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Le titre de séjour à 500 000 euros au Grand-Duché


Le titre de séjour sera également accordé aux investisseurs qui investiront au moins trois millions d'euros dans une «structure d'investissement et de gestion existante ou à créer» ayant son siège au Grand-Duché. (illustration Editpress)

Un projet de loi vise à accorder quatre nouveaux titres de séjour aux ressortissants des pays tiers, dont un réservé aux investisseurs. Le Conseil d’État s’interroge sur l’opportunité de ce titre réservé aux riches.

À l’instar d’autres pays européens, le Luxembourg va lui aussi créer un titre de séjour spécifique aux investisseurs des pays tiers. Profitant de la transposition de deux directives européennes établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers occupant un emploi saisonnier ou un emploi temporaire intragroupe, le gouvernement intègre dans son projet de loi une nouvelle catégorie de titre de séjour, très exclusif : l’autorisation de séjour pour «investisseur» qui se situe en dehors du cadre de transposition des deux directives européennes.

Les députés de la commission des Affaires étrangères et européennes vont se pencher, lundi prochain, sur le projet de loi, alors que le Conseil d’État vient de rendre son avis en émettant de sérieux doutes sur l’opportunité de créer un visa européen de plus ou moins longue durée pour des investisseurs dont il faudra scrupuleusement étudier l’origine des fonds.

Dans son exposé des motifs, le gouvernement se contente de trois lignes sur le sujet : «Les dispositions relatives à l’autorisation de séjour pour investisseur s’inscrivent dans le cadre de la politique de diversification de l’économie, de l’encouragement de l’entrepreneuriat et du repositionnement de la place financière. Elles visent ainsi à attirer de nouveaux investisseurs de qualité au Luxembourg.» Sont exclus les investissements ayant à titre principal comme objet direct ou indirect l’achat et la location d’immeuble.

Ce titre de séjour très sélect (le Portugal a appelé le sien «Visa Gold»…) sera donc accordé aux investisseurs selon différentes conditions. Pourra s’en prévaloir celui qui investira au moins 500 000 euros dans une entreprise existante ayant son siège social au Grand-Duché et qui s’engage à maintenir l’investissement au moins cinq ans.

Autre variante : celui qui investira au moins 500 000 euros dans une entreprise à créer, ayant son siège social au Luxembourg et exerçant une activité commerciale artisanale ou industrielle avec l’engagement de créer au moins cinq emplois «à pourvoir en collaboration avec l’agence pour le développement de l’emploi dans les trois ans à compter de la création de l’entreprise».

De 500 000 à 20 millions d’euros

Pour les plus riches, il existe d’autres voies. Ainsi, le titre de séjour pour investisseur sera accordé à celui qui investira au moins trois millions d’euros dans une «structure d’investissement et de gestion existante ou à créer» ayant son siège au Grand-Duché et y maintenant «une structure appropriée» ou encore à celui qui apportera au moins 20 millions d’euros sous forme d’un dépôt auprès d’un institut financier avec l’engagement de maintenir cet investissement pour une durée minimale de cinq ans. Le titre de séjour accordé aux investisseurs serait valable trois ans et pourrait bien sûr bénéficier d’une prolongation.

Outre le reproche général concernant le flou qui entoure diverses notions dans le libellé, le Conseil d’État s’interroge surtout sur «la marge d’appréciation du ministre quant à la prise en compte de l’honorabilité des investisseurs». Et plus largement, il se demande s’il est réellement dans l’intérêt du pays «et de sa population» d’accorder «un droit à une autorisation de séjour quasi automatique à toute personne fortunée issue d’un pays tiers sans condition de résidence habituelle et effective».

Le Conseil d’État se permet de relever qu’un tel titre de séjour pour investisseur n’a été établi jusqu’à ce jour que dans quelques pays de l’Union européenne, «confrontés à de très graves difficultés financières et budgétaires». Et de conclure que «les seules considérations financières ne sauraient constituer une raison suffisante pour attirer au Luxembourg des personnes fortunées de pays tiers par la promesse de leur accorder un droit de séjour et ce sans procéder au niveau de l’administration compétente à un contrôle préalable efficace de l’origine des fonds».

Le projet de loi se limite à préciser que les transactions effectuées sont soumises à la loi relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme. «Ce renvoi est superflu», juge le Conseil d’État, car il tombe sous le sens.

Geneviève Montaigu