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Les CFL gardent leur monopole au Luxembourg


Si les CFL partagent les rails avec des trains français et belges, ils gardent l'exclusivité du transport de passagers au Luxembourg. (illustration Fabrizio Pizzolante)

Les CFL conservent le monopole du transport de passagers au Luxembourg, grâce aux efforts du gouvernement pour obtenir des dérogations au quatrième paquet transport.

Dans le but de redynamiser les chemins de fer et d’éviter une dégradation des infrastructures, la Commission européenne a, dès les années 1990, fait le choix de faire jouer la concurrence en libéralisant le secteur ferroviaire en Europe. En 15 ans, quatre paquets ferroviaires ont été transposés dans les États membres ou presque. L’irréductible gouvernement luxembourgeois s’est élevé contre les mesures du volet politique du quatrième paquet jugé incompatible avec les spécificités du Grand-Duché et a tenu bon.

Le projet de loi de transposition de la partie du paquet concernant l’ouverture du marché des services nationaux de transports de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire, a été approuvé mercredi dans sa version modifiée par les députés luxembourgeois. Une «Extrawurscht», du sur-mesure obtenu de haute lutte avec l’appui du Benelux et d’autres États européens.

Le gâteau et les miettes

Le texte, avant les dérogations permanentes obtenues par le gouvernement, prévoyait qu’à partir de décembre 2019, les entreprises ferroviaires auront le droit d’exploiter des services sur l’ensemble du réseau de l’Union européenne et qu’à partir de 2023, les États membres devront procéder à des appels d’offres ouverts à toutes les sociétés européennes du secteur pour les contrats de service publics, sauf exceptions.

Le volet politique du quatrième paquet, adopté en 2016 par la Commission européenne, avait pour ambition, comme l’a rappelé mercredi le rapporteur du projet de loi, Carlo Back, «d’améliorer la qualité et l’efficience des services ferroviaires en supprimant les derniers obstacles juridiques, institutionnels et techniques éventuels et en renforçant les performances du secteur ferroviaire afin de parachever l’espace ferroviaire unique européen.»

Cependant, comme l’a fait remarquer Yves Cruchten (LSAP), «il arrive que toutes les décisions de l’Union européenne ne soient pas toujours bonnes ni adaptées à tous les 28 États membres». D’après le député socialiste, «ce paquet aurait été une catastrophe pour le Luxembourg» en raison de la petite taille de son marché. «Les uns auraient eu le gâteau et nous aurions eu les miettes», a-t-il ajouté.

L’État a tenu tête à Bruxelles

Le Luxembourg a été entendu. Le projet de loi voté mercredi lui permet d’appliquer des dérogations aux dispositions européennes. Rien ne devrait changer en matière de transport de passagers au Grand-Duché, a promis le ministre de la Mobilité, François Bausch : «Les chemins de fer luxembourgeois ne doivent pas être privatisés, ils doivent rester publics, c’est le souhait de ce gouvernement.» Le ministre s’est engagé à renouveler le contrat de service public avec la Société nationale de chemins de fer luxembourgeois en 2023. L’attribution directe de ces contrats sans appel d’offres étant admise par la dérogation.

Les CFL continueront donc jusqu’à nouvel ordre de gérer le réseau luxembourgeois et d’y effectuer des opérations de transport de personnes et de marchandises. Une petite victoire qui peut rassurer les syndicats du secteur. David Wagner (déi Lénk) a demandé des garanties pour être certain que l’État luxembourgeois ne céderait pas à la libéralisation dans les années à venir. Pour lui, le projet de loi est meilleur que la directive originelle, mais il le considère comme une aggravation en comparaison avec la loi précédente. «Nous ne pouvons pas nous satisfaire de quelques petites améliorations concédées par la Commission européenne pour mieux faire passer la pilule», a-t-il avancé avant d’indiquer que son parti s’opposait au vote du projet de loi.

Le fait est que le gouvernement a tenu bon pour défendre l’intérêt du pays et les emplois dans ce secteur de l’économie. «Bruxelles ne fait pas qu’imposer ses lois aux États membres», a précisé Yves Cruchten pour couper l’herbe sous le pied des théories populistes et anti-européennes : «L’Europe est bien démocratique.»

Sophie Kieffer