Les députés ont tous été unanimes, ce mardi. LuxLeaks a révélé l’ampleur de l’injustice fiscale et il faut y remédier. Selon Pierre Gramegna, la transparence est en route mais pas la complète harmonisation. Justin Turpel a particulièrement condamné les inculpations dans cette affaire et notamment la plus récente, celle du journaliste Edouard Perrin.
Avant de quitter le Parlement pour des raisons de santé, le député Justin Turpel (déi Lénk) aura eu son heure de gloire. Il tenait à ce débat sur LuxLeaks, il a été servi mardi. Certes, six mois après la grande offensive du consortium de journalistes qui avait révélé l’ampleur des rescrits fiscaux (rulings) opérés au Grand-Duché, tout a été dit et commenté. À commencer par le fait que le Grand-Duché avait été injustement stigmatisé alors que la pratique est en vigueur dans quasiment tous les États membres.
Mardi, tous les intervenants ont bien sûr conclu à l’indécence du traitement fiscal réservé aux multinationales et ont condamné cette injustice à une époque où les citoyens subissent des pressions fiscales qui vont en augmentant depuis la crise de 2008. Mais cela étant dit, à part Justin Turpel, personne n’a envie de voir le Grand-Duché et sa place financière perdre en attractivité en harmonisant tous azimuts la fiscalité des entreprises. La Commission européenne, qui a présenté son paquet sur la transparence fiscale le mois dernier, insiste sur l’échange automatique et obligatoire entre États membres de leurs «tax rulings».
Les rulings ne datent pas d’hier, ils étaient même parfaitement légaux, ont rappelé plusieurs députés. «De nombreuses formes d’évasion fiscale sont toutefois contraires à l’esprit de la loi, s’appuyant sur une interprétation très extensive de ce qui est « légal » pour réduire au minimum la contribution fiscale globale d’une entreprise», rappelait la Commission qui parlait de techniques de planification fiscale agressives permettant à certaines entreprises d’exploiter des failles juridiques des systèmes fiscaux jusqu’à ne plus payer d’impôt du tout ou si peu.
La question des lanceurs d’alerte abordée ce mercredi matin
La grande nouveauté dans ce débat LuxLeaks reste sans conteste la récente inculpation du journaliste Edouard Perrin par un juge d’instruction à Luxembourg. Mardi, Justin Turpel a insisté sur «l’indispensable protection», dont doivent bénéficier les lanceurs d’alerte et a ardemment défendu les journalistes d’investigation. «Le juge d’instruction devrait inculper les 80 journalistes du consortium dans ce cas», lance le député de déi Lenk.
Cette question de la protection des lanceurs d’alerte sera abordée ce mercredi matin plus largement alors que quatre commissions seront réunies pour en discuter. Un échange de vues au sujet des modifications nécessaires pour améliorer la législation protégeant et encadrant les lanceurs d’alerte et pour renforcer la lutte contre la fraude et la corruption est en effet inscrite à l’ordre du jour en raison d’une demande de déi Lenk.
Justin Turpel aura eu le temps de condamner lourdement cette inculpation du journaliste tout comme celle des lanceurs d’alerte alors « qu’aucune enquête ne va mettre son nez dans les affaires de ceux qui ont établi les rulings », lâche-t-il.
Parmi les intervenants, il s’est trouvé Laurent Mosar (CSV) pour rappeler que ces inculpations vont sans doute nuire à l’image du Luxembourg mais que le vol restait un délit. Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a choisi de ne pas aborder du tout ce point de l’intervention de Justin Turpel. En revanche, il l’a vivement remercié d’avoir initié le débat et s’est dit content qu’il se situe à 6 mois des révélations. Pour mieux en discuter à tête reposée.
La transparence au secours de l’image
«Justin Turpel est le député qui m’a donné le plus de travail ici», relève le ministre qui rend hommage au député qui assiste à sa dernière séance. Son discours en faveur d’une meilleure justice fiscale allait dans le sens de tous les intervenants. Il a affirmé que le Luxembourg coopérait pleinement dans l’enquête de la Commission. Et au passage, il a indiqué que le pays avait déjà communiqué des rulings à la Belgique bien avant l’affaire LuxLeaks.
«Nous nous sommes mis en conformité avec l’échange automatique des informations, nous n’avons pas attendu LuxLeaks pour agir sur les rulings», indique le ministre en précisant que «ni l’OCDE ni la Commission n’ont demandé d’abolir les pratiques du rulings».
Pierre Gramegna met aussi en garde : « Si la course à l’optimisation fiscale absolue doit être évitée, l’inverse doit l’être aussi. La réponse ne doit pas être la course vers le haut ! Tout ne sera pas harmonisé jusqu’au dernier centime », prévient-il. Le Luxembourg doit encore conserver quelques niches dans ce domaine. « La fiscalité est le seul atout qui nous permette de jouer sur les investissements dans la zone euros et c’est capital , souligne le ministre. Dans la loi budgétaire, le ruling passera par une loi et non plus par une simple démarche administrative. »
Oui, l’image du Grand-Duché a été une nouvelle fois égratignée par ce scandale et «elle ne peut être améliorée que par l’action de la transparence», conclut Pierre Gramegna.
Geneviève Montaigu
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