Alors qu’une éventuelle reprise de la pandémie de Covid-19 à la rentrée inquiète, Le Quotidien a fait le point sur la situation actuelle au Luxembourg avec le directeur de la Santé, Jean-Claude Schmit.
Le nombre des nouvelles infections était en baisse la semaine passée. Est-ce dû à un nombre moins important de tests réalisés ou le virus du Covid-19 est-il en recul au sein de la population ?
Jean-Claude Schmit : Les chiffres connaissent une légère baisse, effectivement, mais elle n’est pas liée à un recul du nombre de tests. Nous continuons à beaucoup tester la population. Il est important de rappeler que le nombre de tests effectués sur des personnes présentant des symptômes du Covid-19 ou placées en quarantaine après avoir été en contact avec des personnes à risque reste le même. Les tests réalisés dans le cadre des large scale testing, par contre, sont moins nombreux.
Peut-on parler d’une tendance baissière ?
On peut parler d’une tendance positive qui progresse lentement – la baisse n’est pas spectaculaire. La ministre de la Santé, Paulette Lenert, a indiqué ce mardi lors d’une réunion de la commission parlementaire de la Santé que la situation reste tendue, mais qu’elle est en train de se stabiliser. La population respecte un peu mieux les mesures sanitaires et les restrictions mises en place.
La moyenne d’âge des personnes atteintes est de 36 ans.
Il s’agit de la tranche de la population la plus exposée en ce moment et ce, pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elle accepte de prendre plus de risques. La situation actuelle par rapport à la première vague est totalement différente. Lors de la première vague, cette tranche d’âge de la population était confinée chez elle et pour la plupart ne travaillait pas. Aujourd’hui, ces personnes retravaillent et ont donc de fait, plus de contacts avec des porteurs potentiels du virus. Elles peuvent ramener le virus au sein de leur foyer et contaminer leurs proches. Le risque de contamination existe également sur les lieux de travail, de même que lors d’activités de loisirs au sens large.
Notre système est basé sur la motivation des citoyens
Comme les vacances. Comment comptez-vous gérer le retour de vacances des Luxembourgeois ?
Il faut commencer par souligner que les vacanciers ne vont pas obligatoirement attraper le Covid-19 sur leur lieu de vacances. Comme ici au Luxembourg, tout dépend de leur comportement et de leur respect des mesures de distanciation sociale. Contracter le Covid n’est pas une fatalité, mais dépend du sens des responsabilités de chacun. Nous avons conscience qu’un certain nombre de Luxembourgeois vont le contracter, c’est pourquoi nous allons mettre en place un programme de tests pour les personnes qui reviennent de vacances. La possibilité de faire un test est déjà donnée aux vacanciers dès la descente d’avion au Findel. La ministre de la Santé va dévoiler les modalités de ce programme cet après-midi. Des mesures vont également être mises en place pour les salariés de certains secteurs davantage exposés au risque d’être contaminé.
Jusqu’à présent, seul un tiers de la population luxembourgeoise s’est prêté à un test de dépistage. Ce n’est pas énorme.
C’est déjà beaucoup par rapport à nos pays voisins. Notre système est basé sur la motivation des citoyens. Nous ne voulons pas les y obliger. Nous sommes d’avis que nous vivons en démocratie et qu’il faut les motiver à faire ces tests en leur expliquant pourquoi ils sont si importants. De plus, l’engouement pour le test fluctue avec le nombre de nouvelles infections. Quand nous n’en avions pratiquement plus, après la première vague, les citoyens ont cru être tirés d’affaire et ont perdu la motivation à aller se faire tester. La motivation est revenue avec l’arrivée de la deuxième vague. Le nombre de tests risque d’augmenter à l’automne quand les premiers symptômes de refroidissement ou de maladies saisonnières réapparaîtront.
La Russie a annoncé cette semaine avoir développé un vaccin contre le Covid-19. Le Luxembourg pourrait-il se montrer intéressé pour en acquérir ?
Nous n’avons que très peu d’informations à son sujet à ce stade. A priori, cela pourrait être une bonne nouvelle, mais pour le moment, ce vaccin n’est pas une option pour le Luxembourg. Nous ne pouvons utiliser un vaccin que si nous en connaissons la nature et la composition, ainsi que la manière dont il a été testé pour pouvoir être mis sur le marché. Les règles européennes en la matière sont très strictes. La période de test effectuée par les scientifiques russes a été très courte, ce qui limite les chances de ce vaccin d’arriver sur le marché européen. Mais cela peut changer si les Russes nous donnent des données supplémentaires sur sa composition et poursuivent les études cliniques qui permettront de prouver son efficacité et sa sécurité. Pour le moment, c’est trop tôt. Les Russes n’ont d’ailleurs pas encore effectué de démarches pour obtenir une autorisation de mise sur le marché européen. De plus, rien n’indique de ce qu’ils souhaitent faire de ce vaccin et des quantités qui seront produites.
Quelle serait la stratégie de vaccination du Luxembourg, le cas échéant ?
Le Luxembourg participe à l’effort européen de négociation avec l’industrie pharmaceutique dans le cadre de la Commission européenne. Le 31 juillet, un premier préaccord a été trouvé avec GSK-Sanofi pour la fourniture de doses d’un éventuel vaccin. Des discussions sont également en cours avec d’autres entreprises. Ces discussions doivent garantir un certain pourcentage de vaccins aux pays européens dont le Luxembourg. Si tel est le cas, il faudra réfléchir à la manière de les distribuer au sein de la population. Je pense que nous commencerions par vacciner les personnes vulnérables, c’est-à-dire celles chez qui le Covid pourrait entraîner des complications, voire des décès. Ensuite, si nous obtenons suffisamment de vaccins, nous pourrons nous interroger sur l’opportunité de vacciner ou non la population dans son ensemble dans l’idée de faire disparaître le virus de la surface du globe. Nous n’avons pas encore abordé les modalités pratiques d’un tel plan de vaccination, mais je suppose que le gouvernement luxembourgeois le prendrait en charge.
Entretien avec Sophie Kieffer