Charel Schmit succède à René Schlechter au poste de défenseur des droits des enfants et des adolescents. Un de ses premiers chantiers concernera la protection de la jeunesse.
Avec Charel Schmit, on pourrait parler pendant des heures, tellement l’homme est passionné par la matière qui l’occupe. «La motivation principale de ma candidature à ce poste vient des expériences que j’ai faites dans ma vie professionnelle», explique-t-il. Depuis 2001, il forme les futurs éducateurs et travailleurs sociaux. Les cas rencontrés au cours de ces années l’ont poussé à s’intéresser de plus en plus aux questions de droits de l’enfant. La commission Jeunesse en détresse de la Chambre des députés au début des années 2000 a fini de le convaincre. «À l’époque, l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant était souvent remise en question lors des débats politiques et cela m’irritait», poursuit-il. De rencontre en rencontre, il s’implique davantage. Il préside Caritas Accueil et Solidarité et est président honoraire de l’Association nationale des communautés éducatives et sociales (Ances). Le poste d’ombudsman pour les enfants et la jeunesse est la concrétisation de cet engagement et la reconnaissance des compétences accumulées ces dernières années.
Bien que les enfants luxembourgeois soient mieux lotis que d’autres enfants ailleurs sur la planète, on oublie souvent qu’ils ont des droits. Un des domaines où le Luxembourg pèche concerne la protection de la jeunesse. «On s’attend à un haut niveau de transposition des droits de l’enfant de la part d’un pays comme le nôtre, à un niveau où l’intérêt de l’enfant prime et motive les décisions politiques», note-t-il. Un point que l’OKaJu (Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher) a en commun avec la Commission consultative des droits de l’homme dont Charel Schmit était membre et avec qui il va partager les locaux de la Mënscherechtshaus. «Le Grand-Duché devrait avoir l’ambition collective d’être conforme à la convention et faire des progrès. Nous sommes encore loin de cette conformité» , ajoute le nouveau défenseur des droits des enfants et des adolescents : «Nous devons absolument rattraper notre retard en matière de protection de la jeunesse, notamment en ce qui concerne les jeunes et la justice pour que, entre autres, les jeunes qui n’ont pas été en conflit avec la loi ne puissent plus être incarcérés à l’unité de sécurité du Centre socioéducatif de l’État à Dreiborn.» L’an prochain, le Luxembourg subira un contrôle en la matière de la part du Comité des droits de l’enfant de l’Unicef. Le résultat influera sur la candidature du pays au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Les jeunes au premier plan
Si le sujet est d’importance, il ne constituera pas le premier chantier auquel Charel Schmit s’attellera, mais le deuxième. «Je commencerai par étudier les conséquences du Covid au niveau du bien-être des enfants ainsi que les conséquences politiques et sociales. Quel impact la crise aura-t-elle ces prochaines années sur leur vie ? Combien d’enfants seront touchés par la pauvreté ? Combien d’enfants auront recours à des aides diverses et comment y remédier…», explique-t-il. Un tiers des bénéficiaires du Revis sont les enfants.
Suivra l’ancrage des droits des enfants dans la Constitution luxembourgeoise. «Ils y sont déjà, mais nous aimerions qu’ils figurent avec les droits fondamentaux et plus dans les objectifs à valeur constitutionnelle. Ils doivent avoir leur propre article et ne plus être inclus dans le droit des familles», précise Charel Schmit, qui prépare déjà le centenaire des droits de l’enfant en 2023 et 2024. Le but est de raconter leur histoire au Luxembourg et ailleurs. Cela permettrait également de les promouvoir. Leur évolution rejoint souvent celle du mouvement féministe, mais elle n’a pas eu le même impact. «Les jeunes générations n’étaient pas toujours au premier plan des préoccupations politiques ces dernières années», regrette l’ombudsman, qui souhaite rencontrer les associations et organisations de jeunesse pour les encourager à s’engager en faveur des droits de l’enfant et à devenir des multiplicateurs et des catalyseurs.
«Les droits de l’enfant ne concernent pas un secteur unique, ils sont transversaux à toute la société et concernent différents domaines politiques. Il s’agit de développer une sensibilité pour le sujet», précise-t-il. Charel Schmit plaide également en faveur d’une évaluation ou d’une étude de la délinquance des jeunes au Luxembourg pour faciliter le développement d’instruments d’aide et de prévention adaptés.
Le successeur de René Schlechter a du pain sur la planche, mais la motivation et l’énergie nécessaires pour se dévouer à la tâche.
Sophie Kieffer