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L’État s’attaque au mésusage des antibiotiques


Le ministre de l'Agriculture et la ministre de la Santé, Fernand Etgen et Lydia Mutsch, ont évoqué «une situation d'urgence». (photo Didier Sylvestre)

Le ministre de l’Agriculture et la ministre de la Santé, Fernand Etgen et Lydia Mutsch, joignent leurs efforts en vue de lancer le premier Plan national antibiotiques, début 2018.

La résistance aux antibiotiques est l’une des plus grandes menaces pour la santé publique en Europe, selon les deux ministres. Le Plan national antibiotiques visera à contrecarrer l’utilisation excessive et abusive de ces «médicaments miracles» en sensibilisant médecins, pharmaciens, infirmiers, patients, vétérinaires et détenteurs d’animaux.

Il faut une première fois à tout, comme dit le dicton. Au Grand-Duché, les pouvoirs publics en ont pris bonne note en entamant dès le début de l’année l’élaboration de son premier Plan national antibiotiques. Il est destiné à lutter contre le mésusage de ce type de médicaments et à se mettre en conformité avec la volonté commune des États membres de l’Union européenne de disposer chacune d’un tel instrument. Concrètement, le combat en cours a pour ennemi la résistance aux antibiotiques.

L’UE enregistre 25 000 décès par an

Selon les termes des ministres de la Santé et de l’Agriculture, cette résistance « entraîne une prolongation des hospitalisations, une augmentation des dépenses médicales et une hausse de la mortalité ». Si la direction de la Santé ne dispose pas de chiffres exacts relatifs au taux de mortalité découlant de cette résistance aux antibiotiques, l’UE enregistre 25  000 décès par an dus à des infections devenues résistantes à tous les antibiotiques. De quoi forcément alarmer le gouvernement, qui qualifie la situation d’« urgente », dixit la ministre Mutsch.

Dans un souci d’information à l’intention du grand public, la ministre a décortiqué la problématique en ces termes  : « L’antibiorésistance est la capacité d’une bactérie à devenir résistante à une ou plusieurs sortes d’antibiotiques. Ce ne sont donc pas les humains ni les animaux qui deviennent résistants aux traitements antibiotiques, mais les bactéries. L’augmentation des bactéries résistantes aux antibiotiques est en partie due à un usage répété et inapproprié d’antibiotiques chez l’homme ou l’animal. »

Voilà une explicitation qui a le don d’être on ne peut plus claire. Dans ce sens, le gouvernement entend adopter une approche «One Health» (« une seule santé ») intégrée. Comprendre que les pouvoirs publics visent à lutter contre « des réservoirs de résistance qui se chevauchent, constitués par les humains et les animaux ». Par extension, cette vision a pour objectif de « considérer les multiples dimensions en la matière –  humaine, vétérinaire et environnementale  – incluant l’ensemble des parties prenantes », selon Lydia Mutsch.

Bref, le dessein général du plan est bien de réduire l’émergence, le développement et la transmission des résistances aux antibiotiques au Luxembourg.

Claude Damiani

Nos amies les bêtes, aussi concernées

Le ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, veillera au bien-être des animaux dans le cadre du Plan national antibiotiques.

Le ministre Etgen et le Premier ministre ont visité une exploitation agricole à Mersch il y a tout juste un mois. (photo LQ)

Le ministre Etgen et le Premier ministre ont visité une exploitation agricole à Mersch il y a tout juste un mois. (photo LQ)

Le ministre a précisé que plusieurs actions seront à développer dans le futur afin d’aboutir à «une utilisation raisonnée des antibiotiques en médecine vétérinaire au Luxembourg» . Différentes idées ont déjà été mises sur la table, comme «l’établissement de statistiques fiables de l’utilisation effective des antibiotiques au niveau des élevages pour l’ensemble des exploitations au Luxembourg, la mise en place d’une biosécurité élevée au niveau des élevages ou encore le recours à des vaccins disponibles pour certaines pathologies en élevage animal» , ainsi que l’a spécifié, vendredi, le ministre.

Parallèlement à ces lignes directrices, le ministre Fernand Etgen a abordé les mesures prises à l’heure actuelle. « Le Laboratoire de médecine vétérinaire réalise régulièrement des analyses sur la présence d’antibiotiques et de germes résistant aux antibiotiques, au niveau des animaux et dans les denrées alimentaires d’origine animale. »

La tenue d’un registre des médicaments

Par ailleurs, en ce qui concerne le cadre législatif, le ministre a rappelé que dans le domaine de la santé animale les vétérinaires sont dans l’obligation de garder un registre des médicaments prescrits pour chacune des exploitations, tandis qu’un registre des médicaments est obligatoirement tenu au niveau de chaque exploitation.

À noter, enfin, que la pléiade d’experts de la Direction générale de la santé de la Commisssion européenne, qui étaient en visite au pays en vue de délivrer des recommandations aux autorités locales, ont eu des entrevues, conjointement avec les experts vétérinaires nationaux, avec une multitude d’acteurs  : le comité de pilotage du Plan national antibiotiques, les autorités vétérinaires nationales, l’Association des médecins vétérinaires du Grand-Duché de Luxembourg, les représentants des agriculteurs et des vétérinaires pour grands et petits animaux.

De plus, les experts en question ont profité de leur séjour pour se rendre dans une ferme bovine, une ferme porcine, une laiterie, un grossiste en médicaments vétérinaires et au laboratoire de contrôle et d’essais de l’administration des Services techniques de l’agriculture.

C. D.

« Dans la moyenne »

L’État compte développer une stratégie de communication afin de sensibiliser l’ensemble de la population. À l’instar de campagnes déjà lancées par la direction de la Santé sous le slogan «Les antibiotiques ne sont pas des bonbons!». Cela étant, le pays aspire à décupler ce type de campagne, car «il reste des efforts à faire en la matière, le Luxembourg se trouvant dans la moyenne européenne du point de vue de la consommation d’antibiotiques» , selon Lydia Mutsch.

Un combat en coopération avec l’UE

Dans le cadre de l’élaboration du Plan national antibiotiques (2018-2022), des experts du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de l’UE (DG Santé), dont une partie des activités est dirigée depuis le Luxembourg, accompagnés d’experts de différents pays européens, ont effectué une visite de cinq jours au Luxembourg, qui s’est conclue vendredi. L’objectif était de faire un état des lieux de la lutte contre la résistance aux antibiotiques.

Cette visite conjointe des deux institutions constitue une première en Europe. Mais quelles sont au juste leurs missions? L’ECDC est une agence de l’UE qui a pour but de renforcer la lutte contre les maladies infectieuses en Europe. Sa mission est d’identifier et d’évaluer la menace que constituent les maladies infectieuses pour la santé humaine, puis de communiquer sur ce sujet. De son côté, la DG Santé est chargée de proposer des mises à jour et de surveiller la mise en application de la législation européenne en matière de sécurité des denrées alimentaires, de droits des consommateurs et de protection de la santé humaine au niveau de l’UE.