quotidiennement les autobus en ville ?

Nous effectuons des comptages et nous avons transporté environ 40 millions de passagers en 2018 répartis sur 40 lignes environ. Cela signifie un million de passagers par ligne en moyenne. Cela inclut les lignes coordonnées qui vont au-delà de la ville. Pour ceux qui habitent la ville, on constate une augmentation du nombre d’usagers.

Je ne suis qu’échevin, pas ministre des Transports

À quoi faut-il s’attendre avec ces changements ?

Lundi, il y a surtout l’avenue de la Liberté qui sera dégagée et nos bus AVL passeront par l’avenue de la Gare et le boulevard Roosevelt en bidirectionnel. Pour les vélos, ce sera prêt dans deux mois seulement. L’avenue de la Gare sera beaucoup plus jolie avec des trottoirs élargis et un air moins pollué sans voitures. Il y aura un effet positif pour les commerces de la Gare, j’en suis persuadé.

La perspective d’accueillir près de 10 000 travailleurs supplémentaires chaque année au Luxembourg dans les années à venir est-elle tenable pour la capitale, sachant qu’une grande majorité d’entre eux seront des frontaliers venant de localités où les transports en commun sont rares ?

Je ne suis qu’échevin de la Ville de Luxembourg et pas ministre des Transports. On essaie de faire le maximum à notre niveau. Notre réseau d’autobus est bon, mais ils subissent des retards à cause des embouteillages. Je devrais donc faire encore plus de voies pour les bus, mais cela réduirait encore l’espace pour les autres qui l’est déjà à cause du tram. Il n’y a pas forcément plus de trafic sur le boulevard Royal qu’il y a cinq ans, mais nous avions deux voies de plus. Des responsables de sociétés établies à la Cloche d’or m’ont demandé de leur aménager un parking provisoire sur un terrain vague appartenant à la Ville de Luxembourg, mais j’ai refusé car mon objectif n’est pas de ramener plus de voitures dans ce quartier. En revanche, on peut organiser des bus pour aller chercher les gens là où il y a des P&R, mais c’est au niveau national que cela se passe. Ces gens ne viennent pas en train car les rames sont pleines, alors qu’ils aimeraient bien prendre le train jusqu’à Howald. Le ministre m’a dit que tout serait prêt en 2023. Trois ou quatre ans, c’est 30 000 personnes de plus.

Les usagers prennent-ils souvent contact avec la Ville pour se plaindre ?

Quand nous sommes saisis de demandes d’usagers, nous essayons d’améliorer la situation. S’ils sont nombreux à demander par exemple une ligne plus directe entre Bonnevoie et le Kirchberg nous faisons tout notre possible pour satisfaire cette demande. Le 3 novembre, il y aura des lignes plus directes, comme de Howald au Cargo Center. Je reçois chaque semaine des suggestions ou des réclamations parce que les bus parfois n’avancent pas et ces gens paient encore pour un service qui ne fonctionne pas toujours comme il faut. Les piétons râlent aussi, comme les automobilistes.

Vous travaillez étroitement avec le ministère de la Mobilité, ce qui demande une grande coordination…

Tous les changements au niveau de la circulation doivent être réglementés et il y a donc des contacts journaliers. Dans la plupart des cas cela se passe très bien, mais il y a aussi des dossiers qui traînent pour l’une ou l’autre raison et souvent ce n’est pas au niveau politique, mais au niveau du fonctionnement. Il faut également dire qu’il y a tellement de choses qui bougent en ce moment qu’il nous manque parfois des ressources et au niveau national c’est identique. J’ai du mal à critiquer, car je ne suis pas satisfait non plus de la situation, mais il y a énormément d’interlocuteurs. Par exemple, les services RGTR sont essentiellement privés et on peut très bien s’entendre et parfois ne pas être d’accord sur des points fondamentaux. Les services privés investissent dans des bus modernes et propres et veulent avoir des garanties de kilomètres à parcourir. C’est une autre équation pour le ministère.

La gratuité des transports publics va-t-elle vraiment inciter les gens à utiliser les transports publics selon vous? Existe-t-il une étude d’impact à ce sujet ?

Non, nous n’avons pas réalisé d’étude. On pense que plus de monde utilisera le bus. La gratuité que l’on applique le samedi démontre que les gens ont tendance à monter plus facilement dans un bus. Ils n’ont pas besoin de se demander s’ils ont un ticket ou de la monnaie. En tant que Ville, nous n’avons pas fait une étude d’impact, mais nous espérons que les gens prennent goût aux transports en commun gratuits. J’ignore si cela va nous débarrasser de nombreuses voitures, tout dépend du temps de parcours. Il ne faut pas que vous perdiez trop de temps par rapport à la voiture.

Nous allons acheter une trentaine de bus électriques

Vous êtes également l’échevin à l’environnement, quid de l’électromobilité dans votre parc d’autobus ?

Nous essayons de changer tous nos bus et de les faire passer en électrique d’ici dix ans. Ce qui implique aussi d’avoir des bornes pour les recharger, essentiellement pendant la nuit. Pour nous, cela veut dire 140 bus à recharger et il faut donc avoir la place et la capacité. Un nouveau site est prévu à Kockelscheuer et on espère que le service actuel installé à Hollerich derrière le P&R Bouillon pourra déménager d’ici six ou sept ans. Nous réfléchissons à un deuxième site. Mais environnement ne signifie pas seulement mobilité, nous avons aussi des centaines d’immeubles que nous devons rendre conformes aux critères environnementaux qui représentent beaucoup de travail. Nous avons aussi une croissance énorme, donc nos services planifient de nouveaux projets en même temps qu’ils rénovent nos anciens immeubles. C’est aussi un challenge énorme. Il est évident que si nous parvenons déjà à rendre nos bus plus propres, cela augmenterait énormément la qualité de l’air. Pour l’heure, nous avons quelques bus hybrides dans notre réseau qui, pour un tiers, est sous-traité. Les sociétés privées ont plus de facilité pour acheter des nouveaux bus sans passer par des appels d’offres qui nous freinent beaucoup. Nous sommes très satisfaits de cette sous-traitance. L’année prochaine, nous allons acheter une trentaine de bus électriques.

Qui dit environnement, dit aussi déchets. Êtes-vous satisfait du taux de recyclage ?

Le taux n’est pas assez élevé par rapport aux normes nationales et européennes. Mais il n’y a pas seulement le taux de recyclage des habitants, mais de tous ceux qui fréquentent la capitale dans la journée, donc c’est difficilement comparable avec d’autres villes. Tous les déchets produits par les gens qui travaillent et les différentes activités, commerciales, industrielles ou agricoles, faussent les statistiques du recyclage des habitants.

Ne faudrait-il pas installer davantage de poubelles qui permettent de faire le tri à la place de retrouver le carton de pizza mélangé aux bouteilles en plastique ?

C’est une bonne question et nous avons d’ailleurs demandé à nos services d’installer à certains endroits en ville des poubelles de différentes couleurs pour tester le tri. Il faut bien rassembler les déchets et surtout organiser le ramassage. Nous préparons un projet pilote, car il faut organiser des tournées et disposer des véhicules pour le faire. Nous avons aussi notre service d’hygiène toujours confiné route d’Arlon sur un site qui est trop petit. Le nouveau site derrière le cimetière de Merl ne sera prêt que dans cinq ou six ans. Nous aurons alors plus de possibilités. Le tri dans l’espace public est important, mais nous ne pouvons pas encore le développer dans toute la ville.

Êtes-vous arrivé aux limites de vos capacités au niveau des déchets produits avec le nombre d’habitants qui ne cesse de croître dans la capitale ?

Nous atteignons effectivement nos capacités avec les embouteillages et la ville qui s’agrandit. Nous essayons aujourd’hui au niveau du service d’hygiène de faire partir les bennes vers 5h30 jusqu’à 14h. Nous n’avons pas d’équipes l’après-midi et nous analysons la possibilité d’organiser des tournées l’après-midi. Il faut voir si le personnel est d’accord, car c’est aussi un souci de ressources humaines et pas seulement de planification.

Entretien avec Geneviève Montaigu