Le parti libéral compte mettre en place un «Comité des sages» qui doit statuer sur l’«appartenance» au DP de son eurodéputée, qui s’est rendue coupable de harcèlement.
Le DP a fait marche arrière. Mardi dernier, le secrétaire général du parti libéral, Claude Lamberty, avait encore qualifié de «close» l’affaire Semedo. L’eurodéputée, élue en mai 2019, avait présenté 24 heures plus tôt ses excuses après avoir été sanctionnée par le président du Parlement européen, David Sassoli, pour harcèlement psychologique et moral de ses trois assistants, qui avaient démissionné en bloc en janvier 2020, soit à peine six mois après sa prise de fonction. Monica Semedo est suspendue de ses fonctions pour 15 jours et elle ne touchera aucune indemnité durant cette période.
Vendredi, le Premier ministre libéral, Xavier Bettel, avait clairement laissé entrevoir que l’affaire pourrait ne pas être classée sans suite. Le bureau exécutif du DP s’est finalement réuni lundi après-midi. Cet organe du parti comprend notamment la présidente Corinne Cahen, les ministres libéraux, y compris Xavier Bettel, mais aussi le président de la Chambre des députés, Fernand Etgen, et Charles Goerens, le deuxième eurodéputé du DP.
Après avoir entendu Monica Semedo, il a été décidé de soumettre, cette fois au comité exécutif (assemblée élargie du parti), la proposition de convoquer un «Comité des sages» qui doit statuer sur l’appartenance de l’eurodéputée au DP. En d’autres termes : Monica Semedo, déjà interdite de siéger au bureau exécutif, risque d’être exclue du parti libéral. Avec quelles conséquences à la clé? La réponse est pour l’instant très hypothétique. L’ancienne présentatrice de télévision pourrait démissionner. Mais elle peut tout aussi bien conserver son mandat pour siéger, le cas échéant, comme députée indépendante. «Le mandat n’appartient pas au parti, mais à Mme Semedo», avait précisé dès vendredi Xavier Bettel. Il avait toutefois ajouté qu’il revient à l’élue de «tirer ses conclusions. Je condamne fermement ce qui s’est passé.»
En tout état de cause, la pression a nettement augmenté, lundi, sur Monica Semedo. Restée muette jusque-là, la présidente du DP, Corinne Cahen, a enfin pris la parole dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. «Il est inacceptable que des assistants subissent une telle pression», fustige la ministre de la Famille, soulignant haut et fort que son parti «se distancie de toute forme de harcèlement». «Tout membre et mandataire du DP se doit de respecter les statuts et les fondements libéraux de notre parti», enchaîne le secrétaire général, Claude Lamberty, bien plus offensif qu’au lendemain de l’annonce de la sanction prononcée contre Monica Semedo.
Si le DP fustige les actes de son eurodéputée, il ne lâche pas Monica Semedo sur le plan humain. «Un politicien est aussi un être humain. Il nous faut donc condamner les insultes racistes perpétrées contre Monica Semedo sur les réseaux sociaux. Le harcèlement ne peut pas être la réponse au mauvais comportement d’une personne», souligne Claude Lamberty.
Une réputation de «chef impossible»
Selon les échos en provenance de Bruxelles, Monica Semedo traînait derrière elle une réputation de «chef impossible», exigeant de ses collaborateurs une totale disponibilité. Il n’était pas rare qu’elle les dérange en pleine nuit et le ton employé n’était pas des plus cordiaux. «Je tiens (…) à présenter mes excuses à mes anciens collaborateurs. Depuis le début de mon mandat et comme toujours, j‘ai été exigeante envers moi et mon équipe, ce qui a malheureusement créé des tensions insurmontables, ce que je regrette», avait réagi l’élue libérale dans un communiqué diffusée lundi dernier.
Une autre source, bien renseignée sur le personnage, affirmait mercredi dans nos colonnes : «Qu’elle tire sa révérence. En presque deux ans, aucune manifestation ni idée politique, mais ce fut assez pour torturer les gens qui voulaient la mettre en mesure de fonctionner dans un endroit dont elle ne sait rien du tout. L’Europe en a aussi peu besoin que ses collaborateurs dévastés.»
«Cet incident et la réaction de la députée sont un exemple révélateur du fait que le harcèlement moral et les conséquences pour les victimes ne sont toujours pas pris au sérieux par certains», avaient également fustigé la semaine dernière les Femmes socialistes qui n’ont pas apprécié que le harcèlement devienne de simples «tensions» pour l’eurodéputée.
David Marques