Le ministère de l’Environnement met en place un plan d’action qui devra lui permettre de déterminer, avec les principaux intéressés, les mesures à prendre pour protéger les insectes pollinisateurs.
Les temps sont graves pour les insectes dont les listes d’espèces en voie d’extinction ne cessent de croître. «On a beaucoup parlé des abeilles, mais il faut aussi informer sur les autres pollinisateurs qui font actuellement gratuitement le travail», indique Carole Dieschbourg. La ministre de l’Environnement a présenté hier matin un nouveau «plan national d’actions pour la préservation des insectes pollinisateurs». Concrètement, il s’agit d’entamer une réflexion collective «avec tous les acteurs du sujet, que ce soit la population, les acteurs économiques parmi lesquels les agriculteurs, ou encore les scientifiques», complète la ministre.
Un atelier national le 14 janvier
Un atelier national de lancement est prévu le 14 janvier 2020 au ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable. Trois autres ateliers, régionaux cette fois, seront organisés en soirée. De plus, un dialogue participatif et disciplinaire sera entamé pour «récolter des idées et des connaissances de la part de tous les acteurs concernés», précise Carole Dieschbourg. Enfin, une plateforme participative «planpollinisateur.org» sera mise en ligne pour permettre à tous les citoyens de faire des propositions.
Tous les acteurs n’ont cependant pas les mêmes intérêts, même si la ministre se veut rassurante : «Je suis persuadée que les agriculteurs ont une grande sensibilité par rapport à la biodiversité. Il y a déjà eu des avancées.» D’autant que le secteur économique qui dépend de l’agriculture a également besoin des pollinisateurs. On pourrait se demander si l’heure est encore au dialogue ou à la réflexion plutôt qu’à l’action, tant le bilan est catastrophique : «Nous faisons les deux, rétorque la ministre. C’est noté dans le programme gouvernemental. Cent millions d’euros ont été investis pour la protection de la biodiversité. Nous avons renforcé la loi 2018 de la protection de la nature et il y a des projets législatifs en cours. Mais nous voulons en faire davantage pour les pollinisateurs avec ce projet, car ils sont à la base de l’écosystème. S’ils sont en déclin, ce sont les oiseaux qui vont commencer à disparaître, c’est une chaîne. Et pour aller plus loin, nous avons besoin de rassembler et d’élargir notre champ de connaissances.»
Des mesures concrètes à l’été 2020
Un bilan des idées évoquées et des mesures à prendre devrait être communiqué à l’été 2020. Les actions décidées par le gouvernement auront pour but de protéger, créer et entretenir les habitats des insectes pollinisateurs au Luxembourg afin d’inverser la tendance du déclin et de renforcer le plan national concernant la protection de la nature 2017-2021.
Ces mesures devront être mises en œuvre rapidement, car il y a urgence. «On peut inverser la tendance, mais pas de façon rapide», nuance Gil Kirchen de l’association Ëmweltberodung Lëtzebuerg qui fait le lien entre le gouvernement et les communes pour les conseiller en matière de protection de la nature.
Il explique que les études qui ont été faites dans le domaine montrent majoritairement quatre causes du déclin des insectes et en premier lieu l’agriculture intensive. Un autre danger très important se trouve dans la fragmentation des milieux. «La pollution lumineuse participe à occasionner cette fragmentation, illustre Gil Kirchen. Un insecte volant va être attiré par les lampadaires le long des routes et ne passera jamais de l’autre côté. Les pesticides aussi jouent bien sûr un rôle dans la dégradation et la fragmentation des habitats naturels.» Le changement climatique n’aide en rien les insectes et, enfin, les facteurs biologiques (maladies, espèces exotiques envahissantes) leur portent un coup supplémentaire «C’est un maillage complexe de ces causes qui crée un tel déclin, reprend Gil Kirchen. Mais il faut être réaliste, on ne sait pas quelles sont les mesures qui seront les plus efficaces pour inverser la tendance. C’est pour cela qu’il faut impliquer tous les acteurs et renforcer les recherches au Luxembourg sur les insectes.»
Audrey Libiez
Dix pour cent des espèces d’insectes menacées d’extinction
Parmi les insectes pollinisateurs, on retrouve quatre groupes : l’hymenoptera qui rassemble les abeilles, guêpes, fourmis. La famille diptera qui englobe les mouches ou les syrphes, le groupe des papillons et celui des coléoptères. Les cultures pollinisées par les insectes assurent plus du tiers (35 %) de notre alimentation à l’échelle mondiale. Les pollinisateurs permettent aussi d’avoir un meilleur rendement des cultures dans 84 % des cas dans l’Union européenne.
Selon l’étude Gallai et al (2009 et 2016), on estime à 14,2 milliards d’euros les bénéfices économiques liés aux pollinisateurs dans l’UE. Ce chiffre s’élève à 150 milliards d’euros à l’échelle de la planète. Pourtant, selon le rapport IPBES, «le rapport de référence sur la biodiversité», précise Gil Kirchen de l’association Ëmweltberodung Lëtzebuerg, 10 % des espèces d’insectes sont menacées d’extinction. Les plus touchés par ce risque sont les coléoptères : 18 % d’espèces de cette famille sont sur les listes rouges européennes de l’IUCN. Les papillons ont vu leur population baisser de 31 % ces dernières décennies et les abeilles de 37 %. «De nombreuses études européennes et internationales confirment ce déclin, mais il est très difficile de faire une estimation précise car il y a énormément d’espèces d’insectes, dont beaucoup que nous ne connaissons pas encore, même au Luxembourg», souligne Gil Kirchen.