Considérée comme le pays le plus branché du monde, l’Estonie a fait encore un pas dans cette direction, en décidant d’ouvrir en 2018 au Luxembourg la première e-ambassade pour y garder ses banques de données.
La salle des serveurs, très sécurisée, abritera d’importantes informations de l’e-gouvernement estonien, qui resteront accessibles même si le système sur le territoire national est hors service. «La sécurité des données et la cyber-sécurité sont d’une importance cruciale du point de vue de la confiance des gens et du fonctionnement des services», a dit le Premier ministre estonien Juri Ratas le mois dernier.
«Cela fait partie également de ce qu’on appelle l’hygiène numérique quotidienne dans nos sociétés toujours plus numérisées», a-t-il ajouté, dans une déclaration publiée après avoir signé un accord avec son homologue luxembourgeois Xavier Bettel sur le stockage des données estoniennes. «C’est la première ambassade des données dans le monde», a encore dit M. Ratas, dont le pays de 1,3 million d’habitants a été surnommé E-stonia en raison de son appétit pour les nouvelles technologies.
Après la fin de cinq décennies d’occupation soviétique en 1991, l’Estonie a opté pour le «hi-tech à grande vitesse» et caracole en tête des pays de l’UE qu’elle a rejointe en 2004. La plupart des services publics sont accessibles sur un portail spécial et le vote sur internet aux élections a été introduit en 2005. Tallinn accueil un centre de cyber-défense de l’Otan, où des experts d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord cherchent à garantir la sécurité des 29 membres de l’alliance.
Cyber-attaque
L’Estonie connaît le sujet: lors d’une période de tension avec Moscou en 2007, elle a subi une puissante cyber-attaque attribuée à des hackers russes. Le Kremlin a nié toute implication dans cette affaire. L’attaque a duré deux semaines et de nombreux sites ont été bloqués, dont ceux du parlement, de banques, ministères, journaux et stations de télévision.
Un an plus tard, le centre de cyber-défense entrait en service à Tallinn. En 2014, l’Estonie a entamé l’utilisation des services internationaux en nuage pour sauvegarder les données de l’e-gouvernement, lorsque le pays s’est allié avec Microsoft pour y stocker la gazette officielle. L’ambassade de données au Luxembourg doit stocker notamment les informations concernant les impôts, le foncier, les entreprises, les documents d’identité, les retraites, la législation et le recensement.
«L’ambassade virtuelle a pour but de garantir la continuité numérique du pays, la capacité d’activer les systèmes quand c’est nécessaire et de puiser des données de versions stockées à l’extérieur», a dit Emilie Toomela, porte-parole du ministère de l’Economie et de la Communication. «Pour y parvenir, l’Estonie a besoin de serveurs supplémentaires qui doivent être complètement contrôlée par l’Estonie, ce qui veut dire qu’ils doivent bénéficier des mêmes clauses que des ambassades ordinaires (par exemple l’extra-territorialité), mais doivent être situés à l’extérieur du pays», a encore dit Mme Toomela.
Le pays balte a un consulat au Luxembourg, mais son ambassadeur dans ce pays réside à Bruxelles. L’e-ambassade n’aura pas de lien avec celle de Bruxelles ni de personnel sur place. «Le Luxembourg a été choisi parce qu’il possède des banques de données appartenant à l’Etat certifiées Tier 4, (le plus haut niveau de garantie, avec une disponibilité de 99,99 %), qui n’existent pas en Estonie et aussi parce que le Luxembourg est prêt à offrir aux données et systèmes estoniens des privilèges diplomatiques», a encore expliqué la porte-parole.
Le Quotidien/AFP