Depuis les années 90, le Luxembourg propose une formation supérieure bac+2 que la fonction publique ne reconnaît pas dans sa grille salariale. Le ministre fait une ouverture.
Oui, cela peut s’apparenter à une aberration. Le Luxembourg, qui offre une trentaine de formations pour décrocher un brevet de technicien supérieur (BTS), soit un bac+2, ne reconnaît pas la valeur de ce diplôme dans la grille salariale de la fonction publique. La pétition introduite par Sarah Volz a récolté le nombre de signatures suffisant, environ 4 600, pour ouvrir un débat à la Chambre des députés.
Entre le bac, le bachelor et le master, il y aurait une petite place pour la reconnaissance du BTS, estiment les pétitionnaires qui suggèrent de créer une carrière A3, qui serait insérée entre les actuelles carrières A2 (bachelor) et B1 (diplôme de fin d’études secondaires). Une revendication tout à fait légitime, puisque cette formation supérieure existe au Luxembourg.
Le problème est qu’elle n’était visiblement pas destinée au secteur public, à en croire les chiffres. Depuis la création du BTS dans les années 90, la majorité des quelque 3 600 techniciens supérieurs diplômés du pays travaillent dans le secteur privé, qui reconnaît autrement la valeur de ce diplôme.
Il est en revanche impossible de dire combien de titulaires d’un BTS travaillent dans la fonction publique actuellement, le ministre n’a aucune donnée.
Les députés ont décrété mercredi, unanimement, que la fonction publique devait combler cette lacune. Cependant, Sarah Volz et ses soutiens devront patienter. Il a été convenu avec les partenaires sociaux lors du dernier accord salarial de la fonction publique qu’aucune revendication ne devra intervenir jusqu’en décembre 2022. Le ministre de tutelle Marc Hansen a été très clair sur ce point. Il n’a pas écarté pour autant la possibilité du versement d’une prime pour compenser l’écart qui persiste entre une carrière de niveau bac à laquelle les BTS sont assimilés et une carrière de bachelor (bac+3).
Les pétitionnaires estiment que le BTS se situe aux deux tiers du chemin, plus proche en matière de salaire du bachelor que du bac. Ce système de prime existe déjà pour les titulaires d’un doctorat, qui ne figure pas non plus dans la grille salariale et il a l’avantage de simplifier les choses. Techniquement, il est plus difficile de créer un nouvel échelon A3, selon Marc Hansen.
Quel avenir pour le bac+2 ?
Alors que le gouvernement serait prêt aujourd’hui à reconnaître le BTS dans sa grille salariale, la question de son avenir se pose aussi clairement. Parmi les députés, Simone Asselborn-Bintz (LSAP) a pu témoigner du cas de son fils qui, après un BTS, a complété son cursus d’un bachelor «pour avoir une meilleure carrière». Ce que beaucoup d’autres ont dû faire en constatant que leurs deux années d’études supérieures ne leur serviraient à rien dans la fonction publique. Le responsable des BTS à l’École de commerce et de gestion (ECG), Frank Krier, a confirmé que la moitié des diplômés poursuivaient leurs études en rattrapant un bachelor.
C’est André Bauler (DP) qui s’est demandé s’il n’était pas opportun de porter le BTS à trois ans en assurant une continuité dans le lycée qui dispense l’enseignement. Cette question apparaît légitime quand on observe ce qui se passe chez nos voisins français, qui proposent également nombre de BTS mais aussi de DUT (diplôme universitaire de technologie, un autre bac+2).
Les choses vont changer à la rentrée prochaine. À partir de septembre, les étudiants des 114 IUT de France prépareront un bachelor universitaire de technologie (BUT), qui conserve les mêmes caractéristiques, les mêmes filières et objectifs, mais se déroule sur trois années. Même constat pour les BTS. La réforme LMD, pour licence-master-doctorat, incite les titulaires de BTS à poursuivre leurs études, notamment jusqu’en licence professionnelle.
Geneviève Montaigu
Une révision générale des traitements
Que pense la CGFP, le puissant syndicat de la fonction publique, de la reconnaissance du BTS dans la grille salariale? «Pour l’instant, la CGFP est d’accord avec l’idée d’introduire une prime, mais nous pensons que la reconnaissance du BTS, soit un bac+2, doit se faire dans le cadre d’une révision générale des traitements», nous répond Max Lemmer, attaché de presse.
Le ministre de la Fonction publique, Marc Hansen, peut déjà accorder une prime aux BTS, car ce n’est pas l’accord salarial de mars dernier qui l’en empêche. «La CGFP n’a jamais conclu un accord interdisant l’introduction de nouvelles primes», affirme Max Lemmer.