Ce mercredi se déroule la Journée mondiale du sida. L’occasion de rappeler que ce virus tue toujours, malgré les progrès de la médecine.
Le 5 juin 1981, l’organisme américain de santé publique CDC signale une forme rare de pneumonie chez de jeunes homosexuels californiens. C’est la première alerte sur le sida. L’institut Pasteur à Paris découvrira le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) deux ans plus tard. Depuis, la maladie a fait des dizaines de millions de morts et continue d’en faire, quand l’organisation de l’ONU chargée de la lutte contre le sida (Onusida) a fixé pour objectif l’éradication de la maladie d’ici à 2030. En 2020, 1,5 million de personnes ont contracté le virus. Au Luxembourg, en 2020, 12 personnes ayant le sida sont décédées et en 2021, 32 personnes ont été nouvellement infectées par le VIH.
Un nombre de contaminations qui pourrait potentiellement être bien en dessous de la réalité : le rythme du dépistage du VIH a en effet diminué presque uniformément dans le monde en raison de la pandémie de covid-19, a fait savoir l’Onusida dans son dernier rapport, publié lundi. Le Luxembourg n’est évidemment pas exempt de ce constat : «Au niveau européen, on a noté une baisse d’environ 20 % des tests de dépistage ces deux dernières années. Au Luxembourg, nous avons eu 24 % de tests rapides en moins dans notre service entre 2021 et 2019», indique Sandrine Kubaj, chargée de direction au HIV Berodung, le service de la Croix-Rouge préposé à la prévention et à la prise en charge psychosociale du VIH, de l’hépatite C et d’autres infections sexuellement transmissibles.
«Il y a plusieurs facteurs à cela, notamment le fait que les dépistages se sont faits pendant une certaine période sur rendez-vous, et non plus une permanence libre, mais il y a aussi une certaine lassitude des épidémies. Les tests ont bien repris chez nous, mais malgré tout, en 2019, on pouvait avoir jusqu’à 12 personnes durant notre permanence qui venaient pour se faire dépister, aujourd’hui c’est moitié moins.»
Les différents confinements et restrictions n’auraient-ils pas pu au contraire limiter les risques de contamination? Rien n’est moins sûr. «C’est un véritable questionnement… Comme il y a moins de tests, il y a aussi moins accès aux personnes qui ont pris des risques. On remarque aussi que dans des situations où il faut se cacher, la prévention devient moins prioritaire pour les personnes. Il y a eu probablement moins de contacts en tout, mais y a-t-il eu pour autant moins de contacts à risque? On ne le sait pas.»
Des autotests fiables
En plus de son service et de ses actions de dépistage, le HIV Berodung propose également des autotests, qui peuvent être envoyés gratuitement. «Ils sont aussi fiables que les tests rapides», assure Sandrine Kubaj. Il y a toutefois un délai à respecter pour être absolument certain de leur fiabilité : comme pour les tests rapides, le résultat ne s’avère vraiment sûr que s’il est fait trois mois après le rapport à risque, tandis que la prise de sang peut elle être effectuée au bout de six semaines.
«L’avantage d’effectuer malgré tout un autotest avant ce délai de trois mois, c’est que s’il est positif, on sait plus tôt que l’on a contracté le virus. C’est lorsque le test est négatif qu’il faut le vérifier une nouvelle fois», précise la responsable. Il est aussi possible de se procurer des autotests en pharmacie et dans certains supermarchés pour un peu plus de 15 euros.
Des actions de sensibilisation
Comme à l’accoutumée, le service HIV Berodung de la Croix-Rouge a mis en place toute une série d’actions spéciales pour appuyer cette Journée mondiale du sida et rappeler la nécessité de se protéger du VIH : organisation de la Semaine européenne de dépistage (une campagne pour «Tester-Traiter-Prévenir»); mise en vente de la Love Baguette à la Confiserie Namur, une baguette en forme de ruban rouge vendue 2,20 euros dont un euro sera reversé au profit du HIV Berodung; cérémonie auprès de l’arbre commémoratif planté au parc de l’Europe à Dommeldange en mémoire des personnes décédées du sida et symbole du soutien à toutes les personnes vivant avec le VIH.
Aujourd’hui, un dépistage avec la camionnette du service sera organisé de 11 h à 15 h à la gare de Luxembourg avec distribution de préservatifs. Sans oublier le défilé de mode ce soir au lycée technique du Centre sur le thème «Red Ribbon Fashion» (la mode du ruban rouge) dans le cadre du «Preventing Art» (art préventif), en présence de Miss Drag Queen 2021, Medusa Venom, ainsi que du vice-Mister Luxembourg Francis Hoven.
Tatiana Salvan
Des traitements efficaces
En 1995/1996, l’arrivée de deux nouvelles classes de médicaments marque un tournant : les inhibiteurs de protéase et les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse. C’est le début des combinaisons de différents antirétroviraux : les trithérapies, qui se révèlent très efficaces contre le virus. En effet, lorsqu’une personne vivant avec le VIH suit une thérapie antirétrovirale efficace, sa charge virale baisse tellement qu’elle devient indétectable, cette personne ne peut alors plus transmettre le VIH.
En 2012, un premier traitement préventif dit PrEP («prophylaxie pré-exposition»), le cocktail antirétroviral Truvada, est autorisé aux États-Unis. Depuis, ce type de traitement a prouvé son efficacité et permis à des personnes à risque de se protéger en prenant un comprimé à titre préventif.