Le syndicat fustige le projet de réforme de la formation des professions de santé porté par le gouvernement. Un énorme imbroglio est redouté, avec à la clé aucune revalorisation du secteur des soins.
Le gouvernement n’était pas peu fier de présenter le 3 mai dernier la réorganisation de la formation des professions de santé. Un accent était mis sur l’introduction d’un bachelor pour les futurs infirmiers. «Il nous faut procéder à une analyse des besoins du terrain», avait clamé la ministre de la Santé, Paulette Lenert. «Le projet n’est pas le résultat de pourparlers avec les acteurs concernés, mais de réflexions menées dans des sphères qui sont très éloignées du terrain. Il ne reflète en rien nos besoins», contre-attaque Pitt Bach, le secrétaire central du syndicat Santé, Services sociaux et éducatifs de l’OGBL.
Le 1er juin, une grande manifestation avait eu lieu devant le Cercle-Cité, abritant alors la Chambre des députés. Le climat de tension ne s’est pas apaisé depuis. Vendredi, l’OGBL est passé à l’offensive en présentant un concept alternatif, qui, contrairement au projet du gouvernement, apporterait la cohérence nécessaire pour revaloriser les professions de santé. «Ce qui se trouve aujourd’hui sur la table n’est qu’un simple bricolage pour procéder à des réparations très ponctuelles d’un système devenu vétuste», clame Pitt Bach. Le syndicat critique plus particulièrement le manque de réflexion du gouvernement. «C’est complètement à côté de la plaque de vouloir réformer en priorité un diplôme sans penser aux répercussions que cela aura sur les autres diplômes et formations», note le secrétaire central.
« Ils seront trop chers à payer »
Pour illustrer ses propos, Pitt Bach fait référence à la formation pour devenir infirmier. La création d’un bachelor sans supprimer le BTS (brevet de technicien supérieur) existant mènerait à deux classes d’infirmiers. «Le pire est que les infirmiers avec un bachelor ne se retrouveront pas au chevet des patients. Ils seront trop chers à payer et vont se retrouver dans un rôle de coordinateur», prédit le syndicaliste.
L’introduction potentielle d’une formation pour devenir technicien en soins de santé risquerait encore de compliquer les choses : «On sera alors confronté à une situation où dix infirmiers avec BTS seront remplacés par huit techniciens et un infirmier avec bachelor pour assurer la coordination. Un seul infirmier avec BTS va rester en service.» «Il n’y aura ainsi aucune revalorisation de la qualité des soins», déplore Pitt Bach.
C’est pourquoi l’OGBL plaide pour un système cohérent (lire ci-dessous) avec une hiérarchisation des diplômes claire et l’introduction d’une «garantie de passerelles horizontales et verticales. Celui qui entame une formation doit pouvoir changer d’orientation en cours de route. Les diplômés doivent, eux aussi, avoir l’occasion de passer à un échelon supérieur.» Tout cela doit contribuer à motiver plus de jeunes à s’engager sur la voie d’une profession de santé.
Désormais, le syndicat s’attend à ce que son catalogue de revendications fasse l’objet d’une «réelle discussion» avec les responsables politiques. Les premières formations universitaires sont censées débuter à l’automne 2022 ou 2023.
David Marques
Le modèle proposé par l’OGBL
Le syndicat Santé, Services sociaux et éducatifs revendique une nouvelle hiérarchisation des diplômes attribués selon les différentes formations dans le secteur des professions de santé.
CCP La fonction d’aide socio-familiale doit être revalorisée et sanctionnée par un certificat de capacité professionnel (CCP).
DAP Très polyvalent, l’auxiliaire de vie doit à son tour être revalorisé et sanctionné par un diplôme d’aptitude professionnelle (DAP).
BTS Jusqu’à présent, la profession d’aide-soignant est sanctionnée par un DAP. L’OGBL revendique que cette formation aboutisse à un diplôme de technicien spécialisé (BTS).
BACHELOR La formation d’infirmier doit correspondre à un diplôme de bachelor (bac+3). Le BTS existant est à supprimer.
MASTER Contrairement à ce qui est prévu, le camp syndical revendique que les infirmiers spécialisés puissent décrocher un master et non pas se contenter d’un bachelor. Sont concernés l’assistant technique médical de chirurgie, l’infirmier en anesthésie et réanimation, l’infirmier en pédiatrie et l’infirmier psychiatrique.
Vidéo de la conférence de presse (en luxembourgeois) : https://youtu.be/dDIS_OndGbA