Pas assez de lits, pas assez de places en services extra-hospitaliers, des encombrements et des établissements qui doivent se recentrer sur leurs métiers initiaux. Longue recommandation.
Il y a saturation dans les services psychiatriques et des bouchons à faire sauter, selon l’ombudsman, Claudia Monti, qui a formulé une recommandation au gouvernement dans son rôle de contrôleur externe des lieux privatifs de liberté (CELPL).
La problématique de la prise en charge à la suite d’une hospitalisation forcée en milieu psychiatrique est liée à «l’impossibilité de transférer les patients vers le CHNP, faute de capacité d’accueil».
Effectivement, le CHNP (Centre hospitalier neuro-psychiatrique) souffre de difficultés à se séparer de ses patients «sans réelle capacité de réhabilitation» et «d’un manque de services adaptés pouvant accompagner les patients qui n’ont plus besoin d’une prise en charge hospitalière». Le CHNP semble servir de «dépositaire» bienvenu.
Il faut parler chiffres aussi pour comprendre ce phénomène jugé «regrettable». Le pays dispose au total de plus de 450 lits (dont 172 pour le CHNP) mais sa capacité est en nette diminution depuis 2004 avec moins d’un lit pour 1 000 habitants en 2019, selon l’OCDE.
Dans la même période, le niveau des troubles mentaux et du comportement a augmenté de 1,4 % entre 2011 et 2015 et occupe le premier rang en termes de journées d’hospitalisations au Grand-Duché avec 14 % du total.
Au CHNP, entre 2015 et 2019, il y a eu 201 placements médicaux simples contre 42 placements judiciaires ordonnés pour des personnes déclarées pénalement irresponsables et enfin 27 placements médicaux via le Centre pénitentiaire de Luxembourg (CPL).
Ce dernier chiffre fait dire au contrôleur que le milieu carcéral est surreprésenté par rapport au reste de la population ce qui compromettrait «toute volonté de s’occuper de la problématique et de créer des alternatives adaptées».
L’ouverture de l’unité de psychiatrie sociojudiciaire pourrait déjà permettre de libérer quelques places et le CELPL presse les autorités de faire avancer les travaux.
Le contrôleur ne voit pas comment le CHNP pourrait, dans ces circonstances, remplir sa mission qui est de se consacrer entièrement à la réhabilitation en psychiatrie. Or il accueille des patients, faute de place ailleurs, qui encombrent ses services et «bloquent ses capacités pour des patients qui nécessiteraient réellement une prise en charge en milieu hospitalier» relève le CELPL qui y voit un risque de violation des droits de l’homme.
La pandémie ne va rien arranger
Selon ses analyses, comparé à la situation initiale de 2015, le nombre de patients traités au Centre hospitalier du Nord a augmenté de 30 %, celui du centre hospitalier Émile-Mayrisch de près de 25 % et celui des hôpitaux Robert-Schuman de plus de 9 %.
Le nombre global quant à lui a augmenté de près de 20 % en seulement cinq ans. Le contrôleur redoute que ces chiffres n’augmentent encore «compte tenu des répercussions psychologiques de la pandémie actuelle».
Les délais d’attente, une fois la décision de placement intervenue, sont trop longs puisque tout bouchonne. Puis, les établissements ignorent ce qu’il advient de leurs patients une fois qu’ils ont quitté leurs murs, hormis pour le CHNP qui est informé du parcours de ses patients transférés à Useldange.
«La destination finale des patients concernés reste, pour la très grande majorité (64,65 % dans notre cas), un mystère total», explique le contrôleur pour qui «tout établissement devrait savoir vers où ses propres patients sont élargis ou dirigés après leur sortie, tel que recommandé en 2013 par une étude lancée par le ministère de la Santé et le Centre d’études en santé.
Claudia Monti recommande de rendre transparent le suivi des patients (ré)admis et d’encore mieux adapter la prestation de services aux besoins du patient. Sur les 1 236 cas où la destination finale est connue, 219 patients ont été transférés au CHNP (17,7 %), 470 en unité ouverte/hospitalisation libre (38 %) et 525 (42,5 %) ont été élargis.
La recommandation indique dans ses conclusions qu’il est impératif que chaque établissement travaille et soit utilisé exclusivement en fonction de ses compétences et de ses finalités : les hôpitaux régionaux pour la prise en charge urgente, en phase aiguë, à court terme et le CHNP pour un travail de réhabilitation à moyen et long terme alors que les structures extra-hospitalières assument la prise en charge de personnes qui peuvent évoluer dans un cadre plus souple.
Il faut plus de lits, plus de capacités des services extra-hospitaliers, moins d’admissions dans les hôpitaux régionaux, en utilisant des unités de psychiatrie aiguë en stricte conformité avec leur vocation. Il faut réduire la durée des séjours en observation, ajoute encore le contrôleur.
En matière de soins psychiatriques, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la prise en charge. Il faut avant tout mieux l’organiser et mettre à disposition un nombre de places qui reflètent la réalité démographique du pays.
Geneviève Montaigu
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter quotidienne.