Le syndicat SEW-OGBL explique que les enseignants ont perdu toute confiance dans le ministère, qu’ils doutent des chiffres et qu’ils se sentent abandonnés.
«Les enseignants sont à bout.» Le président du syndicat d’enseignants SEW-OGBL, Patrick Arendt, lâche cette conclusion après avoir énuméré tout ce qui provoque chez eux ce mal-être en pleine pandémie. Trop de pression, d’incertitude, d’insécurité, pas assez de transparence, de soutien, d’écoute et surtout, plus aucune confiance dans le ministère.
«Nous sommes très contents que l’école se déroule en présentiel car l’école à distance ça marche seulement pour les bons élèves qui sont bien encadrés à la maison», déclare Patrick Arendt. Les autres ont beaucoup perdu et pour les enseignants il s’agit de rattraper le retard. La promesse du ministre Claude Meisch de les soutenir pour des cours d’appui en leur envoyant des renforts est restée lettre morte.
Chez les élèves, dégâts du confinement
Les enseignants du fondamental veulent se consacrer entièrement à leurs élèves chez qui les dégâts du confinement se mesurent au quotidien. «Ils ont beaucoup perdu», constate le président du syndicat qui observe que la plupart des élèves font du surplace en période d’enseignement à distance. «Quand on entend le ministre dire à la rentrée de janvier que cela avait très bien fonctionné, on sait que dans la réalité il n’en est rien», témoigne Patrick Arendt.
Les enseignants pensaient qu’après le premier confinement et ses conséquences pour la communauté scolaire, le ministère allait préparer un plan pour l’enseignement à distance, doté qu’il est de tant d’experts, comme le précise Patrick Arendt. Là encore, l’espoir fut vain. «Nous n’avons rien, pas de plan, nous sommes livrés à nous-mêmes, prévenus à la dernière minute que l’école va fermer», explique-t-il.
Les instits qui triment à réparer les pots cassés aimeraient que le ministère se préoccupe de leur sort. Pour l’instant, ils s’organisent seuls, attendent les appuis qui ne viennent pas, selon le SEW, et sont en plus sollicités pour préparer le plan de développement scolaire de l’établissement pour les trois prochaines années qui doit succéder à l’ancien venu à échéance en pleine pandémie. Le syndicat plaide pour qu’il soit simplement mis de côté et que le ministre se concentre sur les priorités.
Dans la même veine, les écoliers qui doivent préparer leur entrée au lycée sont déjà suffisamment sous pression mais encore doivent-ils préparer les épreuves pour leur orientation. «Là aussi, il faudrait laisser tomber pour cette année afin de nous concentrer sur le gros retard que nous avons à rattraper», suggère le syndicaliste. Après tout, cela a fonctionné l’année dernière et les écoliers se sont quand même retrouvés lycéens. Surtout, personne n’est à l’abri d’un nouveau confinement d’ici mars. «Il y a peut-être un vaccin, mais la pandémie n’est pas terminée», rappelle Patrick Arendt.
Confiance perdue
Il n’y a pas que les enseignants qui se plaignent, les parents aussi qui commencent à s’organiser sur les réseaux sociaux. Car le gros souci qui se pose pour eux, c’est de vivre aussi dans l’incertitude et l’inquiétude car l’école reste, qu’on le veuille ou non, un lieu où le risque d’infection est grand quand on sait que les enfants sont souvent asymptomatiques mais contagieux. Les enseignants et les écoliers sont en fait les plus exposés.
Selon Patrick Arendt, parents et enseignants souhaiteraient disposer d’un plan qui prépare à toute éventualité pendant cette pandémie. Ils aimeraient savoir à partir de quel seuil il faut fermer l’école indépendamment, de la fermeture des commerces. «Quand les magasins ferment l’école ferme aussi, c’est ça?», questionne ironiquement le président. S’il y a un risque de fermeture, les instits aimeraient pouvoir anticiper et préparer avec les élèves le passage à l’enseignement à distance.
Il plaide pour un plan qui indique exactement la marche à suivre. Il existe pourtant différents scénarios préparés par le ministère mais c’est beau sur le papier, visiblement, car dans la pratique il y a pas mal de ratés, selon le syndicat, à commencer par le traçage des contacts, selon eux.
Et la santé ?
«Les enseignants aimeraient que l’on s’occupe de leur santé», déclare le président du SEW. Ils ne croient pas aux statistiques, savent que le virus s’attrape à l’école quoi qu’on dise et qu’eux travaillent sans masque dans des classes qui ne sont pas toujours aérées comme elles le devraient. «Les enfants ne respectent pas toujours les mesures, ils se lèvent en oubliant leur masque, la distance», raconte Patrick Arendt. Le syndicat réclame des équipements pour assurer une aération nécessaire dans les classes mais ont l’impression que personne ne les entend.
«Les deux dernières semaines avant les vacances de Noël, il y a eu beaucoup de cas dans les écoles et on a vécu des situations tendues. Les vacances sont arrivées comme un confinement en fait», estime le président. Un peu au hasard, mais il a bien fait les choses.
Le SEW parle de confiance rompue avec le ministère et de manque de respect par rapport à leur métier et à leur santé.
«Nous voulons la création d’une cellule de crise entre le ministère, les parents d’élèves et les syndicats et pas une réunion tous les trois mois», conclut Patrick Arendt.
En attendant, les enseignants du fondamental ont l’impression de ne plus être écoutés.
Geneviève Montaigu