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Nouveau casier judiciaire au Luxembourg : tout ce qui change


Le citoyen peut toujours retirer ses extraits de casier à la Cité judiciaire. Mais désormais, il a également la possibilité de mandater une administration pour demander sa délivrance au parquet général. (illustration Editpress)

La réorganisation du casier judiciaire est entrée en vigueur ce mercredi. Elle introduit ainsi un bulletin spécial «interdiction de conduire» pour les chauffeurs professionnels. Tour d’horizon des principaux points forts de cette réforme.

Demandeur de nationalité luxembourgeoise, candidat à la fonction publique, étudiant se destinant aux métiers de la santé, salarié désireux d’entrer dans certaines branches professionnelles… Dans de nombreux cas de la vie courante, un extrait du casier judiciaire est demandé. Rien qu’en 2016, le service situé à la Cité judiciaire a délivré 52 329 bulletins n°1 et 169 437 bulletins n°2.

Depuis 2013, il n’existait plus que deux formes de bulletin de casier judiciaire : les bulletins n°1 et 2 ainsi que le bulletin spécial «protection des mineurs». À partir d’aujourd’hui, ils sont au nombre de cinq. «Ces cinq bulletins permettent de faire la ventilation des inscriptions en fonction de leur finalité», expliquait le ministre de la Justice, Félix Braz, à l’occasion de la présentation de la réforme.

Lors de la dernière réorganisation du casier judiciaire en 2013, les différents bulletins avaient été réduits de trois à deux. Et les inscriptions dans le bulletin n°2 destiné au citoyen avaient été élargies.

Vers plus d’équité entre résidents et frontaliers

Ce dernier portait mention de toutes les condamnations, à l’exclusion des peines de prison assorties du sursis d’une durée inférieure à six mois avec ou sans mise à l’épreuve. Dès les premiers mois d’application, de vives critiques avaient notamment visé le régime d’inscription des condamnations prononçant une interdiction de conduire. Sur le marché de l’emploi, un résident du Grand-Duché détenteur d’un casier judiciaire se retrouvait, soudainement, en situation défavorable par rapport à un demandeur d’emploi de nos pays voisins. Ce dernier, tout en ayant subi les mêmes condamnations que le résident, pouvait présenter un bulletin «néant» pour le même poste professionnel vacant.

La nouvelle organisation du casier judiciaire introduit cinq formes de bulletins foncièrement différents des deux existants jusqu’à maintenant. La réintroduction du bulletin n°3 avec des inscriptions plus restreintes (lire également ci-dessous) contribue au rétablissement de l’égalité de traitement entre travailleurs résidents et non-résidents, ce bulletin se rapprochant le plus de ce qui existe dans nos pays voisins. La durée d’inscription de certaines peines est également modifiée.

Le régime d’inscription des interdictions de conduire est aussi largement modifié avec l’introduction du bulletin n°4. Il regroupe, outre les inscriptions reprises dans le n°3, toutes les interdictions de conduire. Le bulletin n°4 est notamment destiné aux employeurs recrutant des chauffeurs professionnels.

Une des autres nouveautés est constituée par la création du bulletin n°5 spécial pour la protection des mineurs. Il inclut toutes les condamnations en relation avec des faits sur mineurs. Ce bulletin peut être réclamé par toute personne en cas de demande d’emploi à des postes, à des activités bénévoles, impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

L’employeur doit motiver sa demande

Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, l’accès et la gestion des bulletins par l’employeur sont également revus en profondeur. L’employeur potentiel peut demander au candidat de lui remettre un extrait, mais cela doit être motivé par rapport aux besoins spécifiques du poste de travail. Cette demande doit figurer dans l’offre d’emploi.

Dans le cadre de la gestion du personnel, le droit de l’employeur de demander un extrait du casier judiciaire est aussi limité. Il ne peut que demander un nouveau bulletin à un salarié si «des dispositions légales spéciales le prévoient», ou «en cas de nouvelle affectation justifiant un nouveau contrôle de l’honorabilité en rapport avec les besoins spécifiques du poste».

Enfin, la réforme fixe le délai de conservation des bulletins : en cas de recrutement, le bulletin doit être détruit par l’employeur au plus tard un mois à partir de la conclusion du contrat de travail (au lieu de 24 mois). Lorsque le candidat n’est pas retenu, le bulletin doit être détruit sans délai. Pour ce qui concerne la gestion du personnel, le délai maximum de conservation est de deux mois.

Dossier réalisé par Fabienne Armborst

Les cinq bulletins en détail

Bulletin n°1

La réforme du casier judiciaire n’apporte pas de changement pour le bulletin n°1 qui contient toujours le relevé intégral des inscriptions applicables à la même personne : peines criminelles, correctionnelles, de police, circulation (sauf contraventions de stationnement)… Lorsqu’il n’existe pas d’inscription au casier judiciaire, le bulletin porte la mention «néant». Le bulletin n°1 est délivré aux autorités judiciaires dans le cadre d’une procédure pénale. Il est également délivré à l’avocat chargé d’assister ou de représenter le prévenu devant une juridiction appelée à statuer sur le fond, sinon, à défaut d’avocat, au prévenu lui-même sur demande.

Bulletin n°2

Le bulletin n°2 (d’une personne physique) reprend les condamnations à des peines criminelles et correctionnelles ou les décisions ayant ordonné une mesure de placement à l’occasion d’une procédure pénale. Sont exclus : amende avec sursis; suspension du prononcé; sursis, non avenu; décisions rendues par défaut non notifiées. Une amende inférieure ou égale à 1 000 euros et les travaux d’intérêt général (TIG) sont enlevés après cinq ans. Une interdiction de conduire est inscrite tant que la totalité ou une partie de cette peine reste à exécuter. Le bulletin n°2 n’est délivré qu’à certaines administrations à condition que la personne concernée ait donné son accord.

Bulletin n°3

Le bulletin n°3 (d’une personne physique) renseigne les condamnations à des peines criminelles et correctionnelles, sauf : prison inférieure ou égale à 24 mois avec sursis; amende avec sursis; suspension du prononcé; sursis non avenu; amende inférieure ou égale à 2 500 euros; décisions rendues par défaut non notifiées; travaux d’intérêt général (TIG). Les amendes correctionnelles ne sont plus inscrites après cinq ans. La prison inférieure ou égale à douze mois est enlevée après exécution. Une interdiction de conduire, à l’exception de celle prononcée par le tribunal de police, est inscrite tant que la totalité ou une partie de cette peine reste à exécuter. Le bulletin n°3 est délivré à certaines administrations et à la personne concernée à condition que celle-ci ait donné son accord.

Bulletin n°4

Il regroupe, outre les inscriptions reprises au bulletin n°3, toutes les interdictions de conduire. Ces inscriptions sont retirées du bulletin n°4 après un délai de trois ans après l’exécution de l’interdiction de conduire. Il est délivré sur demande à la personne concernée. L’employeur ne peut demander au candidat intéressé de lui remettre le bulletin n°4 que lorsque la détention d’un permis de conduire valable constitue une condition indispensable pour l’exercice de l’activité professionnelle et est exigée dans le contrat de travail. Le bulletin est également délivré au ministère des Transports, à condition que l’accord ait été donné.

Bulletin n°5

Ce bulletin a été spécialement créé pour la protection des mineurs. Il reprend toutes les condamnations à l’égard d’un mineur ou impliquant un mineur ainsi que toutes les interdictions d’exercer des activités où il y a des contacts réguliers avec des mineurs. Il est destiné aux employeurs cherchant à recruter une personne pour des activités impliquant des contacts réguliers avec des mineurs. Le bulletin n°5 est délivré soit à la demande de la personne concernée soit des autorités communales pour l’examen des demandes d’emploi dans le domaine de l’enseignement ou dans un foyer scolaire géré par la commune, toujours à condition que la personne concernée ait donné son accord.

Une exception pour le Renseignement

Aucune administration n’a accès à l’extrait du casier judiciaire sans l’accord de la personne concernée. Une exception existe toutefois pour le Service de renseignement de l’État (SRE). Il ne doit pas exiger l’accord quand il demande un bulletin.

Selon la nouvelle loi, le SRE doit toutefois passer sa demande au parquet général pour obtenir la communication d’un bulletin n°2. Et il doit transmettre tous les trois mois la liste des casiers demandés et les motifs de ses consultations à l’autorité de contrôle spécifique se composant d’un membre du parquet général et de deux membres de la Commission nationale pour la protection des données (CNPD).

A SAVOIR

Comment obtenir son casier ? Comme dans le passé, l’intéressé peut se rendre à la Cité judiciaire, bâtiment BC, 1er étage pour obtenir un extrait de son casier judiciaire. Il doit justifier son identité. Il est également possible de demander à l’aide du formulaire prévu un extrait de casier judiciaire par courriel à casier.judiciaire@justice.etat.lu, par fax ou par internet via guichet.public.lu. Désormais, une personne peut aussi mandater une administration ou une personne morale de droit public ayant à traiter son dossier, pour demander la délivrance de son casier. À noter que les extraits du casier judiciaire sont délivrés gratuitement.

Attention aux sanctions ! Ceux qui sollicitent des bulletins auxquels ils n’ont pas accès s’exposent à des sanctions pénales. Ils risquent désormais une peine d’emprisonnement de huit jours à un an et une amende de 251 euros à 5 000 euros. Le non-respect des délais de conservation est aussi punissable. On encourt alors une amende allant de 251 à 3 000 euros.

« Le droit à l’oubli » Le casier judiciaire national sert à vérifier le passé pénal d’une personne. La nouvelle loi sur l’organisation du casier judiciaire introduit un «droit à l’oubli». Les inscriptions dans le casier judiciaire relatives à une personne physique sont effacées à sa mort et au plus tard 100 ans après sa naissance.