Alors que le leader mondial des maisons de retraite, Orpea, est en pleine tourmente, les conditions d’ouverture de deux établissements du groupe au Grand-Duché ont été discutées lundi en commission parlementaire.
Moins d’une semaine après les révélations accablantes sur les maltraitances infligées aux personnes âgées dans les résidences Orpea, les membres de la commission parlementaire de la Famille et de l’Intégration se sont réunis lundi matin, à la demande du CSV. Les députés avaient invité la ministre à éclaircir les conditions de l’ouverture prochaine de deux maisons de retraite Orpea sur le territoire : la première à Luxembourg-Merl en mars prochain et une deuxième prévue en 2023 à Strassen.
«Il fallait qu’on discute de ce dossier de vive voix», justifie le député chrétien-social et prédécesseur de la ministre, Marc Spautz, à l’origine de cette réunion urgente. «On voulait une prise de position du gouvernement et aussi connaître l’avancée des négociations», poursuit-il, rapportant que Corinne Cahen a confirmé n’avoir eu aucun contact avec le groupe Orpea jusqu’ici. En visioconférence avec les membres de la commission, elle a répété, comme elle nous le confiait dès jeudi dernier, qu’une demande d’agrément a été introduite ce mois-ci auprès du ministère pour le CIPA de Merl, mais qu’aucune décision n’a encore été prise, le dossier étant toujours en cours d’examen.
Une nouvelle loi encore plus stricte
Les parlementaires l’ont dès lors priée de les tenir informés des évolutions à venir et notamment de la communication avec la direction du groupe, même s’ils sont bien impuissants : «Du point de vue du droit international, on ne peut pas interdire l’ouverture de cet établissement au Luxembourg pour des faits survenus à l’étranger», soupire Marc Spautz.
Toutefois, en passant en revue les dysfonctionnements décrits dans le livre-enquête Les Fossoyeurs, la ministre s’est montrée rassurante quant à de potentiels mauvais traitements, selon lui : «Cela ne pourrait pas se passer ici. La loi comporte de multiples contraintes, comme le ratio personnel-pensionnaires ou encore la qualification des postes de cadre, etc. Et la nouvelle loi, actuellement entre les mains du Conseil d’État, sera encore plus stricte, avec des standards concernant la nourriture par exemple», remarque le député.
Il semble donc que, malgré ce qu’on sait aujourd’hui des pratiques du géant français, aucun obstacle ne puisse se dresser sur sa route pour développer son activité au Luxembourg. Le recrutement massif du personnel pour la résidence de Luxembourg a d’ailleurs déjà commencé, tandis que son futur directeur a été recruté cet été. Reste à savoir à quel point ce scandale, qui dépasse désormais les frontières françaises et a déjà fait fondre le titre Orpea de moitié en Bourse la semaine dernière, peut affaiblir le colosse.
Corinne Cahen : «Je n’ai pas le pouvoir de refuser l’agrément»
La ministre de la Famille et de l’Intégration confie avoir bien peu de marge de manœuvre face à l’arrivée imminente d’Orpea au Luxembourg : «Si toutes les conditions prévues par la loi sont remplies, je n’ai pas le pouvoir de refuser l’agrément», précise-t-elle, indiquant que si l’agrément ministériel permet à un établissement de recevoir des financements de la part de l’assurance dépendance, il ne remet pas en cause son ouverture en cas de refus.
«Il y a d’ailleurs des structures au Luxembourg qui n’ont pas d’agrément. Cela signifie simplement qu’elles ne touchent aucune subvention et ne sont soumises à aucun contrôle», regrette la ministre, qui souligne que les établissements agréés sont, eux, contrôlés au moins une fois par an par les services du ministère et de l’assurance dépendance, de façon programmée ou inopinée. De ce point de vue, si la résidence Récital de Orpea à Merl recevait un agrément, elle serait systématiquement contrôlée suivant une liste de critères d’évaluation des prestations et de leur qualité qui a été renforcée en 2018.
De quoi empêcher, selon Corinne Cahen, que la situation ne vire au désastre décrit dans le livre de Victor Castanet, qu’elle est justement en train de lire : «Je suis choquée qu’on puisse traiter des êtres humains de cette façon, et choquée également par les prix pratiqués. On parle de 6 500 à 12 000 euros mensuels», note-t-elle, indiquant que le projet de loi actuellement au Conseil d’État prévoit la création d’un registre des coûts et des services de chaque établissement, pour plus de transparence. La ministre espère maintenant pouvoir le soumettre au vote de la Chambre des députés au plus vite.