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Luxembourg : le recours collectif sera une réalité mi-2021


En l'absence d'un mécanisme de recours collectif, les clients luxembourgeois lésés par Volkswagen ont connu toutes les peines du monde à attaquer le géant de l'automobile en justice. (Photo : archives LQ)

La ministre Paulette Lenert a présenté jeudi à la Chambre son projet de loi sur les recours collectifs. L’ULC redoute que cet instrument, longuement attendu, reste «lettre morte».

Le Luxembourg est aujourd’hui un des neuf pays de l’Union européenne à ne pas encore disposer de mécanisme de recours collectif. Lancés en 2018, les travaux préparatoires se sont accélérés avec la création, fin 2018, du ministère de la Protection des consommateurs. Un texte de loi a été déposé le 14 août dernier. Jeudi, Paulette Lenert, toujours très prise par la gestion de la crise sanitaire, est venue présenter aux députés les contours de sa première grande entreprise dans sa fonction de ministre de la Protection des consommateurs. Aussi bien la majorité que l’opposition ont salué le texte, qui va permettre au Grand-Duché de suivre l’exemple de ses pays voisins déjà dotés d’un instrument de recours collectif.

«L’objectif (…) est de créer un accès efficace à la justice dans l’hypothèse particulière où le manquement d’un professionnel engendre un préjudice de masse», peut-on lire dans l’exposé des motifs du projet de loi. Un des exemples les plus marquants d’un tel préjudice est le Dieselgate révélé à l’automne 2015. En l’absence d’un mécanisme de recours collectif, les clients luxembourgeois lésés par Volkswagen ont connu toutes les peines du monde à attaquer le géant de l’automobile en justice.

Il est en outre souligné dans l’exposé des motifs que «le gouvernement est convaincu que l’introduction du recours collectif contribue à une démocratisation de la justice car elle vise à faciliter l’exercice des droits des consommateurs. En effet, les procédures actuelles créent fréquemment une disproportion rédhibitoire pour les consommateurs entre les coûts de l’action en justice et les sommes en jeu.»

Des amendements ne sont pas exclus

L’Union européenne a réagi à son tour. Une directive sur les recours collectifs doit être finalisée d’ici janvier 2021. Dans un communiqué diffusé jeudi, la fraction parlementaire du LSAP salue le fait que la ministre Lenert n’ait pas attendu la présentation de la directive pour agir. Une mise en œuvre rapide de la future loi est ainsi possible. En principe, le recours collectif deviendra réalité mi-2021.

L’Union luxembourgeois des consommateurs (ULC), qui s’est longuement battue pour obtenir un mécanisme de recours collectif, se dit moins enthousiaste. Dans un premier avis, elle dénonce le fait que «le gouvernement se soucie davantage de la réputation des entreprises incriminées que de l’information la plus ample et la plus tôt possible des consommateurs potentiellement concernés». Une longue liste d’incohérences est listée par l’ULC, qui estime que «cette loi risquera de rester lettre morte et de n’être utilisée que très sporadiquement». Face aux députés, la ministre de la Protection des consommateurs a indirectement répondu aux reproches formulés par l’ULC. Selon le compte rendu publié sur le site de la Chambre, la ministre a indiqué que le projet national de recours collectif «prévoit un maximum de sécurité pour les entreprises afin de les protéger contre d’éventuels dégâts à l’image. La version luxembourgeoise pourrait être trop « sévère » par rapport à la directive européenne.» Des amendements gouvernementaux ne seraient donc pas à exclure.

Sur un autre point, le texte luxembourgeois fera un pas de plus. Les consommateurs ne seront ainsi pas obligés de passer par un intermédiaire (une association ou une organisation comme l’ULC) pour introduire leur recours (lire ci-dessous).

Nommée rapportrice du projet de loi, Tess Burton (LSAP) met en avant la médiation extrajudiciaire. Cette étape sera obligatoire avant toute ouverture de procès. «Le plus important est que le consommateur puisse être aidé au plus vite. Une médiation peut être positive pour les deux côtés», souligne la députée. La balle se trouve désormais dans le camp du Conseil d’État.

David Marques

Qui pourra faire quoi ?

Le projet de loi se limite à la protection des consommateurs au sens large. La notion inclut le voyageur, le passager, l’utilisateur, le client, le patient et les «personnes concernées». L’ULC juge «opportun d’ajouter expressément» que le locataire est, lui aussi, couvert par la future loi. Comme indiqué ci-dessus, le consommateur ne sera pas obligé de passer par une association pour porter plainte. Par contre, les organismes tels que l’ULC peuvent également introduire un recours collectif. Les «entités régulatrices sectorielles» comme l’ILR (Institut luxembourgeois de la régulation), la CSSF (Commission de surveillance du secteur financier) ou l’Ilnas (Institut luxembourgeois de la normalisation, de l’accréditation, de la sécurité et qualité des produits et services) pourront en faire de même.