Le premier mois de l’Exposition universelle organisée à Dubai est couronné de succès pour le Luxembourg. La commissaire générale Maggy Nagel se réjouit particulièrement des échos positifs venant des plus de 120 000 visiteurs qui sont déjà partis à la découverte du Grand-Duché. Entretien.
Samedi a été lancée une mission de promotion touristique à Dubai. La délégation est menée par le Grand-Duc héritier Guillaume et le ministre du Tourisme et des Classes moyennes, Lex Delles. Ils ont pu constater que le Luxembourg et son pavillon futuriste sont déjà solidement enracinés sur le site de l’Expo 2020, retardée d’un an en raison de la pandémie de coronavirus.
Maggy Nagel est une commissaire générale heureuse. Depuis Dubai, l’ancienne ministre tire un premier bilan non sans évoquer les perspectives qui vont mener le Grand-Duché à l’Expo 2025 à Osaka.
L’Exposition universelle de Dubai est désormais ouverte depuis cinq semaines. Quel est le premier bilan que vous pouvez tirer ?
Maggy Nagel : Nous avons connu un début en fanfare. Personnellement, je suis très enthousiasmée par le succès que rencontre le pavillon luxembourgeois. Le dernier bilan chiffré, datant de samedi en fin de matinée, fait état de 120 282 visiteurs. Quelque 7 800 souvenirs et autres objets ont été vendus. Plus de 3 000 menus ont été servis dans notre « Schengen Lounge ». Et j’entends aussi de plus en plus d’échos de gens issus du Luxembourg qui se décident à faire le déplacement jusqu’à Dubai.
On a pu remarquer sur vos réseaux sociaux de nombreuses mentions dans la presse locale et internationale. Comment peut-on expliquer ce succès médiatique du pavillon?
Le Luxembourg figure dans le top 7 des pavillons qui sont le plus visités jusqu’à présent. Notre toboggan sur trois étages – un clin d’œil à la Schueberfouer – fait sensation. Il n’y a que du positif à évoquer. Les visiteurs identifient le fil rouge qui les mène à travers le Luxembourg. Ils apprécient l’aspect humain de notre concept. On nous dit que ce pavillon a une âme.
La décision de choisir un emplacement stratégique sur l’immense site de l’Expo 2020 s’est donc déjà avérée payante ?
Nous avons été le tout premier pays à signer le contrat pour participer à l’Expo. Le principe du premier venu, premier servi a pleinement joué. Au moment de découvrir le « master plan » du site, j’ai pointé du doigt la station centrale du métro, finalement située à quelques centaines de mètres à peine de notre pavillon. J’ai aussi tenu à ce que l’on s’installe à un croisement de plusieurs allées. L’architecture particulière du bâtiment est ainsi davantage mise en valeur.
Une longue période de préparation et de travail intense se trouve derrière vous. Quel est aujourd’hui votre état d’esprit ?
J’accompagne ce projet depuis maintenant cinq ans. La première pierre a été posée en 2018. Le Luxembourg a été le premier pays à lancer la construction de son pavillon. La pandémie de coronavirus ne nous a que très peu freinés dans notre élan. Le chantier a certes avancé plus lentement, mais en fin de compte l’objectif d’être fin prêt pour le 1er octobre de cette année a pu être rempli. Et ce, alors que certains autres pavillons n’ont pu être achevés dans les temps. Mon soulagement d’avoir pu respecter les délais est d’autant plus grand. Et puis, le fait que le concept retenu soit l’objet de tellement de réactions positives, ça fait chaud au cœur.
Avez-vous une idée de la nationalité des plus de 120 200 visiteurs qui ont déjà découvert le pavillon du Grand-Duché ?
Nous menons bien une statistique sur l’origine des visiteurs. On y retrouve vraiment des gens issus de tous les horizons. Mais nous avons aussi déjà pu accueillir de très nombreux Luxembourgeois. Dans les semaines et mois à venir, nous attendons encore le passage d’une soixantaine d’autres groupes de voyage en provenance du Grand-Duché. Pour l’instant, avec 7 000 visiteurs par jour, nous respectons la moyenne que l’on s’était fixée comme objectif.
La mission de promotion touristique menée par le Grand-Duc héritier est la deuxième mission officielle à Dubai en trois semaines de temps. Quelle est l’importance de lancer un rendez-vous comme l’Expo 2020 en accueillant dès le début des éminents représentants du Luxembourg ?
Un pavillon comme le nôtre ne peut fonctionner qu’avec le concours de partenaires. Le mandat qui m’a été confié a consisté en la création d’un Groupement d’intérêt économique (GIE) appelé à gérer la construction et le fonctionnement du site. Pour ce qui est de l’animation, il faut se chercher des partenaires. Au départ figure le choix de l’architecte et du scénographe.
Contrairement à ce qui a été fait en 2010 à Shanghai, nous avons intégré dès le départ la scénographie. Il en va de même pour l’animation culturelle. La thématique des ressources a également été définie en tout début de projet et se traduit dans le choix des partenaires. Il n’est pas question de faire cavalier seul. Il faut jouer en équipe pour relever le défi.
Et plus particulièrement, quel est l’apport de la présence sur place de ministres et du Grand-Duc héritier ?
Il nous a importé de marquer le coup dès le début de l’Expo. Le ministère de l’Économie se trouve à la tête du GIE. C’est donc en toute logique que Franz Fayot a été le premier représentant du gouvernement à se rendre à Dubai, ceci dans le cadre de la mission économique consacrée à l’espace (NDLR : du 24 au 26 octobre).
La promotion touristique est tout aussi importante, d’où la présence du ministre Lex Delles, accompagné du Grand-Duc héritier. Notre volonté est de montrer la diversité du Luxembourg et d’éviter ainsi que les gens restent scotchés sur l’image d’un Grand-Duché connu pour sa place financière et considéré comme paradis fiscal. À la sortie du pavillon, le visiteur saura ce que le Luxembourg a à dire et ce qu’il a à mettre en avant.
Les relations entre le Luxembourg et les Émirats arabes unis sont très étroites. Dans quelle mesure la présence à cette Exposition universelle peut contribuer à fortifier encore ce partenariat bilatéral ?
Les relations bilatérales ont été entamées dès l’été 1999. Les ministres ont reconnu le besoin de continuer à soigner ce partenariat en menant régulièrement des missions aux Émirats. Le Grand-Duc héritier s’est aussi déjà rendu à plusieurs reprises à Dubai. Cette présence répétée nous honore non seulement en tant que responsables du pavillon, mais elle est aussi très appréciée par la famille régnante des Émirats.
Ressentez-vous ce respect porté par les Émirats envers le Luxembourg ?
Il me faut tout d’abord dire qu’avant ma nomination, je ne connaissais pas du tout les Émirats. Depuis 2011, le Luxembourg dispose d’une ambassade à Abou Dhabi. Toute une série d’entreprises sont déjà implantées depuis longtemps à Dubai. Tout cela augmente encore l’intérêt porté à notre pavillon.
Personnellement, je constate qu’en Europe on se forge souvent une fausse image des Émirats, moi y compris. Je ressens un énorme respect des indigènes vis-à-vis des visiteurs et autres touristes. L’esprit d’ouverture est fortement ancré dans leur culture. En tant que femme, je me sens aussi entièrement respectée. Un fort sentiment de sécurité se dégage.
Pourtant, le Parlement européen a appelé en septembre les États membres de l’UE à ne pas participer à l’Expo 2020. Le Luxembourg n’a pas bronché. Pourquoi ?
Dubai est engagé dans un processus de transformation positif qui vise notamment à renforcer et ancrer dans les lois le respect des droits de l’homme. Dès le début de la construction du pavillon, une charte a été adoptée entre le gouvernement local et le GIE. Tout s’est bien déroulé sur le chantier, et il ne reste donc aucun goût amer.
Mon regard n’est cependant pas celui d’un politicien. Je me base sur les expériences que j’ai pu faire au fil des cinq dernières années. L’Expo 2020 constitue une énorme opportunité pour les Émirats, fondés il y a 50 ans à peine, de montrer au monde entier qu’une mue est engagée.
Après ce début en fanfare, quels sont les prochains grands rendez-vous qui auront lieu au sein du pavillon luxembourgeois ?
Les « Luxembourg Tourisme Days » vont prendre dès ce lundi le relais de la semaine du « Made in Luxembourg », qui s’est, elle, achevée samedi soir. Le mois de janvier va être bien fourni avec notamment la célébration de la fête nationale en date du 23 janvier, mais aussi le début du programme préparé par le collectif d’artistes. La santé et le savoir vont encore être mis en évidence, tout comme l’éducation et le sport. La Chambre de commerce va aussi revenir à plusieurs reprises. L’espace sera également remis à l’honneur.
Ne faut-il pas regretter que les produits « Made in Luxembourg » ne soient exposés que pendant une semaine au pavillon ?
Comme déjà évoqué, ma mission première est la gestion du GIE. La programmation dans ce domaine précis est du ressort de la Chambre de commerce. Une sélection des entreprises qui allaient pouvoir présenter leurs produits au sein du pavillon a été effectuée sur base d’un appel à candidatures. La diversité des exposants présents au pavillon lors de la semaine écoulée confirme que le bon choix a été effectué.
Quels sont les leçons et enseignements qui peuvent être tirés de cette Expo 2020 pour préparer la prochaine participation du Luxembourg à une Exposition universelle, prévue en 2025 à Osaka ?
Les préparatifs pour Osaka sont bien engagés. Le commissaire général André Hansen a été nommé début octobre. Un échange sur base des expériences faites ici à Dubai a déjà eu lieu. L’architecture, la scénographie ou les relations avec nos partenaires ont aussi été évoquées. L’Expo 2020 de Dubai se distingue déjà fortement de l’Expo 2010 à Shanghai.
Le concept va encore évoluer pour l’Expo 2025. Le Japon est un pays différent, même si le thème de l’Expo va rester sensiblement le même (NDLR : concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain). Il est déjà acquis que le pavillon sera d’une moindre envergure. Un accent plus particulier sera aussi porté sur l’économie circulaire, concept qui va jouer un rôle plus prépondérant dans la présence du Luxembourg à Osaka. Les éléments positifs à retenir vont bien entendu être repris pour le projet japonais.
Au départ, le pavillon installé à Dubai devait être démonté puis rapatrié au Luxembourg. Entretemps, la donne a changé. Quel est le verdict final ?
Tous les pavillons doivent en principe être démontés et recyclés à 70 %. Vu la pole position occupée par le Luxembourg et les échos positifs sur l’architecture du pavillon, les organisateurs nous ont approchés pour savoir si l’on serait disposés à le laisser en l’état. Un accord de principe a entretemps été signé par le ministre de l’Économie.
Pour l’instant, il est prévu que le pavillon soit exploité pendant cinq ans supplémentaires par les Émirats. La majeure partie de la scénographie va être rapatriée au Luxembourg. Le Grand-Duché va néanmoins garder un accès au pavillon, notamment pour organiser des événements sous l’égide de notre ambassade.
Et qu’en sera-t-il du fameux toboggan ?
Il reste à trancher si le toboggan va rester sur place ou s’il sera à son tour rapatrié au Luxembourg. Je laisse la décision à la sagesse du ministre du Tourisme (elle rit).
A lire aussi ➡ Le Grand-Duc héritier prend le toboggan pour découvrir l’Expo 2020
Entretien réalisé par David Marques, depuis Dubaï