La police intervient près de 80 fois en moyenne par mois pour des violences domestiques. Le service Riicht Eraus lance une campagne de prévention soutenue par la ministre Taina Bofferding.
À sa création en 2004, le service Riicht Eraus de la Croix-Rouge était un passage obligé pour tous les condamnés, hommes ou femmes, nécessitant un suivi à la suite de violences domestiques. Depuis huit ans, le service d’écoute qui a pour mission d’accompagner et de conseiller les auteurs, accueille également toutes les personnes qui ont fait l’objet d’une procédure d’expulsion ou auprès desquelles la police a dû intervenir. Là encore, il s’agit pour elles d’une obligation à laquelle elles doivent répondre dans les deux semaines qui suivent l’intervention policière.
Et puis il y a les volontaires. Ceux qui sentent qu’un jour ils vont franchir le pas et lever la main, ou le ton, ou les deux. Peut-être l’ont-ils déjà fait et sentent qu’ils ont besoin d’aide. Ce sont ces derniers qui sont visés par la campagne de prévention contre les violences domestiques du service Riicht Eraus de la Croix-Rouge luxembourgeoise qui bénéficie du plein soutien du ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes.
«Réagis avant d’agir», slogan de la campagne, cherche en premier lieu à responsabiliser les personnes qui craignent de voir leur comportement dégénérer et ceux qui sont malheureusement déjà passés à l’acte. Cela peut arriver à tout le monde, chacun recèle un potentiel de violence, qu’elle soit physique ou verbale, selon la directrice du service, Laurence Bouquet. Depuis le début de l’année 2021, 187 expulsions du domicile de l’auteur présumé ont eu lieu (contre 278 en 2020).
Pourquoi maintenant ? «Nous vivons une situation exceptionnelle depuis le début de la pandémie qui peut générer des tensions au sein du foyer», explique-t-elle. Riicht Eraus veut atteindre le grand public pour lui rappeler son existence en cas de besoin et avant qu’il ne soit trop tard. Près de 2 000 personnes ont eu des échanges avec les conseillers du service qui garantissent la discrétion nécessaire. Ils ne sont pas là pour juger les auteurs, mais les faits et les persuader de changer de comportement pour le bien de tous, le ou la conjointe, les enfants aussi qui subissent les sursauts d’humeur des parents, et les proches, qui souffrent tout autant de ces situations.
Les victimes osent chercher de l’aide
La ministre Taina Bofferding tient à «renforcer les actions pour agir à un stade précoce et mettre fin aux spirales de la violence». L’accompagnement est une solution pour éviter de déraper ou de récidiver. Un quart des personnes condamnées pour violences domestiques n’en sont à leur coup d’essai.
Le directeur de la Croix-Rouge, Michel Simonis, explique que cette campagne est faite pour «inciter les auteurs de violence domestique à prendre conscience de leur comportement, et à prendre leur responsabilité pour le changer».
Dans son dernier rapport livré en juin dernier, le Comité de coopération entre les professionnels dans le domaine de la lutte contre la violence constate que la violence domestique reste une réalité quotidienne au Luxembourg et qu’elle touche tous les milieux sociaux et toutes les communautés. En 2020, il y a eu une hausse des interventions des forces de police et une légère hausse de décisions d’expulsions du parquet. Toutefois, la flambée des cas de violence domestique redoutée dans le cadre de la crise sanitaire a pu être évitée.
En 2020, la police a procédé à 943 interventions (avec et sans expulsion), ce qui représente une augmentation de 11,07 % par rapport à 2019 (849). Le nombre des expulsions autorisées par le parquet a été de 278 (265 en 2019). En moyenne par mois, la police intervient 78 fois et procède à 23 expulsions. Ces chiffres impressionnent et témoignent de l’urgence à agir.
La majorité des victimes, 60,28%, sont de sexe féminin et 39,72% de sexe masculin alors que 356 victimes sont encore mineures.
Ce même rapport démontrait pour ses auteurs que «les personnes victimes de violences domestiques osent davantage chercher de l’aide». De quoi les encourager dans la poursuite de leurs activités de prévention et la médiatisation qui ont notamment permis de «démystifier» et de «détabouiser» le sujet, selon la ministre Taina Bofferding qui s’exprimait ainsi lors de la présentation des chiffres cet été. En ajoutant : «Nous devons tout de même poursuivre nos efforts et rappeler qu’il y a de l’aide pour toutes et tous».
C’est précisément ce que vise la campagne «Réagis avant d’agir» du service Riicht Eraus.
Geneviève Montaigu
Des outils pour situations à risque
Toutes les personnes ont la possibilité de suivre des consultations au cours desquelles elles reçoivent des conseils pour modifier leur comportement. La procédure vise, à court terme, à protéger les victimes et, à plus long terme, à réduire la violence. Au fil des consultations, les clients acquièrent des outils pour gérer de façon pacifique des situations à risque.
Riicht Eraus n’arrête pas les consultations avant que la personne qui accompagne et conseille, et en accord avec son client ou sa cliente, ne soit convaincue que des situations de violences potentielles puissent être gérées d’une manière différente et non violente.