Les cimetières forestiers se font de plus en plus nombreux au Luxembourg ces dernières années. Un lieu de sépulture “plus naturel”, qui attire particulièrement.
Les arbres se parent de leurs couleurs d’automne, dans la forêt du Gaalgebierg, sur les hauteurs d’Esch-sur-Alzette. Le vert de la mousse vient se mêler aux feuilles jaunes, oranges, tombées sur le sol. Le vent lui, chatouille les branches des quatre hectares d’arbres présents à cet endroit, en ce matin d’octobre, alors que promeneurs et coureurs prennent possession des lieux.
Ils ne le savent probablement pas, mais ils ne sont pas seuls, dans cette forêt. En réalité, ils traversent un cimetière. Depuis 2015, un «Bois du Souvenir» a en effet été installé à cet endroit, afin d’inhumer les défunts souhaitant reposer dans la nature.
Une pratique qui se multiplie ces dernières années aux quatre coins du Luxembourg : plus d’une vingtaine de communes en possède un actuellement, selon les données d’emwelt.lu.
Jusqu’à dix personnes autour d’un arbre
À Esch-sur-Alzette, ce «Bois du Souvenir» existe depuis six ans. Près de 300 personnes y reposent actuellement, autour de 34 arbres dédiés. Car c’est là le principe de ce lieu : chaque défunt est inhumé autour d’un arbre.
Les cendres sont dispersées autour du tronc et une plaquette y est apposé, avec le numéro de l’arbre, l’identité du défunt et ses dates de naissance et décès. Comme dans un cimetière, mais au milieu de la forêt. Jusqu’à dix personnes peuvent être inhumées autour d’un même arbre.
«Les gens veulent se rapprocher de la nature», commente Pol Zimmermann, préposé de la nature et des forêts d’Esch-sur-Alzette. «L’endroit est calme et beaucoup de personnes ne veulent plus être enterrées sous une plaque de béton, comme dans les cimetières traditionnels, qui demande aussi beaucoup d’entretien».
Concrètement, le jour de l’enterrement, les proches du défunt peuvent se rendre en voiture jusqu’à un emplacement dédié à une petite cérémonie. Croyants ou non, le bois du souvenir est ouvert à tous. La célébration peut donc être assurée par un curé, comme par un membre du conseil communal. Les cendres sont ensuite dispersées autour de l’arbre avant un temps de recueillement.
Là, seules quelques fleurs ou ornements biodégradables peuvent être déposés, afin de maintenir le caractère naturel du lieu. À l’approche de la Toussaint, de nombreuses fleurs ont été attachées aux arbres dans le bois du Gaalgebierg, mais Pol Zimmermann ne s’en préoccupe pas. «Bien que nous interdisions les décorations funéraires, nous n’enlevons pas ce qui a été déposé», souffle-t-il.
Un coût moins important qu’au cimetière
Les arbres choisis sont tous des chênes ou des hêtres, âgés de 80 à 140 ans. Ils ont été sélectionnés parce qu’ils sont en bonne santé et exemptés de dommages apparents. «D’un point de vue forestier, on peut estimer qu’ils vivront encore une bonne centaine d’années», souligne Pol Zimmermann.
Si l’un d’entre eux se retrouve endommagé par une tempête ou la foudre par exemple, la plaquette avec le nom des défunts sera alors apposée à un arbre sain à proximité.
Le coût d’une telle sépulture varie en fonction des communes. À défaut d’acheter un arbre, les proches acquièrent une concession, comme dans un cimetière. Ajoutez à cela 50 euros pour la dispersion des cendres, 25 euros si vous souhaitez une cérémonie civile et 25 euros pour l’inscription du défunt sur une plaquette. On ne peut pas choisir un arbre de son vivant, mais les proches du défunt pourront indiquer l’arbre de leur choix au moment du décès.
Face au succès de cette pratique, le «Bois du Souvenir» pourrait bien encore s’agrandir prochainement de 4 hectares supplémentaires pour répondre à la demande. Et offrir ainsi un «parfait mélange entre les vivants et les morts», comme le souligne Pol Zimmermann, qui donne à cette forêt une aura toute particulière…
Sophie Wiessler
Un dernier lieu de repos réservé aux Eschois
Le “Bois du Souvenir” d’Esch-sur-Alzette est ouvert à toute personne décédée et ayant eu son dernier lieu de résidence sur le territoire de la commune ou ayant eu sa résidence habituelle sur le même territoire. «Nous avons calculé qu’il y a en moyenne entre 400 et 450 morts par an à Esch-sur-Alzette, donc nous avons décidé de n’ouvrir cette forêt qu’aux Eschois», précise Pol Zimmermann.
Luxembourg : «Au nom du multiculturalisme et des différentes croyances»
En amont de la Toussaint, la bourgmestre de Luxembourg, Lydie Polfer, évoque le parfois méconnu cimetière forestier de Cessange. Il propose une alternative aux cimetières classiques afin que les proches des défunts honorent leur mémoire comme ils l’entendent.
Ville multiculturelle par excellence, la capitale offre la possibilité d’un dernier repos digne à tous les citoyens, quelle que soit leur religion.
Quelles sont les raisons qui ont présidé à la création du cimetière de Cessange ?
Lydie Polfer : Ce cimetière forestier a été créé en 2014. Il est situé dans le bois de Cessange. Dans notre société multiculturelle, il est important d’offrir à chacun la possibilité d’un enterrement individuel en fonction de ses croyances. Nous avons donc choisi cette parcelle du bois de Cessange. Le cimetière, sur une surface totale de 12,5 hectares, comporte environ 100 arbres définis. Peut-être que cette capacité à long terme sera insuffisante, parce que ces arbres sont localisés dans quatre parcelles différentes. Une première parcelle de 29 arbres, c’est-à-dire les emplacements, donc les concessions, est déjà vendue par exemple. Nous avons désormais entamé la deuxième parcelle avec 26 arbres, et comme ce cimetière connaît vraiment une grande attractivité, il est à prévoir que dans quelques années il faudra l’agrandir. Ce qui est d’ailleurs tout à fait possible. Pour le moment, il reste 75 arbres de disponibles.
Comment expliquer cette attractivité croissante ?
Lorsque je procède à une dispersion ou à un dépôt de cendres au cimetière forestier de Cessange, je suis moi-même témoin du fait que beaucoup de gens découvrent cette possibilité d’inhumation et qu’ils sont enchantés, parce que c’est un endroit très beau et où règne un grand calme. C’est très près de la nature, très naturel. Nos services sont chargés de l’entretien de ce lieu et ils le font très bien. J’ai le souvenir d’avoir moi-même assisté à des dispersions ou dépôts de cendres où il faisait beau. Il y a une clairière qui invite les rayons du soleil à y pénétrer et c’est effectivement un lieu presque mythique.
C’est un lieu presque mythique
Combien de dispersions et de dépôts de cendres ont été effectués depuis la création du cimetière et quels en sont les coûts ?
En 2014, il y en eut cinq, alors que pour 2020 ce nombre est monté à 38. Depuis le début de l’année, il y a eu 9 dispersions et 11 dépôts de cendres. Ces chiffres traduisent une augmentation du phénomène et un intérêt croissant. En ce qui concerne les coûts, ils diffèrent selon les deux possibilités offertes. Il y a un endroit au cimetière forestier où peut être effectuée la dispersion des cendres sans apposition d’une plaque commémorative. Dans ce cas, cela revient à 50 euros. L’autre option est le dépôt des cendres, ce qui signifie concrètement que les cendres du défunt sont enterrées près d’un arbre, avec apposition d’une plaque. Une concession pour un emplacement individuel, dans ce cas-là, revient à 200 euros pour une période de 15 ans et à 400 euros pour 30 ans. Enfin, il y a aussi la possibilité de prendre une concession sur un arbre, et là on peut y déposer les cendres pour dix défunts.
Qui préside aux cérémonies ?
Un prêtre ou le représentant de toutes les autres religions peuvent s’en charger. On peut aussi opter pour une cérémonie civile, qui sera menée par un officier d’état civil. Pour un enterrement avec cérémonie, en présence d’un prêtre ou d’un officier d’état civil, il faut compter 100 euros.
Quel est l’encadrement légal du cimetière forestier ?
Un règlement relatif aux cimetières, du 2 juin 2014 et modifié le 8 décembre de la même année, prévoit tout. À partir de l’article 67 sont stipulée la façon de réaliser l’entretien et les autres règles encadrant le cimetière forestier de Cessange. Concernant le règlement sur les cimetières, il est disponible sur le site internet de la Ville de Luxembourg (NDLR : le chapitre XIV aborde le « dépôt des cendres au cimetière forestier de Cessange« ). Au sujet des taxes (concessions funéraires), elles sont fixées dans le règlement-taxe de la Ville de Luxembourg, également disponible sur le site internet de la Ville.
Entretien avec Claude Damiani
Le message de Lydie Polfer
La bourgmestre, revenant sur le fait que le cimetière forestier de Cessange trouve ses origines dans la volonté des autorités de la Ville d’ «offrir un enterrement digne à tout un chacun, en fonction de sa religion et donc au nom du multiculturalisme et des différentes croyances», souligne que «c’est pour cela, également, qu’existe la possibilité au cimetière de Merl d’être enterré selon le rite musulman». Rappelons que la Ville accueille sur son territoire un cimetière juif, rue des Cerisiers au Limpertsberg.