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Luxembourg : les mesures politiques phares de la sortie de crise


Le prix des loyers ne pourront pas augmenter jusqu'à la fin de l'année (Photo d'archives : Didier Sylvestre).

La Chambre des députés a adopté jeudi dix projets de loi qui concernent la sortie de l’état de crise. La validation du gel des loyers jusque fin décembre et plus de flexibilité pour les mariages en font partie.

Le son de cloche pour clôturer la séance plénière est intervenu jeudi soir, peu avant 20 h, au bout de six heures de débats sur une large panoplie de projets de loi préparant la sortie de l’état de crise.

Le gel des loyers ancré jusqu’au 31 décembre

Semiray Ahmedova (déi gréng) résume assez bien le problème : «La crise sanitaire a eu un impact sur le revenu des ménages. Il serait fatal s’ils devaient subir une hausse des loyers.» Le gouvernement avait décidé assez tôt d’interdire toute hausse des loyers d’habitations privées jusqu’en fin d’année. Jeudi, la Chambre a validé à l’unanimité cette mesure. Mais, «la crise du logement va perdurer au-delà de la crise du Covid-19», fait remarquer Mars Di Bartolomeo (LSAP). L’élu socialiste rejoint Gilles Roth (CSV) dans la revendication de ne pas oublier les locataires de surfaces commerciales, mais aussi les futurs propriétaires.
«Le gel des loyers réduit de façon minime la misère du logement», fait remarquer David Wagner, qui reprend la revendication de la Chambre des salariés (CSL) de prolonger la mesure au-delà de cette année. «Cela pourrait nous permettre de compenser un peu la hausse exagérée des loyers.»
Le déguerpissement forcé reste lui interdit un mois de plus, soit jusque fin juillet.

Prolongation limitée des mariages hors mairies

Afin de pouvoir respecter les mesures sanitaires, le gouvernement avait décidé d’autoriser temporairement les communes à célébrer les mariages en dehors des murs de l’hôtel de ville. Sur injonction du Conseil d’État, la Chambre s’est limitée jeudi à prolonger cette mesure d’un seul mois. En fonction de l’évolution des restrictions sanitaires, une prolongation n’est pas exclue.
À terme, le gouvernement souhaite même généraliser le déménagement des cérémonies de mariages dans d’autres bâtiments qui sont détenus par les communes. «Le caractère solennel ne doit cependant pas être remis en cause», fait remarquer Gilles Roth (CSV). «Il n’est nullement dans nos intentions d’effectuer une ouverture généralisée pour permettre des cérémonies dans une piscine ou un lieu privé», rétorque la ministre de la Justice, Sam Tanson. L’objectif serait néanmoins de «rendre les cérémonies plus modernes», comme le souligne la ministre de l’Intérieur.
Taina Bofferding a profité du vote de jeudi pour livrer les premiers chiffres sur les demandes de dérogations introduites par les communes. Elles sont 24 à avoir fait la démarche lors des six dernières semaines. «Leur choix est tombé sur des centres culturels, mais aussi des halls sportifs, écoles, salles de théâtre, des maisons relais et des salles polyvalentes», détaille la ministre.

Le congé spécial reste en vigueur

Les députés ont adopté la prolongation jusqu’au 15 juillet du congé spécial pour raisons familiales. Il est désormais réservé aux parents d’enfants vulnérables et d’enfants âgés de moins de trois ans.
Le coût global pour l’État sera de quelque 300 millions d’euros. En mars, 39 500 parents ont bénéficié
du congé (21 000 femmes, 18 000 hommes). En avril, ils étaient encore 29 000 à en profiter. En mai, le chiffre a encore baissé de moitié.

Le recouvrement de nationalité prolongé

En 2019, quelque 5 000 personnes ont profité de la possibilité d’obtenir la nationalité luxembourgeoise par recouvrement. Ce sont notamment les descendants en ligne directe paternelle d’un ancêtre qui possédait la nationalité luxembourgeois au 1er janvier 1900 qui sont concernés. «Dans les jours ayant suivi le confinement, j’ai reçu des centaines de mails de personnes issues des États-Unis et de l’Amérique du Sud. Bon nombre d’entre elles voulaient profiter de la semaine de la fête nationale pour venir déposer leur demande en personne au Luxembourg», note Sam Tanson. Afin de permettre à ces futurs Luxembourgeois de finaliser leur procédure, la Chambre a validé la prolongation du délai de douze mois.

150 millions d’euros pour les aides de l’UE

En début de séance plénière, les députés ont adopté l’enveloppe que le Luxembourg va produire pour financer les mécanismes d’aides européens visant à atténuer les conséquences socio-économiques du Covid-19. Une garantie d’État de 150 millions d’euros a été accordée par la Chambre. Cette dernière prévoit une réserve de 40 millions d’euros.
Dans un premier temps, le soutien luxembourgeois sera de 110 millions d’euros, dont 77 millions d’euros qui vont intégrer le programme de chômage partiel, doté de 100 milliards d’euros. La seconde tranche de 33 millions d’euros sera mise à disposition du programme de prêts mis en place par la Banque européenne d’investissement (BEI), qui est lui doté de 200 milliards d’euros.

L’innovation soutenue sous réserves

Finalement, la Chambre a validé le maintien du régime d’aides pour soutenir les projets innovants liés à la recherche contre le Covid-19. «Cela concerne des entreprises qui ont adapté ou ajouté des lignes de production afin de produire notamment des masques ou des pièces pour appareils respiratoires. Mais des distilleries qui ont produit du gel hydroalcoolique peuvent aussi en bénéficier», résume André Bauler (DP).
Par le biais de Laurent Mosar, le CSV s’est une nouvelle fois plaint que la panoplie d’aides décidées par le gouvernement ne soit accessible qu’aux détenteurs d’une autorisation d’établissement. Or cette dernière n’est pas obligatoire pour tous les acteurs. «Cela est incompréhensible», martèle l’élu. L’ADR rejoint le CSV sur cette critique.
Pour déi Lénk, cette aide, qui est liée à la volonté de relocaliser des productions essentielles en Europe, reste douteuse. «Il s’agit d’une mesure désespérée qui ne résoudra en rien le problème des délocalisations, encouragées par une politique radicale de libre-échange», fustige Marc Baum.
Le ministre de l’Économie, Franz Fayot, n’a pas bronché. Mais il a présenté un premier bilan. Jusqu’à présent, les dossiers de douze entreprises ont été validés, dont cinq issus du secteur de la recherche ayant touché 800 000 euros et sept qui se sont vu rembourser des investissements à hauteur de 4,6 millions d’euros. Elles ont travaillé sur des tests, des procédures de décontamination, des ventilateurs, des masques et des visières. Une quinzaine d’autres dossiers sont en cours d’évaluation.

David Marques