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Luxembourg : les logements sociaux font cruellement défaut


Le Liser a invité différents acteurs du logements abordables à débattre, lundi soir (Photo : Isabella Finzi).

La pénurie de logements touche encore plus cruellement les logements subventionnés, qui ne représentent que 2 % du parc immobilier au Luxembourg. Des solutions existent pourtant, dont certaines ont pu être présentées lundi, lors d’une conférence organisée par le Liser à Belval.

Vivre au Luxembourg est un luxe que beaucoup ne peuvent se permettre. Tirés par une croissance démographique en hausse constante (+20 % d’habitants en huit ans), les prix du logement au Grand-Duché ne cessent d’augmenter «régulièrement et fortement depuis 2010, environ +4,7 % par an», comme l’a indiqué lundi soir Julien Licheron du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser), lors d’une table ronde organisée à Belval sur la thématique du logement abordable.

Face à une offre limitée (alors qu’arrivent environ 13 000 nouveaux individus chaque année au Luxembourg, seuls 2 700 logements en moyenne sont construits) et des prix exorbitants, les plus pauvres peinent à trouver un toit, d’autant que les logements sociaux – dits «subventionnés» ou «abordables», ne représentent que 2 % du parc immobilier. L’enjeu est d’autant plus important que cette pénurie nourrit l’autre grande problématique du Luxembourg, la question de la mobilité. «Dans d’autres pays, ce taux se situe entre 20 et 30 %!», rappelle Gilles Hempel, de l’Agence immobilière sociale (AIS). «La politique du logement devrait se concentrer uniquement sur la production massive de logement social, ce qui pourrait par ailleurs avoir un impact sur le marché privé», exhorte Gilles Hempel.
Plusieurs obstacles s’opposent néanmoins à ce développement. «Le principal facteur expliquant une construction limitée de logements, c’est le foncier, mais pas la rareté, souligne Julien Licheron. Plus de 2 700 hecares pourraient être utilisés pour construire des habitations – ce qui représente entre 50 000 et 80 000 logements! Le problème, c’est que 92 % de ces terrains appartiennent à des propriétaires privés (personnes physiques ou morales) et qu’il est très difficile de les récupérer.» D’autant que beaucoup ont tout intérêt à spéculer, la plus-value étant estimée en moyenne à 7 % par an.

L’autonomie communale en question
Autre défi de taille à relever pour favoriser le développement de logements sociaux : convaincre les communes de s’engager sur ce terrain. «Le problème, c’est qu’au Luxembourg, on a une énorme autonomie communale. De fait, cela dépend de leur volonté, pas seulement de celle de l’État», regrette Diane Dupont, première conseillère de gouvernement et présidente du Fonds du logement (FDL), le plus grand bailleur social du pays.
Un état de fait qui risque de perdurer car, comme le remarque Gilles Hempel, «la plupart des députés sont aussi maires, ils ne voteront donc pas en faveur d’un changement de la Constitution qui réduirait cette autonomie»!
Pourtant, des mesures existent pour inciter particuliers et administrations communales à louer des logements inoccupés ou construire des logements sociaux. Des mesures incitatives, d’une part : aide étatique permettant le financement d’un projet à hauteur de 50 à 100 % («On peut difficilement faire mieux!», souligne Diane Dupont), subventions étatiques pour la vente ou la location, exemption d’impôts sur la plus-value lorsqu’un bien est vendu à une commune… Et des mesures punitives, d’autre part, comme la taxe d’inoccupation. Yves Biwer, de la société de développement Agora, chargée de réhabiliter les anciens sites sidérurgiques du sud du Luxembourg, notamment le site de Belval (près de 120 hectares), cite en exemple les mesures prises à Belval : «Afin d’éviter la spéculation lorsqu’on achète un terrain, on est obligé de construire dans l’année qui suit. On favorise également l’autopromotion immobilière, qui permet de se passer des promoteurs.»
Densification, réduction voire suppression de l’autonomie communale, socialisation générale du foncier, taxes sur les plus-values et participation des fonds de compensation pour financer des projets immobiliers sociaux, travail commun avec la Grande Région : les solutions existent, mais quid d’une volonté et d’un courage politiques?

Tatiana Salvan

Une solution : les dents creuses

Afin de remédier – en partie – au manque de logements abordables, l’Agence immobilière sociale (AIS) envisage de transposer un principe qu’il applique déjà sur les logements inoccupés aux Baulücken (ou dents creuses), ces terrains non développés entre deux logements, qui représentent une surface de 1 000 hectares selon l’AIS.
«Au Luxembourg, les propriétaires de terrains n’ont aucune raison de vendre leur bien s’ils n’ont pas besoin d’argent, d’autant qu’en le gardant, ils font une plus-value de 7 % par an, explique Gilles Hempel, de l’AIS. Comme pour les logements inoccupés, on va donc proposer de louer ces terrains, sur lesquels on posera des habitations modulaires, facilement amovibles et transposables ailleurs le jour où le propriétaire voudra récupérer cette surface.»
Entièrement recyclables, ces modules de deux étages maximum seront semblables à des maisons d’architecte afin de s’intégrer au mieux parmi les habitations alentour, même si, comme le rappelle Gilles Hempel, «les pauvres aussi ont le droit d’habiter quelque part! Il n’y a pas d’exclusivité. Si les riches veulent vivre entre eux, qu’ils aillent à Monaco!»
Pour des raisons de coût (le transport des modules est simple mais coûte assez cher), la location du terrain s’étendra sur un minimum de cinq ans. «Bien sûr, c’est une aide temporaire. Je préfèrerais donner des logements stables à tout le monde, mais en attendant, c’est la meilleure solution.»