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Les travailleurs portugais très exposés au dumping social


illustration Fabrizio Pizzolante

L’OGBL et la Confédération générale des travailleurs portugais ont adopté une résolution qui invite l’UE à se donner les moyens de lutter contre le dumping social. L’impunité des patrons exaspère les syndicats.

Le dumping social est une plaie que peuvent illustrer à foison les organisations syndicales de l’Union européenne. Elles étaient même invitées à déballer massivement lors de la conférence organisée par l’OGBL et la Confédération générale des travailleurs portugais – Intersyndicale nationale (CGTP-IN) vendredi matin à Remich, au Centre de formation et de séminaires de la Chambre des salariés (Cefos).

Elles sont venues de Belgique, de France, des Pays-Bas, de Suisse et du Royaume-Uni, à l’invitation de leurs camarades luxembourgeois, pour discuter du dumping social dans le secteur du bâtiment, du génie civil et de l’artisanat du bâtiment. Cette forme de concurrence déloyale et de travail illégal fleurit dans une UE qui ne s’est pas donné les moyens de la combattre. Sinon les syndicats ne seraient pas mobilisés pour lutter contre les effets dévastateurs de la directive concernant les travailleurs détachés, par exemple. Car elle favorise à son insu le dumping social qui constitue une rupture «avec la culture de la légalité qui fut adoptée et consolidée tout au long des dernières décennies à travers des longs et durs combats syndicaux, sociaux et politiques», lit-on dans le texte de la résolution adopté à Remich.

Au Luxembourg, ce sont les Portugais qui sont les plus exposés. Il était donc normal que la Fédération portugaise des syndicats du bâtiment soit représentée. Sur les 41 000 salariés du secteur de la construction, 50% sont des frontaliers et 40% sont des étrangers résidents dans le pays. Et parmi eux, une écrasante majorité de Portugais qui sont aussi les plus exposés au risque de pauvreté.

On apprend que de toutes les destinations des travailleurs émigrés portugais, le Luxembourg accueille ceux qui ont le moins de qualifications. 73% d’entre eux ont à peine le niveau d’une 9e (troisième année de l’enseignement secondaire) et ce sont des patrons peu scrupuleux qui profitent de la situation. Les chantiers du secteur public ne sont pas épargnés où fleurissent les entreprises sous-traitantes qui sont les plus visées dans les cas de dumping social, car les astuces sont nombreuses mais illégales.

Il existe ainsi des patrons qui ne veulent pas de Portugais ayant déjà travaillé au Luxembourg, mais préfèrent des nouveaux venus qui n’ont aucune connaissance de la législation en vigueur et sont ainsi plus exploitables. Dit ainsi, cela paraît cru, mais cela reflète une réalité sur le marché du travail, essentiellement dans la construction.

Le faire reconnaître comme un crime

Alors les syndicats veillent au grain. Ils condamnent, non seulement au Luxembourg mais dans toute l’Union européenne, les dérives de certains patrons qui osent encore payer un salarié en dessous de deux euros de l’heure, faisant fi de la législation européenne qui peine à être respectée. Tout juste une semaine plus tôt, le ministre du Travail, Nicolas Schmit, affirmait que les inspections du travail devaient être renforcées et bénéficier d’une formation offrant toutes les compétences requises pour lutter contre ce fléau.

Encore faut-il que les sanctions suivent. Dans la résolution adoptée après la conférence, les syndicats ont demandé que le dumping social soit criminalisé. C’est fort, mais cela traduit l’exaspération des syndicats qui se plaignent d’être ringardisés alors qu’ils se considèrent comme le dernier rempart d’une nouvelle forme d’esclavagisme.

Le dumping social reste étroitement lié à l’immigration sans politique commune d’asile et d’immigration, point de salut. Les syndicats, attachés au respect des droits de l’homme, proposent la création d’une Europol sociale «pour combattre au niveau européen les entreprises qui agissent illégalement, notamment celles qui se trouvent disséminées dans divers États membres», lit-on dans la résolution.

Geneviève Montaigu