Le Syndicat des fabriques d’église du Luxembourg (Syfel) menace de porter devant le tribunal la perspective de leur remplacement par un fonds de gestion des édifices religieux, tel que prévu par le projet de loi 6824. Retrouvez notre « Interview du lundi » avec son président, Serge Eberhard. Extrait.
Le Quotidien : Comment est né le Syfel et quelles sont ses missions?
Serge Eberhard : Le Syfel existe depuis à peu près un an. Il est né avant les discussions qui ont porté sur les trois conventions que l’archevêché vient de signer avec l’État, à savoir celles sur le salaire des prêtres, sur la religion à l’école et sur les fabriques d’église. Le Syfel a été créé pour servir de porte-parole aux fabriques d’église dans tout le pays, vis-à-vis à la fois des autorités profanes et des autorités ecclésiastiques.
L’une des missions du Syfel, appuyé par l’archevêché, était de participer à la réforme du texte redéfinissant les relations entre l’Église et l’État et d’assumer un rôle clé. Malheureusement, ce n’est pas ce qui a eu lieu et, à aucun moment, le Syfel n’a été impliqué ou consulté d’aucune manière. Il a tout au plus été informé, dès que de nouveaux résultats se trouvaient sur la table.
Qu’est-ce au juste que ces « fabriques d’église »? Quelle est leur base juridique?
Les fabriques d’église reposent sur une structure très ancienne, qui a pris des formes plus concrètes à partir du décret napoléonien de 1809 (NDLR : compromis entre les sociétés d’Ancien Régime et révolutionnaire, consistant à rétablir le religieux tout en le soumettant au pouvoir civil). La mission des fabriques d’église consiste primairement à assurer l’organisation des messes dans une paroisse donnée, ou encore que les immeubles où elles se tiennent soient en bon état, fonctionnels, agrémentés, etc. Évidemment, il y a un autre aspect qui consiste à assurer l’ensemble du volet financier nécessaire à la vie paroissiale.
En quoi consiste le projet de loi 6824? Quels effets son adoption aurait-elle sur le fonctionnement des fabriques d’église?
Le projet de loi actuel est au fond une première tentative pour traduire dans les faits la convention relative signée entre l’archevêché et le gouvernement. Cette convention prévoit que l’ensemble du patrimoine des fabriques d’église soit confié à un Fonds de gestion des édifices religieux. Ce Fonds, qu’il reste à mettre sur pied, sera soumis à l’archevêché à qui il appartient. Or si l’ensemble du patrimoine (actif et passif) des fabriques d’église devait être réuni dans un fonds, alors les fabriques d’église, telles qu’elles existent à présent, vont disparaître.
Les fabriques d’église constituent une structure autonome et une personne juridique à elles seules, qui n’a besoin d’autorisations qu’en des cas précis, comme par exemple lors d’un achat plus important ou lors de la vente d’un terrain ou d’une maison. Alors, un avis de l’archevêché devient nécessaire, tout comme une autorisation ministérielle.
Dans une résolution commune, le Syfel dénonce une mesure discriminatoire vis-à-vis des catholiques…
Le présent projet de loi reflète le désir du gouvernement ou d’un ministre d’interdire aux communes de soutenir financièrement les fabriques d’église. Il ne s’agit pas d’une disposition facultative, mais bien d’une obligation, ce qui est aberrant compte tenu du fait qu’un tel interdit n’existe pas dans d’autres domaines.
Or les communes sont libres et autonomes, et c’est bien la première fois que ce genre de choses se retrouve dans un texte de loi. À l’avenir donc, les communes n’auront plus le droit de soutenir financièrement la communauté catholique, alors que ce n’est pas le cas pour d’autres communautés religieuses.
Il faut savoir que l’institution de la fabrique d’église compte d’office le bourgmestre parmi ses membres. La commune en fait donc partie automatiquement pour être au courant de la situation financière de la paroisse. Par ailleurs, si une commune offre sa contribution, cela signifie d’abord que la paroisse a déjà apporté la sienne. En tant que Syfel, nous constatons une discrimination de la communauté catholique, qui est seule visée. Pour toutes les autres communautés, la commune est libre de faire comme elle l’entend.
Frédéric Braun