Jean-Jacques Rommes, administrateur délégué de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), estime que le message des patrons a du mal à passer. Ce fut encore le cas récemment avec leur proposition de réforme de la CNS.
Les patrons ne veulent pas se retirer de la Caisse nationale de santé (CNS). Ils veulent que chacune des parties en présence prenne ses responsabilités. Les patrons parlent de logique et de transparence, mais aussi de démocratie. Explications avec Jean-Jacques Rommes.
Flexibilité du temps de travail, réforme de la CNS et réforme fiscale sont autant de dossiers dans lesquels vous êtes opposé aux syndicats. Sentez-vous une sorte de désamour entre les patrons et leurs salariés?
Jean-Jacques Rommes : Non, je ne pense pas qu’il y ait du désamour entre les salariés et leur entreprise. Nous essayons de faire des propositions dans l’intérêt des entreprises dans leur généralité. C’est un peu plus difficile parce que cela donne à nos messages une abstraction qui est telle que les gens ne comprennent souvent pas ce que nous disons. Notre message doit être un message dans l’intérêt de l’économie du Grand-Duché, donc dans l’intérêt des entreprises comme de leurs salariés. Je ne me vois pas du tout comme un représentant des entreprises dans une lutte permanente contre les salariés. Je trouverais cela d’une absurdité totale et ce n’est pas du tout ma vision du monde. Les salariés et leurs entreprises luttent ensemble dans ce pays pour sa prospérité économique.
Quand vous parlez des salariés, vous pensez aux syndicats?
Moi, je parle des salariés. Les syndicats ne sont pas les seuls représentants des salariés. Évidemment, il nous faut un interlocuteur et nous ne sommes pas mécontents d’avoir les syndicats pour cela. Mais il ne faut pas tout confondre : le plus grand syndicat du pays compte quelque 70 000 membres, frontaliers et retraités compris, alors que nous avons dans ce pays près de 400 000 salariés. Mais s’il n’y a personne d’autre qui représente directement les salariés, alors les syndicats prennent une certaine importance.
Pourquoi dites-vous que vos messages sont abstraits?
Ils sont quelquefois difficilement compréhensibles. Les gens ne connaissent guère le détail du financement de l’assurance maladie au Grand-Duché, par exemple. Alors, quand nous proposons un financement plus transparent, plus responsable pour tous les concernés, tout le monde comprend que les patrons veulent « se retirer » de quelque chose. J’ai même vu un titre de journal affirmer que les patrons voulaient se retirer de la sécurité sociale. Celui qui a écrit cela n’est pas venu à la conférence de presse que nous avons donnée. Cela fait vraiment un peu mal. En réalité, ce que nous voulons, c’est une meilleure définition des tâches respectives des salariés et des entreprises dans la gestion de l’assurance maladie et que chacun prenne ses responsabilités. C’est un modèle qui pourrait parfaitement plaire aux représentants des salariés. Je constate que, pour l’instant, l’OGBL n’a pas encore réagi.
Non, mais le LCGB et le gouvernement ont réagi et votre proposition ne les fait pas bondir de joie…
J’étais surtout très déçu de la réaction du gouvernement qui s’est exprimé contre notre proposition parce que je n’y vois que la peur du changement et l’absence de réflexion. S’agissant d’une proposition de réforme d’une telle ampleur, cela me rend un peu triste. Je n’ai pas apprécié que le Premier ministre déclare que les patrons auraient « décidé unilatéralement » de ficher le camp de la CNS, car ce n’est pas le cas et surtout ce n’est pas possible. Je rappelle aussi que la Mutualité des employeurs est un organisme de la sécurité sociale. Nous sommes simplement en train de faire une proposition de réforme fondamentale qui permettrait un fonctionnement plus logique et transparent.
Une réforme logique et transparente, dites-vous, et sans coût, c’est plutôt rare… Mais est-ce possible?
Oui, c’est rare, mais c’est possible et c’est pour cela que c’est une bonne idée! Le système actuel est le résultat d’une histoire qui est allée dans tous les sens avec beaucoup de compromis politiques, mais qui n’a guère de logique interne. C’est le résultat aussi des négociations de 2006 sur le statut unique. Si vous expliquez ce système à un bon logicien qui ne connaît rien à l’historique, il proposera rapidement une réforme proche de notre proposition, mais certainement rien de ce que l’on connaît aujourd’hui. Nous proposons de mettre de la logique dans un système qui ne l’est pas. Notre intérêt, c’est d’être responsables là où nous sommes responsables, comme l’absentéisme dans les entreprises par exemple. Il faut donc mettre les salariés face à leurs responsabilités qui est celle de financer leurs maladies de façon solidaire. L’assurance, c’est une solidarité des gens qui financent les frais de ceux d’entre eux qui sont malades. Cette assurance-là n’est pas typique des entreprises, mais aujourd’hui elles sont impliquées dans des décisions qui ne sont pas les leurs. J’avais cité l’exemple d’une personne de 90 ans pour qui il faut décider si elle a encore droit au remboursement d’une hanche artificielle. C’est aux assurés de dire combien de protection ils veulent et pas aux patrons des salariés cotisants.
Geneviève Montaigu
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