Selon une étude de l’ALEM, près de 30% des étudiants luxembourgeois en médecine ne comptent pas pratiquer au Grand-Duché. Cette tendance ne fait qu’accentuer le risque de désert médical.
Il y a tout juste un an, l’Association luxembourgeoise des étudiants en médecine (ALEM) mettait en garde contre le fait que le millier de jeunes résidents engagés dans une formation médicale n’allait pas suffire à compenser la vague de départs à la retraite de médecins en activité. La moitié des quelque 2 100 médecins pratiquant au Luxembourg est âgée de plus de 55 ans. On estime qu’il faudra deux, voire trois, jeunes praticiens pour remplacer un médecin de l’ancienne génération. « Les jeunes praticiens ne sont plus prêts à prester 100 heures par semaine », indiquait Chris Speicher, vice-président de l’ALEM. Il y a au Luxembourg 2,9 médecins pour 10 000 habitants, un ratio inférieur à celui de nos pays voisins. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le nombre de professionnels de la santé doit augmenter de 30% jusqu’en 2030 afin de «pouvoir garantir la même qualité de la couverture médicale et afin de contrecarrer la pénurie en professionnels de santé». Le Luxembourg risque lui, par contre, de perdre 30% de ses futurs médecins, partis en formation à l’étranger. C’est ce qui ressort d’un sondage mené par l’ALEM auprès de 230 étudiants luxembourgeois. La publication État des lieux de la formation médicale au Luxembourg et des futurs médecins luxembourgeois résume les conclusions de cette étude, qualifiée de représentative.
Très motivés au début de leur cursus (95,5 % comptent revenir), les médecins ne sont plus que 70 % en voie de spécialisation à affirmer vouloir revenir pratiquer au Grand-Duché. L’établissement des médecins luxembourgeois à l’étranger serait «notamment due au fait qu’après de nombreuses années de formation dans un pays étranger, les jeunes médecins commencent à s’y installer et à perdre peu à peu les liens avec leur pays d’origine». Il est à noter qu’au moins 525 étudiants luxembourgeois travaillent déjà à l’étranger.
Conscient du problème, le gouvernement avait décidé fin mars 2019 une hausse des indemnités et des aides financières pour les médecins en voie de spécialisation (3 300 euros par mois pour les généralistes, 2 700 euros pour les spécialistes). Cette initiative ne semble pas encore porter ses fruits.
1 500 jeunes médecins nécessaires
L’ALEM estime que quelque 900 étudiants en médecine sont en voie de formation. Si 30% ne reviennent pas au Luxembourg, ce ne seront que quelque 630 nouveaux médecins (39,6% des médecins en activité) que le pays va accueillir dans les années à venir. En considérant qu’il faudra en moyenne 1,5 médecin pour remplacer un médecin pensionné, l’ALEM calcule que le Luxembourg aura besoin de 1 500 nouveaux praticiens dans les 10 à 15 années à venir pour pouvoir maintenir son standard de soins médicaux. Les 630 revenants ne constitueraient que 42% de ce besoin. Même le retour des 900 étudiants ne permettrait de combler que 60% du besoin total.
«Il ne suffit donc pas de persuader les médecins luxembourgeois de rentrer au Luxembourg pour combattre la pénurie de médecins, il faut aussi commencer à former ses propres médecins au Luxembourg et continuer à recruter du personnel non luxembourgeois», conclut l’ALEM. Après la gestion de la pandémie, c’est un nouveau défi majeur qui attend la ministre de la Santé, Paulette Lenert.
David Marques
Un CHU et une faculté de médecine réclamés
L’ALEM a établi une série de revendications pour contrer la pénurie de médecins qui guette le Luxembourg.
À COURT TERME
En parallèle au nouveau bachelor en médecine à l’université du Luxembourg, maintien de la possibilité de poursuivre, après une première année au Grand-Duché, ses études à l’étranger (accords bilatéraux avec la France, la Belgique et l’Allemagne). En outre, l’ALEM revendique une adaptation du salaire et la création d’un statut légal pour les futurs médecins.
À MOYEN TERME
Création d’une faculté de médecine offrant un cursus complet, doté d’un concept didactique moderne et riche en stages, avec à la clé un élargissement des formations. En complément à la médecine générale, l’oncologie et la neurologie, déjà accessibles à l’Uni. lu, l’ALEM plaide pour une offre comprenant l’anesthésie-réanimation, la pédiatrie, la gynécologie et la chirurgie.
À LONG TERME
Création d’un centre hospitalier universitaire, qui pourrait être organisé de façon décentralisée avec plusieurs hôpitaux qui forment un CHU (modèle choisi à Bochum en Allemagne). L’objectif est de former de futurs médecins en étroite collaboration avec des CHU étrangers.