L’injonction, toujours plus forte, à se faire vacciner, plonge dans une zone grise les personnes qui ne peuvent pas s’administrer le vaccin pour raisons médicales. Des cas très rares, qui n’entrent dans aucune case officielle.
L’histoire que vous vous apprêtez à lire est un peu particulière. Elle ne concerne qu’une infime part de la population, mais se veut l’écho de personnes impossibles à ranger dans des cases.
Car si aujourd’hui, la planète et le Luxembourg se retrouvent divisés entre, d’un côté, les vaccinés, et de l’autre, les antivax, il existe une autre catégorie de personnes qui cherche à se faire entendre.
Des individus loin d’être antisystèmes, mais qui, pour des raisons de santé, n’ont pas d’autre choix que de refuser la vaccination contre le covid-19. Des voix difficiles à percevoir tant le débat est manichéen. Mais l’une d’entre elle a tenu à livrer son témoignage.
Malade pendant plus de trois mois
Jeanne Richard vient de fêter ses 47 ans. Mariée, maman, auto-entrepreneuse, elle s’épanouit de l’autre côté de la frontière luxembourgeoise, à Volmerange-les-Mines. Quand survient l’épidémie de coronavirus, elle ne s’inquiète pas outre mesure. Elle a foi en la science et se rend à son rendez-vous pour sa première dose de vaccin le 8 mai 2021, confiante.
«J’étais contente d’y aller, vraiment !», se remémore-t-elle. Seulement, trois jours plus tard, tout s’arrête. Jeanne, alors au volant de sa voiture, fait un malaise. Prise de tremblements, de nausées, d’une fatigue extrême, elle se rend chez son médecin traitant, qui procède à une batterie de tests. Mais tout est conforme.
Pourtant, durant trois mois et demi, la vie de Jeanne ne sera plus du tout normale. Alitée, très faible, elle cessera toute activité et sera sujette à de fréquentes palpitations, parfois au milieu de la nuit, qui la conduiront à quatre reprises aux urgences. «Personne ne comprenait ce qui m’arrivait. Ce n’était pas une myocardite, je n’avais aucun antécédent médical… On me renvoyait à la maison sans réponse», souffle-t-elle.
Jeanne souffre alors des mêmes symptômes qu’une personne atteinte d’un covid long. Sans avoir jamais contracté la maladie. Après avoir écumé de nombreux médecins, c’est finalement auprès du CHL de Luxembourg qu’elle trouvera des réponses à ses questions.
Une unité spéciale ouverte au CHL
Jeanne nous a confié avoir intégré une unité spéciale dirigée par le Dr Thérèse Staub au Centre hospitalier de Luxembourg.
Une unité qui a vu le jour à la suite d’un débordement de patients postcovid ou ayant mal réagi au vaccin dans les services cardio, neuro et gastro. Une information confirmée par la cheffe du service des Maladies infectieuses.
«Nous avons eu une dizaine de personnes de ce type, ayant présenté un effet secondaire contre-indiquant une seconde dose de vaccin. Certaines personnes ont présenté des effets secondaires plus graves à type d’allergie importante, de myocardite ou de péricardite, de thrombose ou d’effet secondaire neurologique : ces effets secondaires sont une contre-indication à une deuxième dose», explique le Dr Staub.
Quelle alternative pour ces personnes, comme Jeanne, qui ne peuvent/veulent pas se faire vacciner désormais ? «Malheureusement, les personnes ayant présenté ces effets secondaires plus graves devront attendre la mise sur le marché de nouveaux vaccins avec des structures différentes.»
Un nouveau type de vaccin qui devrait, selon Thérèse Staub, être «disponible en janvier prochain».
«Le vaccin m’a détraquée»
«C’était une réaction au vaccin. Alors bien sûr, cela reste difficile à prouver, mais tout corrèle», explique la quadragénaire, qui finira par rencontrer d’autres personnes souffrant des mêmes maux après une vaccination contre le covid-19. Un soulagement pour celle qui se «croyait folle» à penser que le vaccin l’avait «détraquée».
Un discours qu’elle tient à nuancer. «Je ne veux pas faire peur aux gens ou appeler à ne pas se faire vacciner. Je comprends parfaitement la notion de bénéfice-risque, et je l’accepte. Mais il faut aussi reconnaître qu’il y a des personnes en dehors du système, et qu’il faut leur proposer des alternatives», martèle-t-elle.
Car aujourd’hui, Jeanne a peur. Peur de se faire administrer une seconde dose de vaccin, peur pour «la démocratie», dans un climat anxiogène où de plus en plus de restrictions sont imposées aux non-vaccinés, dont elle fait désormais partie.
Contre-indication : un régime spécial finalement voté
La nouvelle loi covid, votée ce jeudi 16 décembre, prévoit une clause spécifique pour les personnes, qui pour des contre-indications médicales, ne peuvent pas se faire vacciner.Ces dernières vont ainsi pouvoir bénéficier d’une dérogation pour accéder à leur lieu de travail tout comme à un évènement ou établissement placé sous le régime Covid Check. Elles devront à la fois présenter leur certificat spécial et se soumettre à un test (rapide certifié ou autotest réalisé sur place). L’accès aux tests va rester gratuit. Elles devront aussi prouver leur identité.
Le médecin traitant doit émettre une attestation sur base de laquelle est établi le certificat. Une liste de critères pour bénéficier de cette dérogation est communiquée aux médecins.
«On se trompe de combat»
«Ce n’est pas mon choix. Je ne veux pas me faire inoculer quelque chose qui m’a rendu malade tout ce temps, c’est tout, je préfère encore attraper le covid», confie-t-elle. Face aux appels à répétition du gouvernement à se faire vacciner, au Covid Check bientôt imposé en entreprise, Jeanne se sent prise en étau.
«On se trompe de combat en stigmatisant les non-vaccinés. Je ne me retrouve pas dans toutes ces injonctions. Posons un peu les choses et acceptons qu’il y ait des gens qui n’entrent pas dans les cases.»
En attendant, cette frontalière continue de vivre en retrait, sans pass sanitaire, et en tentant de protéger au mieux sa famille et sa propre santé. «J’ai cru que j’allais mourir, je ne veux pas revivre ça. Oui, le vaccin a sauvé des millions de vies, mais arrêtons la chasse aux sorcières.»
0,23 % de la population concernée
Selon les chiffres du dernier rapport de pharmacovigilance du 1er novembre, les cas similaires à celui de Jeanne sont très rares au sein de la population luxembourgeoise. Seuls 0,23 % de personnes sont victimes d’effets indésirables relatifs au vaccin.
Au total, depuis le début de la vaccination, 1 940 cas d’effets indésirables ont été déclarés. Il s’agissait majoritairement de femmes (1330 personnes) âgées de 25 à 49 ans pour la plupart et 430 cas ont été jugés «graves».
Contacté, le ministère de la Santé admet ne pas «disposer de données, statistiques» sur les personnes comme Jeanne et les invitent plutôt à «se faire tester».
Sophie Wiessler
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