Tandis que les prix du logement explosent, excluant les plus faibles économiquement, des logements sont inoccupés. Le ministère du Logement a trouvé la parade pour combiner ces deux éléments.
Le concept de gestion locative sociale fait des émules, mais pas encore suffisamment au goût du ministre du Logement qui a profité de la signature de 25 conventions avec des partenaires pour en rappeler les tenants et les aboutissants. Profitant des micros qui lui étaient tendus, Henri Kox a indiqué que «grâce à la gestion locative sociale, 960 logements vides ont été mobilisés» depuis 2009 et sont désormais loués à des prix abordables à des personnes à faibles revenus ou en réinsertion. Ce concept présente deux avantages : d’une part l’occupation des logements vides et d’autre part la lutte contre l’exclusion sociale par le logement. Henri Kox souhaite «remplir de vie les logements vides».
Si les logements mis à disposition des partenaires du ministère par des particuliers ont presque triplé ces cinq dernières années, passant de 366 en 2016 à 960 cette année, le nombre reste insuffisant et le ministre Henri Kox en a profité, lundi matin, pour lancer un appel aux propriétaires de logements inoccupés : «Il s’agit de redonner vie en toute sécurité à un logement dont les propriétaires n’ont pas le temps de s’occuper mais veulent le garder disponible en cas de besoin personnel.» Sachant que le logement mis à disposition peut être «récupéré» à n’importe quel moment.
Le concept est gagnant-gagnant et le ministère a mis en place un certain nombre de garanties à l’intention des propriétaires, garanties qui, Henri Kox le promet, vont être complétées et améliorées «étape par étape». La convention signée lundi matin fixe notamment le prix maximum du mètre carré mis en location à dix euros avec la volonté de le faire passer à douze pour les logements dans Luxembourg.
Les propriétaires qui mettent leurs logements à disposition de la gestion locative sociale perdent de 30 à 40 % de loyer par rapport au prix du marché. Cette perte est gracieusement compensée par l’État par une exonération fiscale de 50 % sur les revenus locatifs nets. «Nous essayons de faire en sorte que le loyer n’excède pas un tiers du revenu disponible du locataire. Ce critère d’abordabilité en matière de location va être pérennisé dans la réforme de la loi de 1979 en matière d’aide au logement», a annoncé le ministre.
Un million d’euros pris en charge par l’État
L’État ne devrait pas en rester là, puisque le ministère espère pouvoir encore augmenter ces exonérations fiscales dans le cadre de la réforme fiscale. «Si nous voulons que notre offre de logements abordables corresponde à la demande, nous allons devoir aller dans cette direction, a expliqué Henri Kox. Les associations reçoivent un forfait de 100 euros par mois pour assurer la gestion des logements à la place des propriétaires. Nous réfléchissons à profiter du vote du budget de l’État pour augmenter cette somme. Les associations nous le demandent.»
Exonérations fiscales, loyer fixe et garanti, locataire encadré et bien entretenu par les partenaires conventionnés par l’État, les avantages pour les propriétaires sont nombreux. Le projet de gestion locative sociale est cofinancé par le ministère du Logement, le ministère de la Famille, de l’Intégration et de la Grande Région, ainsi que par certaines communes (Esch-sur-Alzette et Diekirch) et leurs offices sociaux (Bettembourg, Frisange et Roeser, Remich ou Dudelange entre autres) qui prennent en charge les frais de personnel et les frais administratifs. La participation de l’État luxembourgeois à ce projet s’est élevée en 2019 à plus d’un million d’euros.
Pour participer au projet, les propriétaires de logements vides doivent prendre contact avec un des partenaires conventionnés. La liste figure sur le site logement.lu. Les deux signent un contrat de bail. L’organisme conventionné sélectionnera un locataire en fonction de certains critères. Le partenaire remplira ses obligations en tant que locataire et se chargera du suivi de l’occupant ainsi que des travaux d’entretien du bien loué.
Le gouvernement met les bouchées doubles pour favoriser cette forme d’habitat, alors que dans les villes et les villages, les logements vides s’accumulent. «Le secteur public doit pouvoir garantir des logements abordables», insiste Henri Kox. Les communes seront sollicitées à suivre la politique entamée par le gouvernement au travers du nouveau pacte logement. En attendant, le ministère relance sa campagne.
Sophie Kieffer
Une solution temporaire
Henri Kox évoquait lundi matin son ambition de mettre en place une politique de logement davantage axée sur les besoins individuels des citoyens pour pouvoir leur répondre au mieux. Or ce n’est pas la vision du marché. C’est pourquoi le gouvernement a pour ambition de contourner le marché et de concevoir ses propres instruments pour répondre aux besoins des citoyens et permettre à une majorité d’avoir un toit au-dessus de sa tête. La gestion locative sociale est un de ces instruments. Elle permet à des familles temporairement en difficulté financière de stabiliser leur situation grâce au soutien de professionnels qui les accompagnent lors d’un projet personnel qui leur permettra d’accéder au marché immobilier premier.
Un contrat de trois ans
En pratique, le contrat des locataires et des partenaires du ministère est limité à trois ans prolongeables après analyse des cas. Il arrive que les projets d’insertion n’aboutissent pas à temps ou que des personnes n’arrivent pas à atteindre un niveau de revenu suffisant pour se loger seules. Selon l’Agence immobilière sociale, plus grand acteur sur le marché de la gestion locative sociale, 59 % des bénéficiaires qui ont quitté le dispositif ont pu atteindre leur projet personnel en moins de trois ans et 10 % sont devenus propriétaires. Les 41 % restants ont quitté le dispositif entre trois et sept ans après l’avoir intégré. Ces durées sont les mêmes chez les autres partenaires.
Henri Kox veut procéder «étape par étape»
«Cette présentation du concept de gestion locative sociale était la première d’une série de présentations des éléments que nous allons réformer le plus rapidement possible en matière de logement», a annoncé le ministre du Logement, Henri Kox, lundi. «La loi du bail à usage d’habitation va, elle aussi, être revue afin de pouvoir agir de manière plus ciblée. Il s’agira de déterminer quel est le loyer et quel est le capital investi dans un logement, ainsi que comment contrôler les divers instruments à disposition, entre autres.» Le ministre veut amener davantage de transparence pour les locataires et les propriétaires de logements. «Cette étape sera achevée aux trois quarts de cette année. Ce qui importe pour le moment, c’est de boucler le pacte logement avant l’été», a indiqué le ministre.
Le capital investi est un élément primordial dans le calcul du loyer maximum à appliquer. Selon la loi de 2006 sur le bail à usage d’habitation, «la location d’un logement à usage d’habitation ne peut rapporter au bailleur un revenu annuel dépassant un taux de 5 % du capital investi dans le logement».
Les autres éléments et instruments prévus dans le pacte logement seront présentés les uns après les autres, au fur et à mesure qu’ils seront transposés, a promis le ministre qui ne veut rien précipiter. «Je ne lâche rien», assure-t-il. «Dans une semaine, le fonds spécial que le gouvernement a créé va être voté à la Chambre des députés. Il permet au secteur public de pouvoir se placer de manière plus offensive dans la course aux terrains.» Le Conseil d’État se réunit demain et pourra donc émettre son avis.