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Luxembourg : le plan climat peine à convaincre


La ministre de l'Environnement Carole Diechbourg s'est vu refuser par la Chambre des députés le large soutien espéré (Photo : Alain Rischard).

Le gouvernement n’a pas reçu, jeudi à la Chambre, le large soutien recherché pour son plan climat. Même la majorité a fait voter une motion pour réclamer plus de concret.

Une synthèse d’une trentaine de pages a constitué la base pour le débat de consultation sur le plan Énergie-Climat qu’a mené jeudi la Chambre des députés. Le fait que la stratégie du gouvernement «pour relever le plus grand défi de l’humanité» (Carole Dieschbourg, ministre déi gréng) soit encore si sommaire a provoqué l’indignation de l’opposition. L’occasion n’a pas été ratée de reprocher à la coalition de «se contenter de punir les gens» (Gilles Roth, CSV) avec un «plan bricolé avec des miettes» (David Wagner, déi Lénk), reposant sur un «compromis à deux balles» (Marc Goergen, Parti pirate) et qui plus est qui «correspond à du terrorisme écologique et du totalitarisme» (Fernand Kartheiser, ADR).
Les mots sont durs et on est loin du «large consensus» recherché en début de débat par les ministres de l’Environnement et de l’Énergie. «On a toujours été capable au Luxembourg de trouver un consensus pour aborder d’une manière responsable les grands défis auxquels on doit faire face», a notamment souligné Carole Dieschbourg. Le «courage du gouvernement» pour s’attaquer à l’urgence climatique, vanté par Claude Turmes, n’a pas été applaudi, y compris par les partis de la majorité. Si Max Hahn (DP) a assuré le «soutien» de son parti «pour rassembler les pièces de puzzle nécessaires à la transposition concrète du plan», Georges Engel (LSAP) s’est montré bien plus critique. «Je suppose que le gouvernement dispose déjà d’estimations sur l’impact des mesures envisagées. La synthèse livrée à la Chambre ne comprend pas de détails à ce sujet. Pour tout dire, j’aurais aussi préféré obtenir plus de précisions en amont de ce débat», a notamment lancé le futur chef de la fraction socialiste, tout en ajoutant que cela «n’est pas grave si tout cela prend plus de temps. Mais si on veut un large soutien pour le plan climat, il nous faut de la transparence».

«On refuse d’acheter un chat dans un sac»

François Benoy (déi gréng) a bien déclaré «le début de la fin de l’ère des énergies fossiles» après avoir dressé l’image d’un Luxembourg zéro carbone en 2050. «On s’est fixé des objectifs ambitieux. Il nous faut désormais nous donner les moyens nécessaires pour les atteindre», a insisté le député en louant l’introduction du principe pollueur-payeur. Mais malgré son élan, François Benoy a introduit au nom des trois partis de la majorité, une motion appelant le gouvernement à «finaliser au plus vite et d’implémenter dans les meilleurs délais» les mesures qu’il reste à détailler et quantifier. Tard jeudi soir, cette motion a été adoptée par les seules 31 voix de la coalition gouvernementale (DP-LSAP-déi gréng). «La motion comprend des idées intéressantes. Mais vu le manque de détails, on refuse d’acheter un chat dans un sac», est venue expliquer Martine Hansen (CSV).

Claude Wiseler (CSV) est prêt à soutenir le gouvernement dans son plan. Encore faut-il des lignes claires (Photo : Alain Rischard).

Claude Wiseler (CSV) est prêt à soutenir le gouvernement dans son plan. Encore faut-il des lignes claires (Photo : Alain Rischard).

Le principal parti d’opposition a adopté deux visages lors de ce débat de consultation. Tout d’abord, Claude Wiseler a souligné que le camp chrétien-social est prêt à soutenir le gouvernement pour atteindre ses objectifs ambitieux, dont la réduction de 55 % des émissions de CO2 d’ici 2030, la production de 25 % d’énergies renouvelables et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. «Il est beau d’avoir des ambitions à long terme, mais il est encore mieux de savoir comment remplir ces objectifs», résume le député, qui parle de «bluff» de la part de la coalition. Il est revenu à Gilles Roth (CSV) de fustiger la taxe carbone et la hausse des accises déjà décidées, là ou Claude Wiseler s’est montré plus nuancé.
Aucune nuance n’était de mise dans le camp de l’ADR. Fernand Kartheiser a non seulement mis en doute la part de l’homme dans le réchauffement climatique, mais aussi carrément reproché au gouvernement de se rendre coupable de «populisme écologique» ayant pour seul but «de forcer la population à un changement de paradigme».
Déi Lénk et son député David Wagner ont tenu à dénoncer la promotion d’une place financière verte. «Cela ne sera jamais le cas. Le seul objectif est de redorer le blason du secteur financier», clame le député, également très remonté contre les investissements du Fonds de pension dans les énergies fossiles. «Ce capital devrait être employé pour investir dans la transition écologique», lance David Wagner.
Largement fustigée par déi Lénk, mais aussi l’ADR, la taxe carbone est plus appréciée par le Parti pirate. «Or lorsque le gouvernement doit prendre des mesures concrètes, il se montre trop peu ambitieux», fustige Marc Goergen. Le député estime qu’une taxe de 20 euros par tonne de CO2 est trop basse. Il renvoie vers des recommandations scientifiques évoquant une taxe minimale de 70 euros. En Suède, cette taxe est même de 115 euros.
Le chemin vers la neutralité climatique reste semé d’embûches.

David Marques

Le retard du Luxembourg

Claude Wiseler (CSV) n’a pas hésité à dénoncer jeudi le fait que le Luxembourg reste à la traîne pour atteindre ses objectifs climatiques intermédiaires fixées à 2020. «Notre courbe des émissions démontre que nos mesures ne vont pas encore assez loin. Depuis 2016, les émissions repartent à la hausse. La prochaine décennie doit devenir celle du climat», rétorque François Benoy (déi gréng). Les chiffres font cependant tache :
• Émissions de CO2 : -17 % (-20 % visés)
• Énergies renouvelables : 7 % (11 % visés)
• Voitures électriques : 2 120 (fin novembre), 40 000 visées

LED, photovoltaïque, rénovations, accises…

Les panneaux solaires vont être promus comme jamais (Photo : Julien Garroy).

Les panneaux solaires vont être promus (Photo : Julien Garroy).

›L’État veut montrer l’exemple en concrétisant à court terme les mesures suivantes : une stratégie zéro déchet et antigaspillage dans les administrations et cantines publiques, le passage aux LED pour éclairer l’espace public ou encore des installations photovoltaïques pour un grand nombre de bâtiments publics. Selon Gilles Roth (CSV), des lourdeurs administratives freinent cependant les communes à concrétiser des projets.

›Pour rester dans le photovoltaïque, l’État veut encourager les gens à investir dans cette technologie. Plus de 100 initiatives citoyennes ont déjà été lancées. Ce genre de coopérative doit cependant être créé par au moins sept personnes. Jeudi, le CSV a plaidé pour ouvrir l’énergie éolienne aussi aux individus.

›Afin de rendre les habitations plus efficientes en termes de consommation d’énergie, l’État prévoit de soutenir les ménages afin de rénover les maisons concernées. L’isolation est un moyen parmi d’autres pour avancer vers une maison zéro carbone. Éradiquer les anciens chauffages fonctionnant au mazout ou avec du gaz en est un autre. Une stratégie pour les remplacer doit être présentée d’ici l’été 2020.

›Au niveau de la mobilité, le ministre Claude Turmes a admis que le parc de voitures risque de ne pas rétrécir de manière substantielle. La priorité est donc d’inciter les automobilistes à opter pour un véhicule à faible ou zéro émissions. Des primes doivent constituer la base pour acheter une voiture électrique ou une autre alternative. Claude Turmes songe désormais aussi à l’hydrogène. L’installation d’une première station de recharge a été annoncée jeudi. Par contre, les bornes électriques connaissent un retard, comme l’a rappelé Claude Wiseler (CSV) : 800 étaient prévues pour 2020, 290 ont jusqu’à présent été installées.

›Comme cela a déjà été annoncé, une taxe carbone de 20 euros par tonne de CO2 sera introduite dès 2021, accompagnée de mesures de compensation sociales. En parallèle, les accises sur le carburant augmenteront dès le premier semestre 2020 de 3 à 5 centimes par litre. Déi Lénk redoute que la taxe fasse augmenter de 200 euros par an la facture des ménages se chauffant au mazout. De 50 à 200 euros pour le carburant de la voiture pourraient s’y ajouter.

L’agriculture, victime et actrice

Le secteur agricole représente entre 6 et 7 % des émissions de CO2 du Luxembourg. Cela n’empêche pas que «des grands défis attendent l’agriculture», comme le souligne le ministre de tutelle. Les effets du changement climatique se font déjà ressentir. «Des températures au-delà des 40 °C, des périodes de sécheresse ou encore de fortes pluies menacent les récoltes», souligne encore Romain Schneider.
Si elle est victime, l’agriculture se dit prête à être aussi un acteur pour lutter contre le réchauffement climatique. Du côté du gouvernement, sept pistes ont été établies et restent à affiner. On y retrouve des efforts pour produire davantage de gaz bio, passer à 20 % d’agriculture biologique et promouvoir la consommation responsable de produits locaux, nationaux et régionaux.
«La priorité absolue doit être de continuer à assurer une production correspondant aux besoins en aliments. La lutte contre le changement climatique ne doit pas impacter cela», insiste de son côté Martine Hansen (CSV). Elle plaide pour le développement du principe circulaire dans l’agriculture. Le méthane est un exemple pour le transformer en bio gaz. «La production pourrait être doublée pour épargner 150 000 tonnes de CO2», affirme la cheffe de fraction du CSV.
«Il serait trop simpliste de réduire le nombre de bétails pour diminuer les émissions de CO2», met-elle en garde. Martine Hansen a aussi souligné l’important potentiel de l’agriculture et de la sylviculture pour stocker du CO2.

3 plusieurs commentaires

  1. On se demande bien pourquoi visiblement le biogaz et la production électrique par mini-centrales hydroélectriques ne sont pas une priorité. Pourtant le potentiel est important.

  2. Superbe Maison

    Encore ce plan climat-vite appelons GRETA!
    MDR!

  3. Cce « plus grand défi pour l’humanité » est, heureusement pour nous, une vaste fumisterie. Il est regrettable que les politiciens ne lisent pas plus tous les scientifiques, et non des moindres, qui émettent des doutes plus que sérieux sur les conclusions -politiques- du GIEC.
    Le climat de la terre a toujours évolué entre petits plus comme maintenant et grands moins comme lors des glaciations précédentes et cela continuera encore quelques milliards d’années, avant que le soleil ne s’éteigne, faute de carburant (l’hydrogène).