Coup de tonnerre dans le milieu politico-médiatique grand-ducal : l’ex-ministre des Finances du CSV, Luc Frieden, est nommé président du conseil d’administration de la société Saint-Paul Luxembourg, éditrice du Luxemburger Wort, à partir du 1er février.
Alors que la perspective de son retour à la vie politique luxembourgeoise circule avec insistance, c’est avec la casquette de patron de presse que Luc Frieden, 52 ans, remet un pied dans les affaires du Grand-Duché. Début janvier, l’ancien ministre des Finances – époque Juncker – n’avait donc pas choisi son média par hasard, en déclarant au Wort vouloir «dans les années à venir jouer un rôle actif dans l’intérêt du pays» et « ne pas exclure » un retour en politique.
Celui qui avait rejoint en 2014 la vice-présidence de la Deutsche Bank, à Londres, laissant le CSV orphelin de ses deux figures principales (avec Jean-Claude Juncker), devient donc le patron du quotidien luxembourgeois et prend ainsi le contrôle d’un puissant outil d’influence. Outre le Wort et ses sites internet, Saint Paul Luxembourg, actionnaire majoritaire de Radio Latina, publie les hebdomadaires Télécran et Contacto.
Sans faire injure à l’indépendance des journalistes du Wort, autant dire que Luc Frieden – qui remplace l’ex-vicaire général Erny Gillen, démissionnaire, à la tête du groupe Saint-Paul -, disposera à l’avenir d’un porte-voix très stratégique. Et ce même si, dans une interview donnée ce mercredi… au Wort (en allemand), il s’empresse d’assurer que «la tâche du président (du conseil d’administration du groupe Saint-Paul, NDLR) ne doit pas être confondue avec celle du rédacteur en chef». Et qu’en aucun cas cette nomination ne constitue un quelconque tremplin vers un retour en politique, sur lequel il n’a « pas encore pris de décision ».
Un retour qui apparaît cependant de plus en plus probable, notamment en vue de la désignation des têtes de liste pour les législatives de 2018.
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«Au cas où le souhait de Luc Frieden de retourner en politique était avéré, il serait naturellement extrêmement bienvenu», confiait récemment le chef de fraction du CSV, Claude Wiseler, qui se souvient de ne pas avoir été «content lorsque, à l’époque, Luc Frieden (lui) annonçait vouloir se retirer de la politique pour rejoindre le secteur privé».
Quelles frontières entre médias et politique ?
À la Deutsche Bank, comme le rappelait l’ Observatoire des multinationales en octobre, Luc Frieden prodigue «ses conseils sur les réglementations européennes et internationales, qu’il a lui-même contribué à mettre en œuvre», illustrant combien les frontières entre la politique et la finance sont brouillées.
Sur les ondes de RTL, réfutant tout soupçon de conflit d’intérêts, il déclarait récemment : «Je pense que l’échange entre le secteur privé et la politique est extrêmement important afin d’apprendre de l’autre, réussir et comprendre comment fonctionne une entreprise. La politique sur un plan purement théorique ne fonctionne pas.» Quid des relations entre les médias et la politique, dans une démocratie ?
Le Quotidien / S.A.