Après 13 ans de travaux, la version finale de la proposition de la nouvelle Constitution a été approuvée en juin dernier. Mais pour l’ASTI, deux points suscitent l’incompréhension voire la réprobation : le régime linguistique et le vivre ensemble.
Le Luxembourg devrait se voir doter (en 2020?) d’une nouvelle Constitution, censée être un reflet plus conforme de la réalité actuelle du pays.
Les travaux de refonte complète de ce texte initialement rédigé en 1868 (texte qui a tout de même subi quelques modifications au fil des ans, telles que l’abolition de la peine de mort en 1979 ou le retrait du droit au Grand-Duc de sanctionner les lois en 2009), ont démarré il y a plus de treize ans, en 2005. En juin dernier, une version finale de la proposition a enfin retenu l’accord d’une majorité de députés.
Mais ce texte comporte toutefois deux nouvelles propositions qui suscitent l’incompréhension de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI). En premier lieu, celle de l’article 16.1.1, à savoir «Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi».
«On ne comprend pas», s’insurge Laura Zuccoli, présidente de l’ASTI. «Dans un pays où quasiment la moitié de la population est étrangère, on aurait préféré le terme « résidents ».» L’ASTI estime en effet que cette disposition risque de provoquer un «sentiment de rejet et de non-considération chez [les] citoyens étrangers» au lieu de renforcer la «cohésion sociale et le vivre ensemble».
Une position que partage la Commission de Venise (organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles), que le Luxembourg a de son propre chef choisi de consulter. Dans son avis rendu le 18 mars dernier, la Commission encourage donc le Parlement à «revoir l’article 16.1.1 afin qu’il proclame le principe d’égalité devant la loi en général et non comme un droit réservé aux Luxembourgeois», sans quoi la proposition ne serait pas en conformité avec le droit international.
Le multilinguisme, pas le luxembourgeois
Autre point de discorde : l’article 4, qui énonce que «la langue du Luxembourg est le luxembourgeois». Pour l’ASTI et sa présidente, la caractéristique du Grand-Duché est bien plus le multilinguisme que le luxembourgeois, qui avait même été interdit à la Chambre entre 1839 et 1945, rappelle l’ASBL. «Pourquoi rater l’occasion d’ancrer le multilinguisme dans la Constitution?», s’interroge-t-elle.
Deux propositions petites dans leur formulation, mais qui pourtant définissent toute une vision politique d’un pays. «Une Constitution est avant tout un instrument juridique cadre. Elle ne se change pas en deux minutes, et cela reste un élément qui reflète des valeurs fondamentales et des orientations générales», rappelle Laura Zuccolli.
Il est donc d’autant plus important d’y inscrire des bases équitables qu’«on ne sait pas ce qui pourra advenir si des futurs gouvernements décident de se focaliser sur ces éléments», prévient Laura Zucolli, estimant que ces propositions marquent «une forme de régression» découlant d’une attitude «très populiste». Dans le but de «conforter les Luxembourgeois plus inquiets pour leur identité»? Ceux-là même qui auront justement le droit de voter au référendum.
«Alex Bodry (NDLR : corapporteur LSAP) a assuré que des améliorations au texte allaient être apportées, mais sans préciser lesquelles», a fait savoir Laura Zuccoli.
Un référendum à venir
Début janvier, le président de la Chambre des députés, Fernand Etgen, avait annoncé la tenue d’un prochain référendum sur la nouvelle Constitution luxembourgeoise.
Il est prévu qu’une campagne de sensibilisation auprès des citoyens concernant cette future Constitution commence tout de suite après les élections européennes du 26 mai.
Le référendum ne se tiendra «pas forcément en 2019», avait toutefois précisé Fernand Etgen, la date devant être fixée après la campagne de sensibilisation. «C’est important que la population puisse discuter de ce texte au même niveau que les politiciens», avait-il ajouté.
Tatiana Salvan