Le Conseil d’État ne cautionne pas l’intention du gouvernement d’offrir le repas de midi aux enfants fréquentant les maisons relais, le fondamental et les lycées. Des différences de traitement sont redoutées.
La décision a été annoncée le 12 octobre dernier lors de la déclaration du Premier ministre sur l’état de la Nation : «Nous souhaitons permettre à chaque enfant de bénéficier d’un repas chaud à l’heure du déjeuner. À l’avenir, nous allons donc offrir aux enfants issus de familles à revenus faibles ou modestes des repas gratuits à l’école primaire ou au lycée.»
Les calculs officiels font état d’une épargne de 846 euros pour un enfant qui mange tous les jours à l’école. La mesure doit entrer en vigueur dès le 1er janvier 2022.
La semaine dernière, le ministre Claude Meisch a précisé devant la commission parlementaire de l’Éducation nationale que 80 % des élèves du fondamental (quelque 46 800 enfants) et 20 % des lycéens (quelque 9 730 élèves) vont bénéficier de la gratuité des repas, qui sera également étendue aux maisons relais, éducation précoce (enfants de 3 à 4 ans) comprise.
Le plafond fixé par famille pour permettre aux enfants de bénéficier d’un repas gratuit a été fixé à quatre fois le salaire social minimum, soit un revenu d’environ 8 800 euros.
Dans son avis très critique, le Conseil d’État déplore que le gouvernement «reste muet quant aux raisons ayant amené les auteurs à prévoir dorénavant la gratuité du repas principal à des catégories de revenu ne relevant plus vraiment de situations de précarité et d’exclusion sociale».
D’une manière plus générale, les Sages redoutent des différences de traitement pouvant aller jusqu’à «se heurter au principe de l’égalité devant la loi», inscrite dans la Constitution.
Vers un blocage ?
Quel sera ainsi le traitement d’un enfant inscrit à la fois dans l’éducation précoce et dans une autre structure d’accueil (crèche, assistant parental…) ? Le repas sera-t-il gratuit, peu importe le lieu où il est servi ?
Si ce n’est pas le cas, une différence de traitement entre les enfants fréquentant le précoce et les autres est redoutée. La même question est posée quant aux places disponibles dans les maisons relais : «Les parents qui ont la chance de pouvoir se voir attribuer une place profitent de la gratuité des repas, alors que les autres (…) doivent subvenir aux frais des repas par leurs propres moyens.»
Dans le même ordre d’idées, l’avis souligne que l’«avantage financier n’est pas accordé aux familles dont les enfants viennent manger à la maison ou chez des connaissances, voire chez d’autres membres de la famille, comme les grands-parents».
Au vu de ces interrogations, restées sans réponse ni justification, le Conseil d’État menace de ne pas accorder la dispense du second vote constitutionnel de cette disposition. Le principe veut que le Parlement adopte les projets de loi en première lecture. Le deuxième vote, prévu dans la procédure législative, donne la plupart du temps lieu à une dispense.
En guise de compromis, le Conseil d’État suggère la rédaction d’un projet de loi spécifique sur l’introduction de la gratuité des repas pour enfants et élèves : «Les auteurs pourront alors notamment tenir compte du risque précité de non-respect du principe d’égalité devant la loi.» La réponse du gouvernement et de la Chambre fait encore défaut.
La CSL fustige
l’exclusion des frontaliers
À l’introduction de la gratuité des repas viendra s’ajouter dès la rentrée scolaire de 2022 la gratuité des maisons relais pendant les semaines d’écoles. Dans son avis sur le budget de l’État, la Chambre des salariés «salue ces initiatives».
Sans tarder, l’avis fustige néanmoins «que les frontaliers ne peuvent (pas) bénéficier de ces avantages». «Le message véhiculé est assez ambigu à l’encontre de ces travailleurs et dessert la cohésion sociale au sein de la Grande Région», déplore la CSL, qui fait encore remarquer que «le bien-être des résidents et des frontaliers devrait être le leitmotiv du gouvernement et non les économies au détriment des travailleurs provenant des pays voisins».
David Marques
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