Les 100 citoyens sélectionnés pour former le Klima-Biergerrot voulu par Xavier Bettel se réunissent pour la première fois ce samedi 29 janvier, alors que les critiques pleuvent et qu’ils vont devoir composer avec un calendrier ultraserré.
Le calendrier a de quoi surprendre, même si chaque année préélectorale accélère toujours les plans gouvernementaux : trois mois à peine après l’annonce-surprise du Premier ministre, voilà déjà le Klima-Biergerrot sur les rails, avec 100 citoyens triés sur le volet, prêts à déterminer si le Luxembourg doit aller plus loin en matière de lutte contre le changement climatique, et si oui comment.
Tous se réunissent pour la première fois ce samedi, à l’issue d’une cérémonie d’ouverture qui sera diffusée en ligne.
L’institut TNS Ilres n’a eu que quelques semaines pour sélectionner, au pas de charge, les différents profils destinés à former un échantillon représentatif de la population, étrangers et travailleurs frontaliers compris, parmi 1 100 candidatures reçues.
Quant aux heureux élus, informés cette semaine, ils vont devoir tenir un sacré rythme, puisque les 15 à 18 séances de travail prévues au programme devront être bouclées en juillet, en vue d’un débat à la Chambre avant les vacances.
«J’espère qu’on pourra peser politiquement»
Joëlle Weis a reçu mercredi la lettre officielle lui annonçant qu’elle fait partie des 100 citoyens sélectionnés. Et cette historienne de 34 ans, originaire de Biwer, compte bien faire entendre sa voix : «Le climat est le plus grand défi de l’avenir. Ce format est super intéressant, je trouve, c’est un moyen de contribuer à un futur plus constructif, en confrontant nos opinions, en en découvrant de nouvelles», confie-t-elle, ajoutant que le calendrier serré ne lui fait pas peur.
«En Allemagne, il y a des initiatives similaires où les citoyens planchent sur des thèmes précis divisés en groupes de travail pour être plus efficaces.»
Jamais engagée par ailleurs, la jeune femme a postulé avec l’espoir de changer les choses, et pour cela, elle mise beaucoup sur la médiatisation du groupe : «J’espère qu’on sera assez connu du grand public pour pouvoir peser politiquement ensuite», explique-t-elle, consciente que le risque de s’investir pour peu d’effets au final existe bel et bien.
«Il faut parfois être optimiste et un peu naïf, sinon on n’est pas motivé à s’engager dans quoi que ce soit», tranche-t-elle, décidée à aller jusqu’au bout, quoi qu’il arrive. À quelques heures de se lancer, elle se dit curieuse d’enfin découvrir les membres du bureau et la façon dont ils vont collaborer durant les six prochains mois.
Un procédé qui fait bondir les associations et syndicats engagés de longue date en faveur du climat, comme le groupe Rise for Climate ou le CELL, qui porte le mouvement de la transition au Luxembourg.
Tous deux pointent ainsi une période bien trop limitée pour espérer aboutir à un processus participatif qui porte réellement ses fruits.
Mais plus grave, ils estiment que, sous cette forme, toute ambition pour le climat est tuée dans l’œuf : «Sans comité de pilotage externe, comme c’est le cas pour ce Klima-Biergerrot, c’est le gouvernement qui réfléchit à la façon de mettre en place l’assemblée et aux moyens alloués, alors que la loi climat ou le PNEC (NDLR : plan intégré en matière d’énergie et de climat), dont il est lui-même à l’origine, sont clairement insuffisants», dénonce Magali Paulus, du CELL.
Sceptiques sur la méthode, les associations craignent aussi beaucoup de frustration chez ces citoyens qui auront investi temps et énergie dans cette aventure.
«On l’a vu en France avec la Convention citoyenne pour le climat, dont les conditions de base étaient meilleures que celles prévues pour le Klima-Biergerrot : les propositions concrètes et ambitieuses des participants sont quasiment toutes restées lettre morte», poursuit-elle, assurant que d’autres pistes sont possibles pour parvenir à des changements rapides et concrets.
Le CELL évincé, une situation «étrange»
Au-delà de la seule question du climat, cette initiative portée par Xavier Bettel pose un certain nombre de questions, à commencer par celle de l’éviction du CELL, qui bénéficie de financements étatiques et dont l’une des missions principales consiste précisément à organiser des assemblées climatiques citoyennes.
«La situation est pour le moins étrange», reconnaît Magali Paulus, qui raconte par ailleurs avoir eu bien du mal à obtenir des explications de la part du gouvernement.
«On nous a simplement demandé de réfléchir à une façon d’être complémentaire avec ce Klima-Biergerrot», rapporte-t-elle, tandis que leur proposition de lancer des assemblées régionales pour nourrir les débats du bureau national a purement et simplement été retoquée.
«Ça ne les intéressait pas. Tout ce qui importait, c’était d’aller vite», déplore la militante. «Je suis peut-être un peu cynique, mais on aurait dit que pour le Premier ministre, six mois consacrés au climat, c’était déjà bien assez», soupire-t-elle, estimant qu’il est dommage de mettre tant d’argent et d’énergie dans un processus qui n’est pas à la hauteur.
D’autant plus frustrant que les associations, Rise for Climate en tête, réclamaient de longue date l’implication plus active du public dans le dossier du climat.
Loin de se décourager, l’équipe du CELL planche donc actuellement sur une formule qui mêlerait la voix des citoyens des régions et la participation de membres du Klima-Biergerrot pour approfondir certaines thématiques.
Lors de la session de lancement de cet après-midi, les 100 citoyens représentant le Grand-Duché recevront leur plan de travail détaillé ainsi que l’organisation des prochains mois. Ils ne démarreront véritablement leurs échanges à propos du climat que début février.
Des citoyens de plus en plus sollicités
2018. 350 citoyens de toutes les régions sont associés à l’élaboration du nouveau Programme directeur d’aménagement du territoire à travers des ateliers thématiques. Leurs recommandations sont intégrées au document.
2020. 30 citoyens intègrent le Biergerkommitee Lëtzebuerg 2050 initié par le ministre Claude Turmes et travaillent à l’élaboration de recommandations sur la manière dont le pays doit se développer pour devenir neutre en carbone d’ici 2050. Le fruit de leur travail vient d’être publié.
2022. 100 citoyens forment le Klima-Biergerrot avec la mission de proposer des mesures pour accélérer l’action climatique. Le grand public pourra aussi apporter sa pierre à l’édifice. Un débat est prévu à la Chambre en juillet, tandis qu’à l’automne, des assemblées climatiques seront organisées par le CELL.
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