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Les femmes dans les syndicats : une lente « marche »


La Chambre des employés privés en 1925-1929. Marguerite Koenig, figure syndicale de l’OGBL, se trouve au premier rang.

La place des femmes dans les syndicats a longtemps été semée d’embûches.

S’intéresser à l’histoire des femmes dans les syndicats du pays, c’est se confronter à une absence certaine de documentation. En effet, si les archives existent, peu de chercheurs ont travaillé sur ce thème précis. C’est dans ce contexte que l’OGBL Equality, le département des Femmes de l’organisation, a réalisé il y a quelques années une brochure sur l’histoire des femmes dans le syndicat indépendant. «Nous avions des documents sur les grandes figures masculines et sur le syndicat, mais rien sur les femmes», explique Milena Steinmetzer, secrétaire adjointe de l’OGBL. Frédéric Krier, membre du bureau exécutif, s’est alors intéressé à «la longue marche» des femmes vers une pleine intégration dans les syndicats libres et ouvriers du pays.

La Chambre des employés privés en 1925-1929. Marguerite Koenig, figure syndicale de l’OGBL, se trouve au premier rang. Photo : archives ogbl

Au XIXe siècle, les premières structures syndicales se créent au Luxembourg. Parmi les premiers adhérents, on trouve surtout des ouvriers spécialisés, comme les imprimeurs ou les gantiers. «Si elles n’interdisent pas formellement l’adhésion des femmes, ces premières associations syndicales sont au départ des associations purement masculines», écrit Frédéric Krier. Et pourtant, comme il le précise, les femmes travaillent. «L’idéal bourgeois de la femme au foyer qui ne s’occupe que de la gestion du domicile et de l’éducation des enfants est souvent très loin de la réalité de la classe populaire.»

Des femmes aux droits limités

Un idéal qui va tout de même «s’imposer de plus en plus», car les femmes restent privées de nombreux droits. Elles sont, par exemple, sous la tutelle du mari et ont interdiction d’ouvrir un compte bancaire ou encore de retirer de l’argent sans lui. «À l’époque, les femmes sont perçues comme des êtres à protéger des aléas et rigueurs du monde du travail», analyse Frédéric Krier. Parmi les restrictions qui pèsent sur elles, l’une concerne le secteur de la restauration. «Le fait qu’une femme travaille dans un hôtel ou un café est alors pratiquement assimilé à de la prostitution!», fait remarquer Frédéric Krier.

Au début du XXe siècle, les syndicats libres continuent à s’intéresser peu au travail des femmes. Il est même vu comme un danger. «Les milieux même progressistes ne sont pas étrangers à l’idée qu’il faut protéger la femme de la condition prolétarienne.» À l’époque, le principe d’un salaire pour les femmes bien inférieur à celui des hommes est même acté. «Au départ, les syndicats étaient partis sur le principe de l’égalité de rémunération, mais sous pression des représentants patronaux, ce taux inférieur a été retenu», précise le membre du bureau exécutif de l’OGBL dans son article. Il faudra attendre 1963 pour qu’un salaire minimum unique entre les femmes et les hommes soit instauré.

Après la Première Guerre mondiale, les syndicats ouvriers restent encore un lieu réservé aux hommes, à l’exception de quelques figures féminines, comme Lily Becker-Krier. Mais elles restent très rares dans le paysage syndical. Du côté des chambres professionnelles, là aussi, la représentation des femmes reste très faible. «À ce niveau, il y a eu même une détérioration. Alors qu’au départ, des femmes sont bien élues à la Chambre des employés privés (…), aucune femme n’y a siégé jusqu’en 1964», explique Frédéric Krier. Il rappelle que les femmes seront absentes jusqu’à 1981 de la Chambre de travail et jusqu’à 1990 de la Chambre des fonctionnaires et employés publics.

Les femmes commencent à prendre de l’importance dans les syndicats au travers des structures spécifiques qui leur sont dédiées. Dans les années 1920, des comités locaux se créent et prennent le nom de foyers de la femme. «Ils occupent alors en quelque sorte la fonction de section féminine aussi bien des syndicats libres que du Parti ouvrier», indique Frédéric Krier dans son article. Il note que c’est dans ces lieux qu’ont lieu les premières manifestations de la Journée internationale des femmes. Les années passent et les femmes commencent à être plus présentes dans les syndicats. Le comité des femmes de l’OGBL sera constitué en 1981 et en 1995 pour le LCGB. Mais, comme nous l’ont indiqué les trois anciennes figures féminines du syndicalisme que nous avons rencontrées, le chemin a été long.

Des déléguées des ouvrières chrétiennes photographiées lors d’une journée qui leur est dédiée, en 1938. Photo : archives lcgb