Lydie Err a présenté, jeudi, son dernier rapport. La médiateure quitte ses fonctions en avril non sans avoir rempli sa mission avec sérieux et efficacité comme le prouve son taux de réussite.
L’administration est lente, elle lui envoie des piqûres d’adrénaline. L’administration se trompe, elle lui démontre pourquoi. L’administration ne lui répond pas, elle se fâche. Lydie Err s’est particulièrement penchée cette année sur le cas des demandeurs de protection internationale, mais pas seulement.
Son rapport regorge d’exemples qui prouvent que face à l’administration le citoyen est souvent désarmé. La médiateure, Lydie Err, prouve une fois encore que sa mission n’est pas vaine vu qu’en 2016 après son intervention auprès de l’administration dans le cadre de 252 réclamations, elle a obtenu dans 84,1 % des cas une correction totale ou partielle de la situation administrative contestée.
Mais c’est souvent à bout de souffle que le réclamant vient frapper à la porte de l’ombudsman, après avoir sué sang et eau pour faire avancer sa cause, comprendre le problème et surtout attendre des explications ou des réponses de l’administration. Elle est lente, ce n’est pas nouveau, mais quand elle s’endort il est urgent de la réveiller. Et c’est parfois le cas. Ce silence radio devient assourdissant pour celui qui attend. Souvent en vain.
C’est à ce moment-là que la médiateure prend le relais. Elle a autorité pour demander des comptes à l’administration et elle a profité de son dernier bilan, hier, pour le rappeler, car trop souvent encore certains de ses interlocuteurs tardent à lui répondre ou répondent à côté de la question, ou l’ignorent, mais c’est plus rare.
Elle illustre son quotidien par des cas concrets. Elle a ainsi dû lutter avec l’administration des contributions qui ignoraient superbement les demandes d’explication d’un ressortissant italien, imposé indûment sur une plus-value immobilière. Bien qu’étant dans son bon droit mais mal renseigné, le réclamant n’a obtenu satisfaction que grâce à l’intervention de la médiateure.
Il y a encore le cas de cette famille à qui l’on refusait une allocation à laquelle elle avait finalement droit, celui de ces salariés qui mettent en cause le délai «extrêmement long» pour l’instruction et le paiement initial de l’indemnité compensatoire aux personnes reclassées, et beaucoup d’autres encore.
Pour chaque cas, la médiateure développe un argumentaire juridique imparable, ce qui explique l’appréciable taux de réussite de ses interventions. Mais elle fulmine encore contre cette lenteur administrative générale, tout en insistant néanmoins sur les bonnes relations que son service entretient avec les différentes directions. Surtout celle de l’immigration avec qui elle a eu de nombreux échange au cours de l’année écoulée.
Au chevet des réfugiés
La crise des réfugiés a entraîné une augmentation sensible du nombre de réclamations des demandeurs de protection internationale (78 en 2015 contre 235 en 2016, soit près de trois fois plus). Cette problématique était telle que Lydie Err lui a consacré tout un chapitre dans son rapport annuel. «Le fait d’ignorer combien de temps il leur faudra encore attendre avant d’être fixé sur leur sort engendre une grande souffrance psychologique. Beaucoup se plaignent également de voir des demandeurs, arrivés en même temps qu’eux ou même après eux, obtenir le statut de réfugié, alors qu’eux-mêmes attendent d’être enfin entendus sur les motifs à la base de leur demande», écrit Lydie Err.
Pour son dernier passage devant les députés avant de prendre sa retraite, Lydie Err a saisi l’occasion de parler du «vivre ensemble» et de la situation de ces réfugiés, nouveaux étrangers dans ce pays qui demeure « définitivement un pays de migrations, qu’il s’agisse d’émigration ou d’immigration », rappelle Lydie Err. Elle demande qu’une attention particulière soit portée à ces nouveaux arrivants et s’adresse directement à l’OLAI pour lui demander d’étoffer son staff d’assistantes sociales et d’améliorer en général les conditions de vie des réfugiés. Elle s’adresse aussi aux communes pour les encourager à organiser des cours de langue, à proposer une intégration par le sport et la culture, à leur offrir une activité. Bref, elle a palpé de la souffrance et elle émet des recommandations et des suggestions pour l’apaiser : raccourcir les délais, s’occuper des plus vulnérables et écouter davantage, pour commencer.
Et en matière de délai, elle s’y connaît. Lydie Err, qui a présenté il y a quatre ans un guide des bonnes pratiques à l’attention des administrations, a eu la satisfaction de le voir adopté en Conseil de gouvernement courant janvier. « Le texte proposé est resté inchangé et malgré tout, il a fallu attendre quatre années pour le voir adopté », se plaint-elle à juste titre.
Elle propose quelques modifications de la loi sur l’ombudsman ayant trait à l’élargissement de ses compétences ou encore au délai de transposition de ses recommandations. « Des 50 recommandations publiées depuis la mise en place de l’institution de l’ombudsman, seules 25 ont été transposées, ce qui reste très faible au regard des pays voisins », note Lydie Err.
Dans sa conclusion générale, elle soulignera que la meilleure des lois relatives à l’ombudsman « ne changera rien si les personnels dans les administrations ne jouent pas le jeu ».
Geneviève Montaigu