Le parquet européen déménage dans la Tour B du Parlement européen.Si l’accord de siège a été signé vendredi, les recrutements prennent du temps.
Voilà c’est signé. Pour que le parquet européen puisse enfin commencer à fonctionner, il lui fallait au préalable signer avec le Luxembourg des accords de siège. Ce fut chose faite vendredi entre la cheffe du parquet européen, la Roumaine Laura Kövesi, et le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn.
Il y a encore un mois, le commissaire à la Justice, Didier Reynders, avait écrit aux États membres pour les presser d’aboutir, une dizaine de pays n’avaient pas encore adapté leur procédure nationale afin d’intégrer le parquet européen. «Mon souhait est qu’on démarre cette année, et qu’en tout cas qu’on soit prêt à démarrer» dès que le budget 2021-2027 et le plan de relance «pourront être mobilisés», indiquait le commissaire belge à l’AFP.
Le ministre Jean Asselborn partage les mêmes espoirs. «Les missions du parquet européen ont encore gagné en importance, eu égard aux fonds conséquents prévus par le budget pluriannuel de l’Union européenne pour la période 2021-2027 et le fonds de relance „Next Generation EU“ décidé dans le cadre de la crise sanitaire», abonde le ministre des Affaires étrangères.
Le plan de relance et le budget sont actuellement bloqués par la Hongrie et la Pologne. Les deux pays sont en désaccord avec la clause autorisant une suspension des versements d’aides en cas de violations de l’État de droit et de la démocratie. Jean Asselborn n’a pas pu se retenir d’ouvrir une petite parenthèse à ce sujet, rappelant que le parquet européen a également un rôle non négligeable en matière de respect de l’État de droit au sein de l’Union. «Un point, qui, comme vous le savez, me tient particulièrement à cœur», dit-il.
Déjà 67 personnes recrutées
À propos de cette condition dans le versement des aides, le ministre a encore rappelé que le Luxembourg y était très attaché. «Sans référence aux valeurs et règles de la démocratie, telles que définies dans le Traité de l’Union européenne, l’UE ne saurait fonctionner dans l’intérêt de ses citoyens. Le parquet européen sera certainement appelé à y contribuer avec la Cour de justice de l’Union européenne», souligne Jean Asselborn.
Le parquet européen sera le premier parquet indépendant et décentralisé de l’Union européenne. Il sera habilité à rechercher, poursuivre et traduire en justice les auteurs d’infractions portant atteinte au budget de l’UE, telles que la fraude, la corruption ou la fraude transfrontalière grave à la TVA.
Le nouvel organe judiciaire, siégeant dans la Tour B du Parlement européen, place de l’Europe au Kirchberg, est en phase de recrutement. Jean Asselborn s’en réjouit et estime que d’ici l’an prochain, 122 fonctionnaires et agents devraient être en place au siège du parquet à Luxembourg. Actuellement, 67 personnes travaillent déjà pour le parquet ici au Luxembourg. Le nombre des effectifs a été décidé dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle mais pour la cheffe du parquet européen, il aurait fallu au moins 200 personnels au Luxembourg pour mener à bien les missions et un budget de 55 millions par an au lieu des 37 millions accordés.
«Nous avons besoin de personnel au Luxembourg. Nous manquons d’analystes, d’enquêteurs financiers, de conseillers juridiques. Il nous manque encore 80 postes», détaillait en octobre dernier la cheffe du parquet européen, Laura Kövesi, dont l’objectif est de disposer d’une équipe de plus de 200 personnes à Luxembourg. «Le coût du parquet européen représente des cacahuètes comparé aux bénéfices des enquêtes», déclarait-elle récemment à l’AFP.
Le parquet est compétent pour la fraude aux fonds européens dépassant les 10 000 euros, la fraude à la TVA de plus de 10 millions d’euros, le blanchiment d’argent, la corruption. «Une criminalité représentant entre 30 et 60 milliards d’euros par an, selon Laura Kövesi, qui compte «en récupérer une grande partie».
Mais pour qu’il puisse commencer ses activités, les États membres doivent d’abord désigner les 140 procureurs délégués chargés de mener au niveau national les enquêtes, qui seront supervisées par les 22 procureurs depuis Luxembourg. Le Luxembourg, qui a nommé Gabriel Seixas, premier procureur européen, pour une période de 6 ans, n’a pas encore nommé les deux procureurs délégués tant attendus.
«Tant qu’ils ne sont pas là, on ne peut pas enquêter. On espère qu’ils seront proposés aussi vite que possible par les États membres», indiquait Laura Kövesi dans le même entretien.
Pour l’heure, la Commission n’a pas encore donné son feu vert pour le démarrage des travaux du parquet européen.
Le parquet européen fonctionnera comme un parquet unique pour tous les pays de l’UE participants, ils sont actuellement 22. Il exercera ses fonctions en toute indépendance, dans l’intérêt de l’UE, et ne sollicitera ni n’acceptera d’instructions d’autorités européennes ou nationales. Si le parquet ouvre une enquête, les autorités nationales s’abstiendront de mener leur propre enquête concernant l’infraction en question. Elles devront également informer le parquet européen de tout comportement délictueux pertinent. Toutefois, le parquet poursuivra les criminels concernés devant les juridictions nationales compétentes. À la différence des organes actuels de lutte contre la fraude et la criminalité transfrontalière, Eurojust et Olaf, le parquet européen pourra mener des enquêtes au pénal sur la base d’une plainte, engager des poursuites et saisir des actifs.
Geneviève Montaigu