Nicolas Henckes est le nouveau directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce (CLC), qui entend accompagner les entreprises dans leur nécessaire transformation.
Vous passez de l’UEL à la CLC. Vous exercerez le même travail de lobbyiste?
Nicolas Henckes : Oui, et encore plus qu’avant car je suis plus proche du terrain, en contact direct avec les chefs d’entreprise, ce qui était moins le cas à l’UEL où, en tant qu’organisation faîtière, on travaillait plus sur des sujets « macro ». À la CLC, je me retrouve dans des discussions sectorielles beaucoup plus concrètes, parfois, même si je n’ai pas complètement quitté le giron de l’UEL où je suis membre du comité exécutif en tant que directeur de la CLC.
Le secteur commercial est en pleine mutation. Est-il le plus touché par la digitalisation?
Je ne sais pas s’il est le plus atteint, mais il est en tout cas atteint par les nouveaux modèles de commercialisation induits par la digitalisation. C’est aussi un secteur où il y a beaucoup de petites entreprises, des propriétaires de magasin traditionnel qui se retrouvent un peu perdus dans ce nouveau monde commercial installé depuis plusieurs années maintenant et qui pratique des codes qui ne sont pas les leurs. Ils ont été pris de vitesse, ils doivent se mettre à la page et tout le travail qu’il est nécessaire de faire au niveau de la CLC en direction des entreprises membres, c’est de leur faire prendre conscience qu’ils doivent changer. S’ils refusent, leurs difficultés vont croître très probablement.
Quels sont ces nouveaux codes que les anciens n’ont pas assimilés?
Les habitudes des consommateurs en premier lieu. Le commerçant du coin n’est plus leur seule source de subsistance. Ils ont le choix, ils ont des exigences en termes de service, de rapidité et une compétition s’est installée entre les vendeurs sur le marché pour améliorer cette qualité du service au consommateur. Le temps où le vendeur attendait patiemment dans son échoppe que le client passe la porte est révolu. Certains résistent encore et se reposent sur leurs lauriers, mais sentent au quotidien que leurs clients se dirigent au fur et à mesure vers d’autres revendeurs.
Il n’y a que les « petits » qui souffrent de ces nouveaux comportements du consommateur?
Non, la grande distribution est touchée également car tout aussi concurrencée par les plateformes internet, les livraisons à domicile. Donc elle se demande comment offrir le même type de service à ses clients ou au contraire offrir un service que ces plateformes ne peuvent pas offrir. Ce sont des questions de personnalisation, de customisation, car il faut se rappeler que le client n’est pas qu’un numéro et essayer d’en tirer un avantage compétitif. Les grandes plateformes ont encore du mal à servir les clients de manière individualisée, mais c’est en train d’arriver très fortement.
Comment les commerces de ville peuvent-ils s’en sortir et comment la CLC peut-elle les aider?
Il faut réussir à trouver sa voie. La seule certitude, c’est que ne rien faire c’est l’échec assuré. Avec le ministère de l’Économie, la Chambre de commerce et la CLC, nous avons signé le « pacte pro-commerce » qui est censé accompagner les acteurs locaux, communes d’un côté, commerçants de l’autre, dans l’analyse et l’amélioration de leur environnement commercial. En tant que CLC on veut s’assurer de la prise de conscience d’un besoin d’adaptation et ensuite avoir une démarche auprès des pouvoirs publics, je pense aux communes, pour qu’elles aient une attitude positive par rapport aux commerces de ville. Ce n’est pas toujours naturel et notre travail est d’essayer de faire participer les communes plus réticentes à nos réunions Erfa (NDLR : Erfahrungsaustauschgruppe, groupe d’échange d’expérience) pour qu’elles se rendent compte de ce qu’elles sont en train de perdre.
Justement, la prochaine rencontre ERFA doit avoir lieu vendredi à Grevenmacher. En quoi consiste-t-elle?
Ces rencontres nous permettent d’avoir des acteurs communaux qui se retrouvent pour s’informer autour d’un sujet et ensuite, si possible, aboutir à la définition de mesures spécifiques à chaque ville. Par exemple, des conférenciers décrivent l’expérience d’une ville à l’étranger qui a tenté quelque chose avec plus ou moins de succès. On y parle communication de la ville, gestion des statistiques de la ville, etc. Le thème pour la prochaine Erfa sera la ville digitale justement.
Comment le commerçant se sert-il d’un outil comme la gestion des statistiques?
Quand un commerçant veut s’établir dans la ville, on doit pouvoir le renseigner sur les taux et les horaires de passage, le profil socioéconomique de la clientèle du secteur, bref des renseignements qui lui permettront de prendre de suite la stratégie la plus adaptée possible. Ne pas commencer par exemple avec des produits trop bas de gamme quand la clientèle est huppée ou l’inverse. Pour les commerces existants, cela peut leur permettre d’améliorer leur offre, leur service et leurs horaires d’ouverture. On espère pouvoir fournir ces données grâce au pacte pro-commerce, via un cadastre commercial qui livrera des indicateurs de pilotage aux entrepreneurs actifs dans les villes du pays et aux communes.
Le pacte pro-commerce, comment l’animez-vous?
Grâce à une subvention de l’État, des consultants vont pouvoir accompagner les patrons qui le souhaitent vers une évolution de leur business model et de leur service à la clientèle. C’est le projet Fit 4 Service actuellement en phase pilote. Par exemple, cela permettra de voir si l’assortiment de produits qui est proposé doit être réévalué, si un service de livraison à domicile ou un service de commande en ligne feraient sens. On peut aussi voir si un horaire d’ouverture différent apporterait un plus au commerçant. Et surtout, il faut trouver un moyen d’informer le client de l’offre qu’il peut trouver chez un commerçant. La communication en ligne est loin d’être généralisée.
Entretien de Geneviève Montaigu
Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans Le Quotidien papier du lundi 13 novembre.