Le ministère de la Sécurité intérieure, le ministre Henri Kox lui-même, la porte-parole ? Qui est derrière l’ordre adressé à Reporter de supprimer un article de son site ? L’affaire devient politique.
Deux questions parlementaires sur le même sujet et très embarrassantes pour le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox (déi gréng). Elles se réfèrent à un article du magazine en ligne Reporter qui donne une leçon de liberté de la presse à la porte-parole du ministre Kox. Cette dernière, à la suite d’un article concernant le reclassement des carrières dans la police, a tout bonnement demandé au média de retirer l’article de son site parce qu’il ne lui convenait pas. Ce comportement de la part d’une professionnelle de la communication et des médias est rare dans un pays comme le Luxembourg réputé être une nation de lecteurs de journaux. Du moins, c’était encore le cas en 2003 selon un sondage Eurobaromètre qui révélait que 62,7% de la population luxembourgeoise lisait quotidiennement un journal, soit cinq à sept fois par semaine. C’est l’un des taux les plus élevés de l’Union européenne, comme le gouvernement le rappelle lui-même via le Service information et presse, en soulignant que «la presse est un important outil de la démocratie».
Alors quand la porte-parole d’un ministère se permet d’ordonner par courriel le retrait d’un article sur un site d’information, ça fait clairement désordre.
Les députées CSV Viviane Reding et Diane Adehm ont sauté sur l’occasion pour interroger le ministre Henri Kox et savoir surtout qui était à l’origine d’une telle demande. Un membre du gouvernement qui veut dompter la presse, c’est du pain bénit pour l’opposition, d’autant que la question s’adresse aussi au ministre des Communications et des Médias, Xavier Bettel. «Quelle est la position de Monsieur le Ministre des Communications et des Médias à l’égard de ce type de comportement vis-à-vis de la presse nationale ? Est-il d’avis qu’il s’agit d’une atteinte manifeste à la liberté de la presse ?» interrogent les deux députées. Elles veulent encore savoir si c’est une habitude des membres du gouvernement de formuler de telles demandes lorsque le contenu d’un article ne leur convient pas.
Ce n’est évidemment pas le cas. Il existe des procédures dans le droit de la presse qui permettent à chacun de se fendre d’un droit de réponse ou d’un démenti. Là encore, la rédaction reste souveraine pour juger de sa publication ou non en ce sens qu’elle ne laisse passer aucun propos calomnieux ou insultant. Selon nos informations, le ministère avait dans un premier temps réclamé un démenti, mais qui était en l’état «impubliable» et il a été invité à faire usage de son droit de réponse. Voilà comment les choses fonctionnent.
Henri Kox ne peut pas l’ignorer, même s’il réclame un droit de réponse quand un éditorial lui déplaît, ce qu’il a déjà fait avec le Land.
«Le comportement de la porte-parole du ministre Henri Kox est tout simplement inacceptable», résume le rédacteur en chef de Reporter dans un article intitulé «La liberté de la presse pour les débutants».
Le Luxembourg à la 17e place
Comme le rappelle l’Association luxembourgeoise des journalistes professionnels (ALJP), l’indice mondial de la liberté de la presse 2020 ne classe le Luxembourg qu’à la 17e place, loin derrière des pays comme la Norvège, la Suède, les Pays-Bas, la Finlande, la Suisse, la Jamaïque, la Belgique, la Nouvelle Zélande, le Danemark, le Costa Rica, l’Autriche, l’Estonie, l’Islande, le Portugal, l’Allemagne, l’Irlande et juste avant le Canada, l’Australie, l’Uruguay, le Suriname, le Samoa ou encore le Ghana… «La politique d’information restrictive et centralisée du gouvernement lors de la crise sanitaire n’a certainement pas amélioré ce classement. Bien au contraire!», conclut la même association.
Au lieu d’user son énergie à tenter d’intimider les médias, le gouvernement ferait mieux de soigner son accès aux informations. Au Luxembourg, la presse est toujours dépendante de la volonté du gouvernement de publier ou non des informations. «Cette situation intenable a encore empiré pendant la crise du Covid-19, où la presse s’est retrouvée face à un blocage et un contrôle total des informations par le gouvernement. Une situation qui n’a été désamorcée qu’après de multiples interventions de la part des journalistes et du Conseil de presse», relève l’ALJP.
Reste à attendre la réponse des ministres Kox et Bettel, directement interpellés dans la question parlementaire de Diane Adehm et Viviane Reding.
Geneviève Montaigu
Avec les écolos, il faut s’attendre à tout, surtout au pire!