Adoptée ce jeudi 10 février à une écrasante majorité (54 oui), la loi sur la protection du patrimoine culturel a d’abord généré quelques craintes, vite gommées par des évolutions au fil de la procédure.
Pour faire tout l’inventaire du patrimoine à protéger sur le territoire national, selon des critères scientifiques, il faudra compter une dizaine d’années. En attendant, la majorité des communes ont déjà élaboré leur propre catalogue dans la refonte de leur PAG.
Les propriétaires privés désireux d’effectuer des travaux de transformation de leur immeuble classé sur le plan communal doivent solliciter une autorisation auprès du ministère de la Culture.
C’est le fameux «filet de sécurité» qui laisse le temps aux experts de faire le tour du patrimoine sans perdre les immeubles d’une grande valeur patrimoniale durant la mise en œuvre du nouveau régime de protection.
Les effectifs du Service des sites et monuments nationaux (SSMN) ont été renforcés et «continueront de l’être», assure la rapporteuse du projet de loi, Djuna Bernard (déi gréng), présidente de la commission des Affaires culturelles qui a présenté le volumineux dossier. D’ailleurs, le service sera transformé en Institut national du patrimoine architectural (INPA), cela fait partie des nouveautés.
Pour protéger cet héritage, la nouvelle loi poursuit un triple objectif. D’abord, il s’agit de regrouper en un seul texte les dispositions relatives au patrimoine culturel, qu’il soit architectural, archéologique, mobilier ou immatériel, comme la Schueberfouer ou l’Emaischen. Ensuite, la loi permet au Luxembourg de se mettre en règle avec les textes internationaux qu’il a ratifiés. Enfin, elle modernise certaines règles qui régissent la matière.
Une des nouveautés concerne la définition même du patrimoine qui englobe non seulement les réalisations architecturales et les sites, mais aussi les ensembles architecturaux. Une notion qui n’était pas encore ancrée dans la loi, mais consacrée par la jurisprudence des tribunaux administratifs.
Changement de paradigme en ce qui concerne la procédure de classement. Auparavant, les immeubles étaient protégés un par un par un arrêté du ministre ou du Conseil de gouvernement. Dorénavant, le classement comme patrimoine culturel national du patrimoine architectural et la création de secteurs protégés se feront par le biais de règlements grand-ducaux commune par commune sur base de l’inventaire scientifique effectué.
Rien de figé
La loi protège aussi les traditions et il n’y a pas que la Schueberfouer ou l’Emaischen. La ministre de la Culture, Sam Tanson, a redit jeudi à la tribune de la Chambre des députés que rien n’est figé et que les listes évolueront au fil du temps. Les savoir-faire se retrouvent aussi sauvegardés.
Cette loi génère aussi son lot de craintes. À vouloir trop protéger le patrimoine, les communes risquent aussi de se retrouver paralyser dans leurs projets de développement. Elles craignent que cette protection soit placée au-dessus de tout et ne tienne guère compte de leurs autres obligations ou objectifs politiques.
Évidement, elles pensent d’abord aux logements et aux infrastructures. Il ne s’agit pas, cependant, d’interdire de façon catégorique toute modification ou démolition d’éléments du patrimoine culturel national, mais le ministère de la Culture devra les autoriser.
Les propriétaires qui se voyaient déjà lésés et ligotés par cette loi auront la possibilité d’effectuer des adaptations en vue d’une utilisation des immeubles. En résumé, la loi n’est pas incompatible avec la création de logements en particulier.
Dans le domaine du patrimoine archéologique, il y a eu des grincements de dents. Avec la consécration du principe de l’archéologie préventive, les démarches de protection seront désormais possibles dès la phase de planification de travaux de construction. Pour les auteurs de la loi, cette nouveauté évitera «des arrêts de chantier coûteux et imprévisibles».
Après un tollé provoqué par le partage des frais initialement prévu, l’État prendra à sa charge les fouilles archéologiques nécessaires.
Plutôt national ou communal ?
Selon l’appréciation du SSMN, le patrimoine bâti a été protégé convenablement par 49 communes sur 58 ayant refait leur PAG. En effet, les communes comptent parmi les bénéficiaires d’une telle refonte du cadre législatif dans la mesure où elles sont aussi propriétaires d’éléments du patrimoine présentant un intérêt national de protection.
Ainsi, selon les estimations du SSMN, il existe au Luxembourg environ 27 000 bâtiments dignes de protection au niveau communal, alors que pour le niveau national, le nombre se situe à quelque 5 000. À titre d’exemple, à Larochette, 67 objets ont été identifiés comme ayant un intérêt national de protection, alors que la commune en protège 217 dans son PAG.
La protection nationale vise la conservation et la transmission aux générations futures d’éléments nationalement significatifs du patrimoine alors que la protection communale relève plus directement d’une volonté de développement harmonieux de l’urbanisme et du cadre rural, selon les experts. Le degré de protection n’est pas le même, les PAG étant régulièrement revisités.