Les députés de l’opposition ont livré un autre discours sur l’état de la Nation, et sur le thème principal choisi par le Premier ministre dans son discours, celui de la crise climatique, ils ont fait part de leurs doutes mercredi.
La première à avoir dégainé, Martine Hansen, a envoyé quelques flèches au gouvernement. «Rien de concret n’est sorti du ministère de l’Énergie, sauf les fonctionnaires qui ont quitté leurs postes.» Elle comprend bien les objectifs chiffrés que Xavier Bettel a encore rappelés mercredi, mais ne voit pas les mesures pour y arriver. «On nous avait parlé d’un tsunami d’énergie solaire, il est où?», questionne la chef de file des chrétiens-sociaux. «Et que veut-on, recouvrir le pays de panneaux solaires ? Pourquoi seules des coopératives peuvent bénéficier de tarifs favorables et pas chaque citoyen qui installe des panneaux solaires ?»
Martine Hansen déposera une motion dans laquelle elle invite le gouvernement à fixer l’objectif de neutralité climatique au sein de l’administration étatique au plus tard à l’horizon 2040. Et, bien sûr, le CSV désire ardemment connaître les mesures décidées pour atteindre cet objectif.
«Le pire discours sur l’état de la Nation» jamais entendu…
Gast Gibéryen, qui gardera en mémoire «le pire discours sur l’état de la Nation» jamais entendu en 31 ans de carrière politique, ne comprend pas que le gouvernement s’accroche comme il le fait au projet Google à Bissen. «J’ai entendu un chiffre impressionnant sur les besoins énergétiques que cela représente. Un chiffre tellement énorme que je ne veux pas le citer ici. Je demande donc au Premier ministre de nous dire dans sa réponse combien d’électricité a demandé Google et ce que cela représente par rapport à la consommation nationale.»
Le député ADR s’est étonné de n’avoir rien entendu sur la fabrique de yaourts Fage à Bettembourg. «Là aussi, on nous parle d’une consommation d’eau équivalente aux besoins d’une ville comme Dudelange, mais on nous assure que ce ne sera pas le cas dans une première étape. Mais certainement dans les étapes suivantes», conclut le député.
«l’incohérence de la politique environnementale du gouvernement»
Pour le député Marc Baum, même les traités commerciaux auxquels le Luxembourg adhère «sont dramatiques pour le climat». Mais pas seulement. «Un demi-milliard est investi dans les énergies fossiles via le fonds de pension», ce qui participe à «l’incohérence de la politique environnementale du gouvernement». Le député déi Lénk parle «de beaux discours» qui cachent une autre réalité.
Le député socialiste Alex Bodry a rappelé que le Luxembourg était «champion des émissions de CO2». Il veut bien sensibiliser et informer, tout comme inciter la société à changer ses comportements, mais il insiste aussi sur l’importance des règles à fixer. «Nous avons besoin d’instruments fiscaux pour favoriser certains comportements», dit-il. Et si les règles ne sont pas suivies, «alors il faut punir». Son camarade de parti Franz Fayot rappelle que le gouvernement est parvenu à sauver les banques et à absorber le choc des trois milliards nécessaires pour le faire, puis à absorber la perte du commerce électronique. «On doit être capables de financer le changement climatique, c’est important d’avoir un paquet climatique ambitieux et des accents forts dans la réforme fiscale», conclut-il.
Geneviève Montaigu
Quelle croissance veut le Luxembourg au juste ?
Qui dit crise climatique, dit croissance. Un débat qui anime le gouvernement comme l’opposition en cette rentrée politique. Et là, le spécialiste du CSV sur ce sujet, c’est Claude Wiseler.
«Nous voulons aussi de la croissance, mais il nous faut une stratégie», souligne le député. Il est d’accord avec le Premier ministre pour qui l’investissement est la réponse au problème qu’engendre cette croissance. «Oui mais pas seulement», lui répond Claude Wiseler. Il cite en exemple la productivité qui n’augmente que de 1,8 %, «donc la croissance n’est que démographique et cela pose des problèmes», rappelle-t-il. «Si on regarde les investissements par rapport au rythme de la croissance, on reste toujours à la traîne et la preuve ce sont les prix de l’immobilier», avance Claude Wiseler.
Plan national de développement durable
Il s’étonne que dans le Plan national de développement durable il n’y ait pas un mot sur la croissance, «sinon pour dire qu’on aura une économie intelligente selon la stratégie Rifkin».
Justement, cette stratégie, Franz Fayot la défend. «Celle de Rifkin nous mène vers une économie du partage, une économie circulaire. Il faut encourager la production locale, la production artisanale», déclare le député socialiste qui espère «vraiment trouver des compromis sur tous ces thèmes», conclut-il en englobant dans son propos la lutte contre le changement climatique.
Pour Gast Gibéryen, cette croissance n’est tout simplement plus possible. «En 2014, Xavier Bettel nous a dit qu’on était à la limite de la croissance et que si on ne faisait rien, on irait vers un cul-de-sac. On y est», estime le député ADR qui ne voit pas ce gouvernement continuer encore quatre ans avec la politique qu’il mène. «Ce n’est pas possible», lâche-t-il.
Logements : le CSV veut taxer la spéculation
Sur la politique du logement, le CSV a mis le paquet. Marc Lies, le spécialiste de la question au sein de la fraction, a déposé quatre propositions de loi et deux motions au cours de la séance de mercredi. Des textes qui visent à instaurer, par exemple, une taxe nationale afin de lutter contre la spéculation sur les biens immobiliers inoccupés et les terrains à bâtir non utilisés.
Le CSV lance des propositions pour les jeunes ménages avec un plafonnement de loyer à 10 euros le m2 pendant cinq ans et des options d’achat, bref des mesures que le parti estime nécessaires pour améliorer la situation du logement dans le pays.
Campement de nuit pour du logement social
Ce thème, Xavier Bettel a choisi de ne pas l’aborder mercredi. Un choix qui a choqué l’opposition. Et Marc Lies en premier lieu qui aurait aimé entendre le Premier ministre s’exprimer sur le récent épisode du campement de nuit devant la Société nationale des habitations à bon marché (SNHBM).
Franz Fayot ne croit pas que les mesures suggérées par le CSV, qui sont des incitations fiscales essentiellement, permettront de construire plus. «Le gros des réserves est entre les mains de quelques familles. Pour la Ville de Luxembourg, c’est encore plus flagrant avec 10 % de propriétaires qui détiennent 73 % des réserves foncières. Ils vendent au compte-goutte et préfèrent spéculer.» Pour lui, le gros problème du logement dans ce pays réside dans la concentration sur le marché.
Gast Gibéryen a mis en garde contre la loi relative aux conditions d’obtention d’un prêt bancaire, qui sera prochainement votée. «Avec cette loi, plus personne ne pourra se loger ! », prévient-il. L’opposition observe que le gouvernement refuse de voir la réalité en face et laisse les prix s’envoler.