Devoir rester enfermé chez soi, a fortiori sans savoir combien de temps cela va durer, peut avoir un impact psychologique conséquent sur les personnes, surtout celles déjà fragilisées. On fait le point, notamment avec Vincent Navet, psychologue et psychothérapeute, chargé de direction du pôle traitement de la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale.
C’est une première pour l’ensemble de la planète : près de deux milliards d’êtres humains vivent désormais confinés. Mais devoir rester enfermé chez soi, pour une durée indéterminée, n’est pas sans risque et cela pourrait avoir des conséquences sur la santé psychique des populations.
Plusieurs études menées par le passé au cours de différentes quarantaines (lors des épidémies de SRAS ou d’Ebola notamment) mettent ainsi en évidence les conséquences jugées «dramatiques» du confinement : «Une durée de confinement de plus de dix jours, toutes études confondues, est prédictive de syndrome post-traumatique», résume Catherine Tourette-Turgis, directrice du master en éducation thérapeutique à Sorbonne-Université, interviewée par France Culture.
La psychologue, qui relaye également une enquête nationale menée sur plus de 50 000 personnes en Chine pendant le confinement lié au coronavirus, met en exergue le fait que «35 % des répondants ont présenté un stress psychologique modéré» et «5,14 %, un stress psychologique sévère».
Le confinement est en effet indéniablement une source de stress : se voir séparer de ses proches, se retrouver privé d’une certaine forme de liberté et devoir vivre dans l’incertitude peut générer de l’inquiétude, voire de l’angoisse. Or tous ces facteurs de stress peuvent finir par avoir une répercussion sur notre état émotionnel.
«On peut avoir peur et en plus on ne sait pas quand ça va s’arrêter, c’est une première inconnue qui apparaît», explique Vincent Navet, psychologue et psychothérapeute, chargé de direction du pôle traitement de la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale. «De plus, on se retrouve freinés dans toutes nos activités quotidiennes habituelles, que ce soit au niveau du travail, des loisirs ou de nos contacts sociaux, activités qui sont des piliers essentiels à notre bien-être.»
Et c’est un peu le serpent qui se mord la queue. «Comme on est seul chez soi et qu’on ne fait rien, on peut finir par se sentir incapable de faire quoi que ce soit. Ce sentiment d’incapacité peut amener de la tristesse, qui peut à son tour amener lentement des états dépressifs légers», résume Vincent Navet.
L’ennui, facteur de surconsommation
Pour les personnes les plus fragiles, qui ont déjà un terrain dépressif, peut-on craindre des tentatives de suicide? «Il est clair que les facteurs actuels constituent des facteurs de risque supplémentaires. Mais on ne peut pas prédire s’il y aura plus de passages à l’acte pour autant», avance, avec précaution, le psychologue.
Le risque reste néanmoins important de voir les addictions, comme la consommation d’alcool ou les prises alimentaires de type boulimique, s’accentuer. «L’ennui et le fait de vouloir faire passer le temps plus rapidement sont des facteurs qui peuvent amener à une surconsommation», alerte le psychologue.
Afin de prévenir les risques et continuer d’assurer le suivi de leurs patients tout en respectant les règles de confinement et de limitation des contacts visant à éviter la propagation du coronavirus, les psychologues de d’Ligue maintiennent un contact téléphonique avec eux, et poursuivent par ce biais les psychothérapies et les consultations (les patients nécessitant l’administration d’un traitement médical continuent cependant d’être accueillis avec un ensemble de précautions). Un contact régulier essentiel, l’anxiété et les angoisses pouvant être exacerbées dans le contexte actuel.
À ce jour, Vincent Navet note cependant que «la plupart des patients supportent bien la situation, les ressources qu’ils parviennent à activer pour y faire face fonctionnent».
Au vu du nombre de patients actuellement en suivi, d’Ligue n’a pu mettre en place une permanence téléphonique à l’intention du grand public. Néanmoins, le Centre psycho-social et d’accompagnement scolaires (CePAS) a ouvert sa hotline (8002 9090) pour les élèves, parents et enseignants qui auraient besoin de conseils ou d’un accompagnement psychologique en cas d’urgence, tandis que le ministère de la Santé va sous peu mettre en place un support psychologique pour l’ensemble du personnel soignant.
Que faire pour limiter les dégâts ? Il est important de conserver une certaine routine (se laver, prendre ses repas à heures fixes, respecter son cycle de sommeil…) mais aussi de s’occuper.
«Bien sûr, les personnes les plus aisées ont peut-être plus de facilités à s’occuper chez elles, tandis qu’il sera certainement beaucoup plus compliqué de passer le temps pour les personnes qui ont plus de difficultés financières et qui vivent dans un studio ou dans une chambre. De nombreux conseils sont dispensés sur les réseaux et des initiatives sont toutefois lancées sur internet, qui permettent de faire des activités à domicile, comme par exemple ces enseignes de sport qui proposent des vidéos de fitness», souligne Vincent Navet, qui rappelle que «le pire, c’est l’ennui et l’inactivité».
Tatiana Salvan
Il n’est pas interdit de fuir !
Dans un contexte de confinement, les violences domestiques et l’inceste risquent d’être exacerbés, la promiscuité renforçant déjà de manière générale les tensions. Mais comme le rappelle Vincent Navet, «ce n’est pas parce qu’on est en confinement qu’il n’y a plus de lois, qu’on ne peut plus faire appel à la police ou rechercher de l’aide» et le confinement national n’interdit pas de fuir.
Le KannerJugend Telefon (tél. : 116 111) ainsi que les services de l’ASBL Femmes en détresse (tél. : 45 45 45) restent donc disponibles. Une adresse mail a en outre été mise en place par Femmes en détresse (organisation@fed.lu), afin que les personnes exposées à des violences domestiques puissent y envoyer un message en cas de danger, opération plus facile à réaliser qu’un appel téléphonique dans un contexte de confinement et de promiscuité.
Néanmoins, en cas de danger vital, appelez la police au 113.