Les lois Covid, ouvrant la voie à la fin de l’état de crise, ont été adoptées par une courte majorité de députés, lundi à la Chambre. L’objectif des textes n’est pas remis en question. Leur contenu est par contre fustigé.
Je prends en compte le mauvais bulletin que vous venez de m’adresser. Mais je suis bien plus étonnée de votre conviction d’avoir pu mieux faire.» C’est une ministre de la Santé un brin consternée qui s’est présentée lundi face aux députés. Plus tôt, Claude Wiseler (CSV) avait estimé «qu’avec la fin de l’état de crise, l’état de grâce du gouvernement a vécu».
Comme prévu, l’opposition a fini par rejeter en bloc (CSV et ADR ont voté contre, déi Lénk et les pirates se sont abstenus) les lois Covid censées prendre le relais des dispositions décidées lors de l’état de crise, qui viendra à échéance ce soir à minuit. «Mais ce sera le bulletin final qui sera décisif», annonce la ministre Paulette Lenert, qui refuse de baisser les bras.
Au bout de six heures de débats virulents, l’unité nationale décrétée le 21 mars au moment de valider l’état de crise, s’était donc envolée pour de bon. Un dernier moment solennel est intervenu en tout début de séance lorsque le président de la Chambre, Fernand Etgen, a exprimé sa «fierté» concernant la gestion de l’état de crise. Ont suivi les remerciements adressés par Mars Di Bartolomeo, rapporteur des lois Covid, «à tous ceux qui ont œuvré en première ligne pour lutter contre le coronavirus». Une salve d’applaudissements plus tard, la politique politicienne a repris le dessus.
Un exercice de conscience
Les députés étaient confrontés au même exercice de conscience que le gouvernement en début de crise sanitaire : comment trouver l’équilibre entre les libertés fondamentales et la nécessité d’imposer des restrictions devant assurer la santé publique. «L’état de crise n’a été souhaité par personne et nous ne l’avons pas pris à la légère», affirme le Premier ministre, Xavier Bettel. Lui et ses collègues ministres auraient «assumé leurs responsabilités en prenant des décisions difficiles» telles que le confinement.
Avec la fin de l’état de crise, la Chambre doit à nouveau valider toutes les décisions en relation avec la lutte contre le coronavirus. Après avoir déjà voté toute une série de textes prolongeant des aides, subsides et adaptations administratives (lire nos éditions précédentes), les députés étaient amenés à statuer lundi sur les lois-cadres pour la suite de la gestion de la crise sanitaire. Un premier texte concerne les restrictions pour personnes physiques (rassemblements, port du masque), le second les mesures à appliquer par le commerce, la culture et le sport.
Le besoin de prolonger d’un mois ce dispositif pour continuer à accompagner le déconfinement n’est pas remis en question. Les partis de l’opposition fustigent toutefois «le caractère disproportionné, le manque de précision et de cohérence des textes», finalisées en urgence par la Chambre. «On a conscience de la complexité de rédiger un tel texte. Vu les problèmes fondamentaux qui persistent, il nous est cependant impossible de voter cette loi», martèle Claude Wiseler. «Cette attitude est irresponsable. Sans vote, on risque de revenir à la situation d’avant crise où aucune restriction n’était prise. On joue avec la santé des gens», réplique sans tarder Georges Engel (LSAP), lançant toute une série d’échanges de politesses entre chrétiens-sociaux et socialistes. Gilles Baum (DP) dit bien «comprendre le scepticisme» affiché par l’opposition, mais partage l’avis de Josée Lorsché (déi gréng) : «Le bon équilibre entre le droit à la santé et les libertés fondamentales a été trouvé.»
Tout autre son de cloche chez l’ADR. Roy Reding «est outré par la teneur des lois Covid», dont le très contesté confinement forcé. Une personne testée positive au coronavirus et qui refuse de respecter son isolement peut être placée de force dans une structure adaptée. «Tout cela pourrait engendrer la perte de la civilité des gens. Ils pourraient refuser de se faire tester au vu des mesures draconiennes qu’ils risquent», avance le député du parti réformateur. Il est contré par Mars Di Bartolomeo : «Le droit d’infecter délibérément d’autres personnes ne fait pas partie des libertés fondamentales.» Le rapporteur précise que pendant les 40 dernières années, une seule personne a été hospitalisée de force pour assurer la santé publique.
Malgré tout, les améliorations des textes décidées sous la pression de l’opposition ne constitueraient qu’un «pansement». «L’insécurité qui se dégage toujours de ces textes ouvre la voie aux abus», redoute Marc Baum (déi Lénk). Il se veut toutefois proactif : «Le rôle de la Chambre est renforcé. Il revient désormais aux députés de continuer à améliorer les textes.»
«Le moins mauvais des choix»
En attendant, les textes adoptés dans la douleur, lundi, constitueraient «le moins mauvais des choix se présentant à nous», note Sven Clement (Parti pirate). «Sans ces lois, on serait retombé sous des textes datant de 1885 et 1980. Les lois Covid sont de loin imparfaites, mais constituent le moindre mal», conclut le jeune député.
Adoptées en fin de compte par les seuls députés de la majorité, les lois Covid vont rester en vigueur pour un mois. «Au maximum. Rien n’exclut que des amendements soient pris d’ici dix jours ou deux semaines», affirme le Premier ministre. La coalition, lâchée par l’opposition, renvoie aujourd’hui la balle dans le camp de la Chambre. «J’attends avec impatience les amendements du CSV», lance Georges Engel. «Soumettez-nous des textes convenables et nous allons les voter», contre-attaque Gilles Roth (CSV).
La Chambre des députés est clairement en déséquilibre au moment d’entamer la prochaine étape pour vaincre le coronavirus.
AFP