Le Premier ministre français Manuel Valls effectuera une « visite de travail » à Luxembourg ce lundi 11 avril. Il sera accompagné du secrétaire d’État auprès du ministre des Finances et des Comptes publics, Christian Eckert. L’évasion fiscale est le sujet du moment… mais pas celui de la visite.
Le chef de l’exécutif de l’Hexagone sera reçu par le Premier ministre, ministre d’État, Xavier Bettel, pour une entrevue à l’Hôtel de Bourgogne, en présence de membres du gouvernement. « Au centre des discussions figureront, à côté des relations bilatérales, des sujets d’actualité politique européenne, notamment la crise migratoire. La coopération entre le Luxembourg et la France dans le domaine de la sûreté nucléaire et des sujets transfrontaliers seront également à l’ordre du jour », indique le service presse du gouvernement.
Et l’évasion fiscale ? Officiellement, il n’en sera pas question au cours de cette visite programmée avant les révélations des Panama Papers. Toutefois le sujet, en pleine lumière, semble incontournable et devrait forcément s’inviter de loin ou de près lors de cette journée. D’autant que les banques et filiales bancaires luxembourgeoises apparaissent comme les plus actives dans ces montages offshore opaques.
Mais comme lors de la visite de François Hollande à Luxembourg, le 6 mars 2015 (peu de temps après l’éclatement des LuxLeaks), les positions affichées devraient se parer d’un halo largement consensuel, rappelant la lutte engagée par l’UE et l’OCDE, bien que le gouvernement français s’agite depuis trois jours à communiquer sur un nouveau volontarisme en la matière, sous la pression de ces révélations.
Tout l’inverse de l’exécutif luxembourgeois qui a profité de l’alibi des vacances scolaires pour faire l’autruche depuis la sortie de l’affaire. Surtout laisser les projecteurs braqués sur le Panama. Quand on parle des paradis fiscaux sans le citer en première ligne, le Grand-Duché a appris depuis longtemps à se faire tout petit… même s’il apparaît en lettres capitales dès la seconde ligne.
Un petit mot sur les lanceurs d’alerte ?
Reste à savoir si, contrairement au président français un an plus tôt, son Premier ministre aura un petit mot à destination des trois lanceurs d’alerte des LuxLeaks (parmi lesquels deux Français, l’ex-employé de PwC Antoine Deltour et le journaliste Edouard Perrin), poursuivis avec un certain zèle par le parquet de Luxembourg – 5 chefs d’accusation à l’encontre de Deltour -, à 15 jours du début de leur procès (du 26 avril au 4 mai).
En effet, depuis la révélation des Panama Papers, l’exécutif français n’en finit pas de remercier et de louer le courage des lanceurs d’alerte, suggérant qu’il faille mieux les protéger, voire les rémunérer, comme l’a glissé le ministre des Finances Michel Sapin en rappelant les progrès contenus son projet de loi « Sapin 2 ».
Ce changement de discours français ne devrait toutefois pas passer la frontière, au risque de rompre avec l’habituelle bienveillance envers « l’ami luxembourgeois ». Improbable donc, même si on se souvient que Manuel Valls avait surpris, le 13 février dernier, en critiquant la politique migratoire d’Angela Merkel lors d’une visite à Munich sur un tout autre sujet, le terrorisme. Cette sortie avait choqué les dirigeants allemands.
Le Premier ministre français osera-t-il cette fois choquer le Luxembourg sur son rôle en matière d’évasion fiscale, des reproches qui apparaitraient pourtant plus légitimes que ceux formulés envers l’Allemagne à Munich ? On parie que non.
Sylvain Amiotte