Avant que les policiers ne soient équipés de caméras, il y aura encore des discussions. Cet équipement, qui peut être d’une aide précieuse lors de leurs interventions, peut aussi leur causer du souci.
Les policiers luxembourgeois, comme avant eux leurs homologues français et allemands, vont participer à un projet pilote de caméra corporelle. Mercredi, le ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider, flanqué du directeur adjoint de la police grand-ducale, Donat Donven, a présenté un projet pas encore abouti. Il n’existe encore aucun projet de loi et les discussions sont encore en cours avec les syndicats dont les membres sont divisés sur la question.
«Nous sommes dans la discussion finale», rassure le ministre Étienne Schneider qui manipule ici une thématique délicate. La «bodycam» portée par les policiers pendant leurs interventions présente des avantages et des inconvénients. Pour les avantages, les études réalisées à l’étranger ont prouvé qu’un tel équipement permettait de diminuer les agressions envers les forces de l’ordre. La caméra a le mérite de calmer tout le monde, ce que l’on appelle communément une «désescalade des tensions».
Contrôle de la police ?
Mais la vidéo permet aussi de contrôler le policier et c’est là que le bât blesse. Les syndicats, parmi lesquels le plus puissant d’entre eux, le SNPGL (Syndicat national de la police grand-ducale), veillent âprement à ce que cet outil censé les protéger ne se retourne pas contre eux. Mercredi, le ministre et la direction de la police ont assuré que la caméra ne servirait pas à prendre des mesures disciplinaires contre les agents qui filment leur quotidien. «Si la caméra doit servir à surveiller le travail des policiers, alors une telle finalité doit être inscrite dans la loi», explique le ministre Étienne Schneider.
Rien n’est encore inscrit dans le projet de loi nécessaire pour mener à bien ce projet pilote, mais il était urgent de présenter le concept, visiblement. «Il ne s’agit pas de caméra cachée», assure Donat Donven. Les citoyens seront donc avertis de l’enregistrement vidéo en cours quand ils auront affaire à la police. C’est surtout le quartier de la Gare à Luxembourg qui est concerné puisque c’est ce commissariat qui testera le matériel quand tout sera prêt, ce qui peut conduire au printemps prochain, si tout va bien.
Ce commissariat a été choisi pour son taux élevé d’outrages à agents et de rebellions par rapport au reste du pays.
Seuls les volontaires seront équipés des sets de caméras portables, moins d’une dizaine, et seront formés à cet effet. Ils devront connaître la base légale (à venir), le volet technique et opérationnel. Le projet pilote devrait durer une année. En Allemagne, où il a fait ses preuves entre 2013 et 2016, 24 enregistrements ont été utilisés comme preuves lors d’une procédure pénale.
Au-delà de ces considérations, les policiers allemands et français ayant utilisé la bodycam embarquée ont constaté un changement de comportement des suspects avertis qu’ils sont filmés. «Les résultats révèlent aussi une diminution de l’effet de solidarisation de tierces personnes avec les suspects», complète le directeur adjoint de la police grand-ducale. Inversement, cette petite caméra portée sur l’uniforme du policier et bien visible par un point lumineux «augmente la coopération pendant les interventions», ajoute-t-il.
Stockage et encryptage
Ces enregistrements serviront aussi en cas de plainte contre l’agent de police. Loin d’être un fait isolé, ce type de procédure se multiplie aussi au Grand-Duché, selon Donat Donven. Bien utiles pour certains, ces enregistrements peuvent aussi faire craindre le pire en matière de protections des données. Là encore, le ministre et la direction de la police se veulent rassurants. Les données enregistrées seront stockées sur des serveurs sécurisés internes à la police grand-ducale. Le stockage sera crypté et sécurisé pendant six mois. Passé ce délai, les enregistrements seront effacés, sauf si une procédure est en cours. «Chaque accès à ces données doit être traçable», ajoute Donat Donven, qui suggère de limiter l’accès au chef d’administration et aux membres du cadre policier habilités à cet effet.
À ce stade, le modèle de caméra est connu, il s’agit d’une caméra type BWC (body worn camera) individuelle, à vision nocturne avec microphone intégré de haute qualité, capable de stocker plus ou moins huit heures d’enregistrement et d’encrypter les données. Impossible de savoir à quoi elle ressemble, le matériel n’est pas encore arrivé.
Geneviève Montaigu