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L’OCDE acte les progrès du Luxembourg


Pascal Saint-Amans, le «Monsieur antifraude fiscale» à l’OCDE, a rencontré hier le Premier ministre et le ministre des Finances. La situation du Luxembourg en matière de transparence devrait être réévaluée.

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Pascal Saint-Amans (à g.), directeur du Centre de politique fiscale de l’OCDE, a rencontré Pierre Gramegna hier. (Photo : François Aussems)

Au lendemain de LuxLeaks 2, le responsable de l’OCDE est venu, sinon blanchir le Luxembourg, au moins confirmer ses progrès « considérables » en matière de transparence fiscale et acter son « soutien actif » dans l’élaboration par l’OCDE d’un plan international de lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales.

Hasard du calendrier ou opération de communication après LuxLeaks ? Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), est venu hier à Luxembourg à l’invitation du Premier ministre et du ministre des Finances. Cette rencontre d’une heure a consisté en un « tour d’horizon de la problématique de la taxation au niveau international », retrace Pierre Gramegna.

Premier point : la transparence. Avec les Seychelles, Chypre et les îles Vierges britanniques, le Luxembourg est aujourd’hui jugé « non conforme » par le Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, qui rassemble 123 pays. Nouvelles lois, circulaires, nouvelles pratiques : les progrès réalisés par le Grand-Duché au cours de la dernière année sont « vraiment massifs et rapides », constate Pascal Saint-Amans. « Il y a eu des changements lourds et profonds. Quasiment toutes les recommandations qui avaient été identifiées ont fait l’objet d’un traitement. Le réseau de conventions fiscales a notamment été élargi, avec près de 100 pays couverts désormais ».

Des progrès tels que le secrétariat du Forum a demandé à ses membres de lancer un nouveau rapport pour réévaluer la situation du Luxembourg. Cette demande sera examinée le 24 décembre et, en cas de réponse positive, le rapport sera rendu mi-2015. « On est vraiment en train d’aller vers la fin du secret bancaire au niveau mondial, se félicite Pascal Saint-Amans. Très peu de pays, comme le Panama, ne jouent pas le jeu. Toutes les places financières vont dans cette direction », y compris la Suisse qui reste malgré tout parmi les douze très mauvais élèves, derrière le Luxembourg.

Second point abordé hier : le soutien du Luxembourg dans la lutte contre l’optimisation fiscale agressive des multinationales. Un sujet brûlant après les révélations sur les tax rulings – décisions fiscales anticipées – du Luxembourg. Depuis un an, l’OCDE a élaboré un plan d’action dénommé BEPS (érosion des bases fiscales et transferts des bénéfices), associant « 44 pays qui représentent 90 % de l’économie de la planète ». Ce plan propose quinze mesures qui devront ensuite être transposées par les gouvernements. Cela prendra donc du temps.

> « Tuer le caractère nocif des rulings »

L’objectif est de « changer le cadre de la fiscalité internationale afin que les profits des entreprises soient effectivement taxés là où les activités sont réalisées », et non pas via de simples boîtes aux lettres même si cela était légal, comme l’a si bien mis en lumière l’affaire LuxLeaks. « Le problème des rulings, c’est lorsque la sécurité juridique qu’ils offrent se fait au détriment de la base taxable d’autres pays », rappelle Pascal Saint-Amans.

L’action 5 du plan BEPS, souligne-t-il, prévoit la transparence via « l’obligation d’échanger spontanément l’information » sur ces rulings susceptibles de léser d’autres pays. « Ce principe fait l’objet d’un accord, validé par le G20 à Brisbane, et permettra de tuer le caractère potentiellement toxique de certains rulings », assure Pascal Saint-Amans, soulignant la « très bonne coopération » du Luxembourg sur le sujet puisque le Grand-Duché figure parmi les premiers pays à l’avoir validé politiquement. Idem sur la question des « patent box », ces régimes de taxation préférentielle sur les revenus de la propriété intellectuelle : le Luxembourg a « rejoint le consensus » quant à une taxation des bénéfices là où ils sont générés.

« Le Luxembourg soutient l’ensemble des initiatives de l’OCDE dans le domaine BEPS et sur la problématique des rulings. Nous y participons de manière proactive depuis le début, en favorisant la voie OCDE s’agissant d’une problématique mondiale », confirme le ministre des Finances, Pierre Gramegna, qui qualifie de « complémentaire » la future directive européenne sur l’échange automatique des rulings, attendue début 2015.

> « Les taux d’imposition des sociétés baisseront »

« C’est la combinaison des règles nationales des uns et des autres, couplées aux conventions internationales, qui peut aboutir à ce que des entreprises internationales paient peu ou pas d’impôts. C’est légal, mais ce n’est pas acceptable d’un point de vue éthique », a répété Pierre Gramegna. Selon Pascal Saint-Amans, le plan BEPS vise justement à faire disparaître ces « poches de non fiscalité », héritées des « déficiences d’un système fiscal international développé dans les 1920 par la Société des nations et qui n’a pas assez évolué ensuite ». Des « interstices entre les souverainetés » dont ont profité les multinationales, mais aussi « les petites économies ouvertes », avec plus ou moins de zèle (d’où les attaques récentes contre le Luxembourg), pour « devenir très attractives ».

Si les règles du jeu changent, Pascal Saint-Amans veut croire que les taux d’imposition sur les sociétés baisseront dans tous les pays, ce qui favorisera la compétitivité et la croissance. « Ces changements modifieront la façon de calculer les impôts dans un pays par rapport à un autre. Il faudra en tenir compte dans la réforme fiscale », commente Pierre Gramegna. Il y a encore du chemin, mais les intentions sont là.

De notre journaliste Sylvain Amiotte

 

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